Catégorie : Travaux

« Le théâtre cubain contemporain en France »

Depuis une trentaine d’années, quelques personnes s’attachent à faire connaître le théâtre cubain contemporain en France. Elles effectuent ce travail de passeur sous de multiples formes : par le biais de la traduction, de l’édition, de la recherche universitaire, de l’écriture critique, de la mise en scène ou encore de la programmation. En s’associant à la Comédie, CDN de Reims, qui prête sous la direction de Chloé Dabert une attention toute particulière aux écritures théâtrales contemporaines, deux enseignantes- chercheuses du CRIMEL, laboratoire de recherche de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, ont souhaité mettre en valeur le travail de médiation effectué autour de ces dramaturgies, ainsi que ces dramaturgies elles-mêmes. Elles organisent ainsi au CDN deux demi-journées de rencontres qui auront lieu les 14 et 15 octobre prochains.
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Présences de Dostoïevski dans « Onzième » de François Tanguy : le resurgissement du théâtre sur la scène du Radeau par le biais du roman

Alors que le Théâtre du Radeau a constamment questionné les notions de fable, d’intrigue et de personnages dans ces premières créations, Onzième (2011) apparaît comme une étape décisive dans la reconquête de la parole et de la théâtralité engagée par la compagnie depuis la fin des années 1990. Ce spectacle soulève en effet la question de l’adaptation romanesque par la place qu’il accorde à deux romans de Dostoïevski, Les Démons et Les Frères Karamazov. La présence de ces deux œuvres paraît d’autant plus insistante que les cinq dialogues qui en sont extraits sont paradoxalement identifiés par le public comme des moments théâtraux. Pour envisager la façon dont la théâtralité resurgit sur la scène du Radeau par le biais du roman, cet article se propose de revenir sur la genèse du spectacle, sur les processus d’adaptation du matériau romanesque et sur l’inscription du texte dans une vaste écriture de plateau fondée sur les notions de citation et de montage.
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Le virus Dostoïevski sur la scène théâtrale française contemporaine

La métaphore de la contagion invite à envisager la récurrence avec laquelle les œuvres de Dostoïevski sont adaptées depuis la fin des années 1990 comme la deuxième vague de contagion d’un virus apparu à la fin du XIXe siècle, dont les effets ont été perceptibles jusqu’à la fin des années 1950. Cette deuxième vague est particulièrement marquée par Frank Castorf, metteur en scène allemand qui est constamment revenu aux œuvres de Dostoïevski de 1999 à 2015, que l’on peut considérer à l’origine d’un variant dont sont entre autres porteurs Vincent Macaigne et Sylvain Creuzevault. Cet article s’efforce d’identifier les différents symptômes de ce variant, du point de vue de la dramaturgie, de l’esthétique scénique et du jeu d’acteur.
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« Excès du roman » de Tiphaine Samoyault [extrait] – roman-monstre, roman-fleuve, roman-monde

Le roman est le monde de l’excès, l’excès est le domaine du roman. Ce lieu si libre, si incontrôlé qu’il fut longtemps méprisé pour son absence de règles, est une forme accueillante, mais elle accueille sans contrôle, son autorité est celle, instable, de sa liberté. Le roman excède la forme. Est-ce à dire que l’excès est sa forme ? Le roman dépasse la mesure, et en cela peut-être est-il l’asocial de la littérature, uniquement calé dans le plaisir éphémère qu’il procure, plaisir improductif dans le discours social, plaisir obligatoirement tu.
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« Mystères et petites pièces » de Carlos Celdrán, traduit de l’espagnol (Cuba)

Mystères et petites pièces est une œuvre kaléidoscopique autour de la figure d’un vieux maître de théâtre que des jeunes gens viennent trouver pour prendre conseil. Entre deux séances de répétition, l’artiste révèle ses angoisses, ses colères, ses espoirs et ses doutes lors de séances avec son psychiatre. À l’épidémie du SIDA qui touche Cuba dans les années 1990, esquissée en arrière-plan des répétitions, se mêlent les souvenirs des débuts de l’artiste dans les années 1970. La confrontation de ces deux temporalités soulève la question de la portée politique du théâtre dans un pays où l’art est soumis à l’épreuve du pouvoir et de la censure.
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Walter Benjamin au sujet de « L’Idiot » de Dostoïevski – Mychkine seul et immortel

