Dans son adaptation du roman de Gogol, Les Âmes mortes, Anton Kouznetsov se pose comme défi d’incarner aussi bien tous les personnages que l’auteur lui-même, à sa table travail. C’est donc un ballet d’entrées et de sorties et de costumes en tous genres, le tout rythmé par des effets de lumières disco.
Les Âmes mortes est un roman inachevé de l’auteur russe, dont la rédaction est indissociable de sa vie. C’est quand il est à Rome, après la mort de son ami Pouchkine qui lui en a donné l’idée, qu’il le commence. La première partie s’écrit sans peine et les extraits publiés ont du succès en Europe. La suite sera nettement plus laborieuse et le héros Tchitchikov sera laissé à l’abandon sur les routes de Russie.
Tchitchikov est un personnage hors du commun. Le narrateur le décrit comme n’étant ni beau ni laid, ni gros ni mince. Son caractère se situe ailleurs : dans ses projets, pour le moins incongrus. On le rencontre à son arrivée au village de X, où il entreprend de se présenter à un grand nombre de propriétaires terriens pour leur racheter des âmes mortes. Profitant d’une faille de l’administration, il tente de convaincre ses interlocuteurs de lui céder les noms des paysans qu’ils n’ont pas encore recensés comme morts.
A trois sur scène, deux hommes et une femme, les comédiens dépensent toute leur énergie pour nous faire voir les rencontres, chaque fois très différentes, avec ces propriétaires. Après une introduction nous présentant Gogol écrivant, son héros surgit. D’abord soucieux de ménager ses relations avec toutes les personnalités de la ville, Tchitchikov part ensuite en quête d’âmes mortes.
Chaque face à face est riche en couleurs et les tonalités sont très différentes de l’un à l’autre. Le plateau et les lumières viennent illustrer ces atmosphères et les distinguer entre elles. De l’ambiance champêtre des Manilov, on passe à la peinture de l’avidité Korobotchka ou à celle de l’ours Sobakevitch. Si le personnage principal est incarné tout au long du spectacle par un seul comédien, il revient à Hervé Briaux et à Véra Ermakova de changer à chaque scène de costume et de se travestir pour figurer tous les autres personnages.
Le jeu se propage dans chaque recoin de la scène, parmi les nombreuses tables et chaises disposées en plusieurs îlots, mais aussi aux frontières des coulisses par les quatre entrées, et enfin en haut d’un escalier qui mène à une fenêtre. Le mouvement est constant, on a le sentiment que cela grouille, que les personnages se multiplient par leurs apparitions de tous les côtés et l’on ressent la vigueur du style de Gogol qui laisse peu de répit à son lecteur.
Le défi semble donc être remporté grâce à l’immense dynamisme des trois comédiens et aux effets sonores et lumineux qui réaniment et font rire le spectateur qui serait las de ce voyage intrépide. A la fin, Gogol revient sur scène et répand sur le sol les cendres du manuscrit de la deuxième partie, qu’il a réellement brûlée, donnant ainsi fin à l’épopée.
F. pour Inferno
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Très bonne critique