Catégorie : Spectacles

« MAMI » de Mario Banushi au Gymnase du Lycée Aubanel – une étreinte

Enfin un nom inconnu dans la programmation du Festival d’Avignon, et avec lui la promesse d’une découverte : il s’agit de celui de Mario Banushi, artiste de 26 ans qui a grandi entre l’Albanie et la Grèce. Ce dernier pays a reconnu la qualité de son travail déjà, de son premier court-métrage et de ses deux précédents spectacles. Avignon contribue à cette notoriété grandissante en programmant MAMI, créé en février dernier, qui sera repris au Théâtre de l’Odéon la saison prochaine, ainsi que Goodbye, Lindita, qui date de 2023. MAMI découvre un geste artistique extrêmement délicat et un langage scénique et plastique singulier. Cette composition sans paroles autour de la figure de la mère plonge dans une rêverie dense, qui a la douceur et la puissance d’une étreinte.
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« La Lente et Difficile Agonie du crapaud buffle sur le socle patriarcal » d’Anne-Sophie Pauchet au Théâtre du Train bleu – le réel caricature de lui-même

Le Théâtre du Train bleu programme cette année dans le off d’Avignon ce qui était une petite forme au départ et qui s’est épanoui jusqu’à devenir un spectacle, pris d’assaut dès le début du festival : La Lente et Difficile Agonie du crapaud buffle sur le socle patriarcal. Derrière ce titre à rallonge déjà comique se cache la reperformance d’un épisode de l’émission radiophonique Répliques, diffusée par France Culture et animée depuis 1985 (!...) par Alain Finkierkrault. Le 4 décembre 2021, l’écrivain et polémiste recevait notamment Camille Froidevaux-Metterie, philosophe féministe. La compagnie Akté, sous la houlette d’Anne-Sophie Pauchet, donne corps à ce débat et transforme un pan de réel pathétique en une comédie grotesque désopilante.
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« L’Événement » de Joëlle Fontanaz à la Manufacture – aiguiser l’écoute par l’épreuve de la cacophonie

La rumeur qui accompagne le Off d’Avignon a pris la forme d’un consensus autour de L’Événement, spectacle programmé à la Manufacture et porté par la sélection Suisse en Avignon. Il est mis en scène par Joëlle Fontanaz, également actrice et membre du trio qui forme sur scène un chœur chargé de raconter… un événement. Plus encore que le fait rapporté, ce qui intéresse dans cette proposition est la prouesse actorale qu’elle engage, prouesse qui tarde à révéler sa pleine amplitude mais qui finit par embraser.
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« Le Sommet » de Christophe Marthaler à la FabricA – expédition en absurdie

Une certaine nostalgie des années 2010 semble s’exprimer au travers de la programmation du Festival d’Avignon : Ostermeier, Anne Teresa de Keersmaeker, Christoph Marthaler… Après dix ans d’absence, ce dernier est réinvité à la FabricA avec Le Sommet, créé il y a quelques semaines au Piccolo Teatro de Milan. Ce spectacle est né de la collaboration de trois pays coproducteurs – la Suisse, l’Italie et la France – et réunit des acteurs et actrices de différentes nationalités qui parlent le français, l’italien, l’allemand, l’autrichien et l’anglais. Le groupe constitué offre l’image d’une vieille Europe réfugiée au sommet d’une montage, et semble désigner sur un mode tendre et comique la désuétude de cette union dont les idéaux sont chaque jour mis à l’épreuve par l’actualité.
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« Nageuse de l’extrême » d’Élise Vigier au Théâtre du Train bleu – endurance des corps

Le Théâtre du Train bleu programme dans le Off d’Avignon un spectacle d’Élise Vigier créé en septembre dernier à Théâtre Ouvert : Nageuse de l’extrême. Pour le découvrir, le public est déplacé hors des remparts, jusqu’aux bureaux de la MAIF. Le lieu est inattendu et semble peu apte à accueillir une représentation, mais il apparaît finalement qu’il convient tout particulièrement aux récits de mises à l’épreuve du corps, par la maladie et le sport.
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« Le Canard sauvage » d’Ibsen, mis en scène par Thomas Ostermeier à l’Opéra Grand Avignon – archive pour l’histoire du théâtre contemporain