Dostoïevski se représente le destin du monde dans le médium que lui offre le destin de son peuple. C'est l'approche typique des grands nationalistes, pour qui l'humanité ne peut se développer qu'à travers le médium de la communauté populaire. La grandeur du roman se manifeste dans le rapport de dépendance réciproque et absolue selon lequel sont décrites les lois métaphysiques qui régissent le développement de l'humanité et celui de la nation. Il n'est par conséquent aucun mouvement de la vie humaine profonde qui ne trouve son lieu décisif dans l'aura de l'esprit russe. Représenter ce mouvement humain au sein de son aura, flottant libre et dégagé dans l'élément national, et pourtant inséparable de lui comme de son lieu propre, telle est peut-être la quintessence de la liberté dans le grand art de cet écrivain.
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Sous le masque : déconstruire le mythe Marilyn Monroe par le rêve du théâtre

Cet article propose une analyse dramaturgique du spectacle Persona. Marilyn créé par Krystian Lupa en avril 2009, et s’attache à montrer que pour sonder la personnalité scindée de la star, le metteur en scène polonais accorde une place déterminante à un projet de théâtre qu’avait authentiquement Marilyn Monroe : interpréter le rôle de Grouchenka dans une adaptation des Frères Karamazov qu’avait envisagée son dernier mari, Arthur Miller. Le vertige du dialogue dramaturgique établi entre l’icône de la culture américaine des années 1960 et l’un des personnages emblématiques de la littérature russe est décuplé par le souvenir de l’adaptation que Lupa a lui-même faite du roman de Dostoïevski en 1990, par le personnage de Paula Strasberg dans la pièce, double déformé voire dégradé du metteur en scène, et par le travail d’appropriation de Marilyn par l’actrice Sandra Korzeniak.
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« Tubes. La philosophie dans le juke-box », Peter Szendy [extraits] – la bande-son de nos vie

"Vous avez tous, comme moi, j'en suis sûr, été hantés, obsédés jusqu'à la nausée, possédés jusqu'à n'en plus pouvoir par un de ces airs comme ça, une de ces chansons que l'on entend par hasard, c'est-à-dire par nécessité, à la radio, au café, au supermarché : un de ces tubes, qui dès lors ne nous lâchent plus, qui sont là sur nos lèvres au réveil, qui rythment nos pas lorsque nous marchons dans la rue ou qui viennent soudain perturber, sans que l'on sache pourquoi, une chaîne de pensées, des rêveries dans notre for intérieur. On peut les aimer ou les haïr : on peut les réentendre bien des années après et être happés par un flot d'émotion nostalgique qui nous emporte vers le passé comme si on y était ; on peut au contraire tenter de se défendre de toutes ses forces contre ce parasite musical qui se permet de se saisir de nous. Rien n'y fait, il y a là une sorte de virus qui nous gagne : ce que certains appellent des vers d'oreille."
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Jean Genet au sujet des « Frères Karamazov » – l’allégresse de Dostoïevski

Les chefs-d’œuvre artistiques ou poétiques sont la plus haute forme de  l’esprit humain, son expression la plus convaincante : voilà un lieu commun qu’on se doit de conserver sous le titre de vérité éternelle. Qu’ils soient la plus haute forme de l’esprit humain, ou la forme la plus haute donnée à l’esprit humain, ou la plus haute forme prise, patiemment ou vite, par un coup de pot, toujours hardiment si l’on veut, il s’agit d’une forme, et cette forme est loin d’être la limite où peut s’aventurer un homme. Passons à Dostoïevski ou plutôt aux Frères Karamazov, chef-d’œuvre du roman, grand livre, audacieuse instigation des âmes, démesure et démesures.
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