Étiquette : MC93

« Home – morceaux de nature en ruine » de Magrit Coulon à la MC93 – performer la vieillesse pour en révéler le caractère spectaculaire

Alors que la saison touche à sa fin, la MC93 programme un spectacle de Magrit Coulon créé à Liège et pour la première fois présenté en France dans le Off d’Avignon, en 2021, au Théâtre des Doms. Home – morceaux de nature en ruine était auparavant en lice pour le Festival Impatience en 2020 (édition sacrifiée par le covid), mais le spectacle était reparti de manière assez incompréhensible sans aucune récompense – alors que le premier prix était remis au très malaisant The Jewish Hour de Yuval Rozman, en ce moment repris au Théâtre 13… Le temps – au cœur du spectacle de Magrit Coulon – fait heureusement son œuvre, et le public ne s’y trompe pas : salle clairsemée et applaudissements contraints et gênés pour le spectacle primé ; salle pleine et conquise, bruissante de commentaires enthousiastes à la sortie pour Home. Cet enthousiasme peut paraît paradoxal si l’on s’en tient à la seule information que le spectacle porte sur le quotidien de résidents en maison de retraite. Le paradoxe n’est cependant que de surface, car ce qui touche dans ce spectacle, c’est la profondeur du travail théâtral que l’on perçoit en amont et à chaque représentation, qui nous confronte de manière très délicate à une réalité qui nous embarrasse.
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« mauvaise » de debbie tucker green, mis en scène par Sébastien Derrey au T2G – douloureux combat de la parole contre le silence

Alors que les théâtres ont travaillé d’arrache-pied pendant des semaines dans la perspective de leur réouverture mi-décembre, qu’ils ont réinventé leurs saisons, leurs horaires et leurs modalités d’accueil tandis que les artistes reprenaient intensément les répétitions, animés par l’espoir de retrouver le public, cinq jours seulement avant la date de réouverture annoncée, le Premier ministre annonçait qu’elle n’aurait pas lieu, démontrant, une fois de plus, un violent mépris à l’égard des artistes et les structures culturelles, jugées inessentielles – moins essentielles en tout cas que les magasins de vêtements, de sport, de décoration, de jouets ou de farces et attrape. Cette décision soumet à nouveau à l’épreuve de la patience ceux pour qui la culture n’est pas un bonus dans le quotidien, mais le métier, la raison de vivre, la passion, mais elle fournit surtout de nouveaux motifs de colère, sentiment qui s’ajoute à l’épuisement, la lassitude et la perte de sens, maîtres de nos quotidiens depuis plusieurs mois. Dans le désert culturel annoncé jusqu’en janvier, le T2G a néanmoins trouvé le moyen de créer un espace de résistance, qui prend des allures d’oasis. Le Centre dramatique national de Gennevilliers a décidé de maintenir quelques dates des représentations de mauvaise, spectacle qui aurait dû être créé en novembre à la MC93 et qui a été reporté mi-décembre au T2G. Après les annonces du 10 décembre, ces représentations auraient encore dû être annulées, renvoyées à un avenir incertain alors que se pressent et se chevauchent dans les mois à venir près d’un an de théâtre depuis mars dernier. Trois représentations, uniquement ouvertes aux programmateurs et journalistes, ont cependant permis que le texte de debbie tucker green, figure éminente de l’avant-garde théâtrale britannique, soit pour la première fois créé en France et qu’il trouve ainsi une forme certes diminuée d’existence auprès des professionnels du secteur, à défaut du public, mais d’existence tout de même. Pour que la nouvelle contrainte du couvre-feu soit respectée, le spectacle a donc été présenté pour trois dates à 17h30, devant une poignée de spectateurs. L’ambiance est complice, feutrée entre les visages masqués qui pour la plupart se connaissent ou se reconnaissent, mais ceux qui ont le privilège de retourner une dernière fois en salle avant de clore l’annus horribilis 2020 sont loin de fanfaronner.
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« Danses pour une actrice (Valérie Dréville) » de Jérôme Bel à la MC93 – mémoires du corps

Il y a un an, Jérôme Bel annonçait qu’il ne prendrait plus l’avion, et ne ferait plus tourner ses spectacles à l’étranger (alors qu’il y a quelques années à peine, il venait jusqu’à Cuba avec Shirtologie). Ce qu’il consent à faire en revanche, c’est recréer ses spectacles avec des artistes étrangers, grâce à des répétitions via Skype. Pour que le spectacle vivant ne se résume pas à des captations (menace qui pèse en temps de covid), pour continuer à faire l’expérience de la présence, la nécessité s’impose plus que jamais d’aller voir ses œuvres, d’aller jusqu’à la MC93 pour découvrir sa dernière création, Danses pour une actrice (Valérie Dréville), présentée dans le cadre du Festival d’Automne. Pour la version française de ce spectacle, il fait appel à une actrice-monument, qui a marqué les œuvres de Vitez, Régy, Vassiliev, et plus récemment d’Ostermeier, Lupa ou Creuzevault. Une actrice qui porte en sa chair tout un pan de la mémoire théâtrale depuis les années 1980 jusqu’à nos jours, que Jérôme Bel confronte à une autre mémoire, celle de la danse. Ensemble, ils créent un objet hybride, qui s’offre exceptionnellement le luxe d’une double réception.
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« Bajazet, en considérant le Théâtre et la peste » de Castorf à la MC93 – parcelles brillantes d’humanité au coeur du chaos

Alors que le corpus qu’il avait constitué au fil des ans le tenait à distance de la littérature française, l’Allemand Frank Castorf s’intéresse à Racine en cette fin d’année, après le Don Juan de Molière en 2018. Parmi ses pièces, il choisit Bazajet, tragédie de l’amour et du pouvoir, mais surtout tragédie de l’Orient, du sérail, des sultans et des esclaves. Contrairement à ses habitudes, Castorf précise néanmoins le titre de son spectacle : Bazajet, en considérant le Théâtre et la peste. Il annonce ainsi d’emblée lire Racine à la lumière d’Artaud – ou l’inverse. L’indication annonce également de manière plus implicite que le metteur en scène fait preuve dans ce spectacle d’une conscience aigüe de son art, qui le rend pleinement maître de ses moyens.
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« Les Frères Karamazov » d’après Dostoïevski à la Friche Babcock – dynamitage signé Castorf

Après Bellorini cet été à Avignon, c’est au tour de l’Allemand Frank Castorf de présenter son adaptation des Frères Karamazov, créée en 2015. Le metteur en scène, venu en France il y a quatre ans pour la dernière fois avec sa Dame aux camélias, a cette fois été invité dans le cadre du Festival d’Automne.…

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