J'aurais dû dire que je ne savais pas, mais je n'ai rien dit. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? », cela faisait bientôt six mois que j'étais à nouveau seule dans les cafés et que, régulièrement, on me posait la question. Sans m'en rendre compte, manifestement, je fixais les gens. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? », c'était la voix d'une femme aux cheveux longs et lisses, noirs, quoique parsemés de quelques fils blancs, une femme que je ne connaissais pas et, c'est vrai, pourquoi la regardais-je comme ça ? J'aurais dû inventer quelque chose, un prétexte, sans doute, mais je n'ai rien dit. Je n'ai rien dit et j'ai pensé : écoute, sans doute parce qu'il n'y a qu'un café ouvert jusqu'à 21 heures à Saint-Jean-des-Oies, 496 habitants à l'année, ce qui ne fait pas grand monde à regarder, un café seulement et en son sein deux serveuses qui sont sœurs, jumelles pour le moins désagréables qui, si vous avez le malheur de demander à manger à 14 heures, vous rétorquent vivement un « Il est un peu tard pour ça, vous ne croyez pas ?".