Avignon 2025, Thomas Ostermeier est programmé avec Le Canard sauvage d’Ibsen à l’Opéra Grand Avignon. Avant la découverte du spectacle, cette information fait tomber dans une faille spatio-temporelle : on se croit revenus en 2012, lorsque sous la direction d’Archambault et Baudriller il présentait Un ennemi du peuple d’Ibsen au même endroit. Quatre ans après son tout aussi mémorable Hamlet, le directeur de la Schaubhüne proposait alors une manière tout à fait fascinante de faire du théâtre contemporain avec des œuvres classiques. Entre temps, Ostermeier a été réinvité plusieurs fois – notamment avec Les Revenants d’Ibsen, en 2013 –, et on a pu prendre connaissance de certains de ses précédents spectacles – notamment Nora (2002), Maison de poupée (2004) ou Hedda Gabler (2007) d’Ibsen. Bref, on connaît le couple Ostermeier/Ibsen qui a souvent fait ses preuves. Il paraît cependant complètement anachronique de le reformer pour cette édition 2025, alors qu’on attend du Festival de découvrir de nouveau artistes et des gestes d’avant-garde qui nous déplacent et reconfigurent l’art théâtral. En amont, on émet donc quelques réticences au sujet de ce spectacle, anticipant le plaisir qu’on pourrait prendre à démontrer à quel point l’entreprise est dépassée. Mais il faut être honnête et admettre et reconnaître les qualités du spectacle, même s’il ne révolutionne pas l’histoire des mises en scène d’Ibsen, et moins encore le paysage théâtral contemporain.
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« Prélude de Pan » de Clara Hédouin dans la Plaine de l’Abbaye – culture diversifiée dans le champ théâtral

Avignon 2023, Clara Hédouin était programmée avec Que ma joie demeure, spectacle déambulatoire inspiré par l’œuvre de Jean Giono. Avignon 2025, Clara Hédouin est programmée avec Prélude de Pan, spectacle déambulatoire inspiré de l’œuvre de Jean Giono. La redondance est symptomatique de cette programmation, moins soucieuse de promouvoir des créations d’artistes inconnus que de recycler des artistes bien en place dans le paysage contemporain, voire dans l’histoire du théâtre contemporain (Ostermeier, Marthaler, Anne Teresa de Keersmaeker, Milo Rau…). Ce spectacle créé en 2021 (qui confirme l’impression que Tiago Rodrigues a totalement renoncé à l’idée de ne présenter que des créations) est issue de la forme longue qu’était Que ma joie demeure. C’est une sorte de bouture qui présente de nombreuses similitudes avec la plante mère, mais qui s’est développée jusqu’à devenir autonome et prendre la forme d’un plaidoyer pour la culture de diversification, jusque dans sa forme même.
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« Ophelia’s Got Talent » de Florentina Holzinger à la Villette – regard funambule sur performances aquatiques

En attendant le Festival d’Avignon, la saison s’achève à la Villette avec Ophelia’s Got Talent, spectacle de la chorégraphe autrichienne Florentina Holzinger créé en 2022 à la Volksbhüne. L’œuvre est aussitôt entrée au répertoire de l’institution berlinoise à laquelle l’artiste est associée, et a déjà connu une tournée importante en Europe avant de nous parvenir. Les repères sont cependant un peu brouillés par la catégorisation en « danse » du spectacle, qui semble plutôt relever de la performance et qui est « aussi du théâtre » comme le reconnaît Florentina Holzinger. Dans tous les cas, une dramaturgie soignée immerge dans une réflexion sur la représentation du corps féminin à travers le motif de l’eau, élément convoqué grâce à de nombreuses figures artistiques et exploré par des actions spectaculaires sur scène.
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« Daddy » de Marion Siéfert à la Villette – métavers théâtral

Séance de rattrapage au Théâtre de la Villette pour Daddy de Marion Siéfert, spectacle créé il y a deux ans à Angers, passé ensuite par l’Odéon avant une grande tournée dans toute la France. Après _jeanne_dark_, conçu à partir de l’application Instagram, et même exclusivement diffusé sur le réseau social au temps des confinements, l’artiste met à nouveau le théâtre à l’épreuve de nouvelles technologies – mais cette fois sans recours à des moyens technologiques. Pour représenter l’univers des jeux vidéo et des métavers, qui paraissent aux antipodes de son art, elle prend le parti de l’artisanat théâtral. Cette prouesse est mise au service d’un récit illustrant une forme d’emprise sur les jeunes femmes caractéristique de notre époque, par avatars interposés.
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« Des yeux sur moi » d’après Howard Barker, mis en scène par Lucile Rose au CNSAD – le désir comme arme, jouissance et terreur

Il y a des « Ateliers d’élèves » programmés au Conservatoire qui sont en réalité des gestes artistiques déjà affirmés et puissants. C’est le cas de celui dirigé par Lucile Rose, elle-même élève de l’institution, qui après avoir collaboré à la dramaturgie de Sans tambour de Samuel Achache, et après avoir joué sous la direction de Julien Gosselin pour Musée Duras repris la saison prochaine, s’essaie à la mise en scène. Son choix s’est porté sur trois textes d’un auteur britannique mal connu, car peu mis en scène : Howard Barker. Il s’agit de Gertrude (le Cri), Elle a 80 ans, toujours si tellement – qui donne son magnifique nom à la compagnie tout juste créée – et Graves épouses, animaux frivoles. Ce matériau foisonnant donne lieu à un spectacle aussi intense que dérangeant, qui mobilise l’émotion et l’intellect tout en laissant interdit. 
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