Catégorie : Festival d’Avignon 2023

« Le Songe » de Gwenaël Morin au Jardin de la rue Mons – fulgurance d’une folle fantaisie

Gwenaël Morin a été invité par Tiago Rodrigues à un compagnonnage avec le Festival pour les quatre années à venir, intitulé « Démonter les remparts pour finir le pont » (d’Avignon). Grand fidèle au répertoire, textuel avant tout mais aussi plus largement théâtral avec ses récentes créations inspirées du Living Theatre ou Antonin Artaud, le metteur en scène est invité à choisir une œuvre en relation avec la langue invitée à chaque édition. Cette année, il a réuni deux acteurs et deux actrices présents dès les débuts de sa troupe, le Théâtre permanent, et nous propose avec eux une folle traversée de la merveilleuse comédie merveilleuse de Shakespeare, dont il révèle toute la facétie.
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« Welfare » de Julie Deliquet à la Cour d’honneur du Palais des Papes – documentaire ou fiction ?

Le spectacle présenté dans la Cour d’honneur du Palais des Papes cette année est la dernière création de Julie Deliquet, Welfare. Sept ans après Les Damnés d’Ivo van Hove au même endroit, la pratique de l’adaptation de scénario à la scène poursuit son processus d’institutionnalisation. Julie Deliquet s’est déjà distinguée dans cette pratique avec des scénarios de Bergman, Desplechin et Fassbinder, et a rendu le dialogue avec le cinéma caractéristique de son théâtre. Elle s’intéresse cette fois à un film de Frederick Wiseman, qui lui en a lui-même soufflé l’idée. Un film parfois désigné comme un documentaire, immergeant dans le quotidien d’un centre d’aide sociale à New-York, en 1973. La caractérisation trouble de l’œuvre d’origine met en place un pacte trouble avec le public et détermine en grande partie la perception du spectacle : documentaire ou fiction ?
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« Le Jardin des délices » de Philippe Quesne à la Carrière de Boulbon – excursion d’artistes amateurs dans un désert minéral

Cette année, c’est à Philippe Quesne que revient la Carrière de Boulbon, pour la première fois réinvestie depuis 2016. Ce cadre mythique qui lui est offert comme un cadeau pour fêter les vingt ans de sa compagnie, le Vivarium Studio, se révèle une profonde source d'inspiration pour leur nouvelle création, Le Jardin des délices, qui renoue avec les premiers spectacles, tels L’Effet de Serge, ou La Mélancolie des dragons. Avec des cowboys en costume qui improvisent des numéros dérisoires, Quesne vient à nouveau solliciter une zone de notre sensibilité peu sollicitée par la création contemporaine, en même temps qu’il célèbre de la plus belle des manières le réinvestissement de la Carrière de Boulbon comme lieu de représentation du Festival.
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« Extinction » de Julien Gosselin dans la Cour du Lycée Saint-Joseph – « Il faut que tout change pour que rien ne change »

À chaque édition du Festival d’Avignon, certains spectacles sont particulièrement attendus dès le moment où est dévoilée la programmation. Cette année, il y a entre autres « le » Gosselin, Extinction, créé au Printemps des Comédiens à Montpellier. Une fois encore après Le Passé, qui mêlait plusieurs œuvres de Leondi Andreïev, le metteur en scène délaisse la littérature contemporaine (Houellebecq, Bolaño, Don DeLillo), cette fois pour des textes du XXe siècle. Il y a celui de Thomas Bernhard qui donne son titre au spectacle, mais aussi d’autres plus anciens d’Arthur Schnitzler et Hugo von Hosmansthal. Avec ce corpus, Gosselin crée un nouveau spectacle fleuve de 5h30, qui commence tard et mène jusqu’au milieu de la nuit. Comme dans Le Passé, les différentes parties sont nettement distinguées par trois esthétiques différentes. Bref, ça ressemble bien à du Gosselin. « Il faut que tout change pour que rien ne change », dirait le prince Salina, autre représentant de la fin d'un monde ici représentée. Le spectacle démontre cependant de manière encore plus nette que les précédents que Gosselin n’aime pas la littérature, qu’il n'aime pas les acteurs et actrices, et qu’il n’aime pas le théâtre.
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« Neandertal » de David Geselson à l’Autre Scène du Grand Avignon – quête sur l’humain, des origines au présent du plateau

David Geselson est acteur depuis un vingtaine d’années, à l’écran et à la scène, et metteur en scène depuis une dizaine. Après de petites formes, à un ou deux au plateau, il gagne en ampleur avec Le Silence et la Peur. Avignon lui offre des moyens plus importants encore pour sa dernière création, Neandertal. Le changement d’échelle que permet le festival ne réussit pas toujours aux artistes, mais l’art de Geselson paraît au contraire s’épanouir. Avec six acteurs et actrices au plateau, un musicien, une dessinatrice et une scénographie transformable qui transporte d’un lieu à l’autre, il offre une fresque épique en forme de quête des origines, qui fonctionne pleinement grâce à sa grande maîtrise dramaturgique, dans l’écriture et sur scène, et sa direction d’acteur très fine.
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« Écrire sa vie » de Pauline Bayle au Cloître des Carmes – les vaguelettes

La trajectoire fulgurante de Pauline Bayle, directrice du Théâtre Public de Montreuil depuis janvier 2022, se poursuit : elle est cette année programmée au Festival d’Avignon, au Cloître des Carmes. Après s’être fait connaître avec son adaptation de l’Iliade – notamment grâce au Off d’Avignon –, puis celle de l’Odyssée, après une incursion du côté de la littérature contemporaine avec Chanson douce de Leïla Slimani puis après être revenue à un grand classique, Illusions perdues de Balzac, la metteuse en scène associe une nouvelle fois son nom à celui d’une grande figure de la littérature : Virginia Woolf. Le projet est aussi séduisant que flou : Pauline Bayle ne choisit pas une œuvre de l’autrice en particulier, mais puise indifféremment dans ses romans, ses essais, son journal et sa correspondance. Par rapport à ses précédents spectacles, elle n’exhibe cependant pas son geste d’adaptation et fait croire que Virginia Woolf a écrit du théâtre – et du mauvais théâtre.
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« Baldwin and Buckley at Cambridge » de la compagnie Elevator Repair Service au Gymnase du Lycée Mistral – « Il faut accepter notre histoire »

À côté des spectacles-fleuves de quatre, cinq ou huit heures, le Festival d’Avignon programme une courte forme avec Baldwin and Buckley at Cambridge, de la compagnie new-yorkaise Elevator Repair Service. Le spectacle, parfois joué deux fois par jour, dure une heure, et propose un dispositif scénographique extrêmement simple pour rejouer la confrontation de James Baldwin et William F. Buckley, invités en 1965 à l’Université de Cambridge à débattre autour du sujet suivant : « Le rêve américain n’existe-t-il qu’aux dépens du Noir américain ? ». Rejouer, reperformer, refaire entendre ce débat dont est repris presque chaque mot… toute la question réside précisément dans le verbe choisi.
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