« Le Nouvel Homme » du collectif De HOE à la Bastille – vingt ans après la répétition
Le Théâtre de la Bastille accueille un spectacle du collectif flamand De HOE, né de la fusion de De KOE – dont le travail était découvert au même endroit il y a quelques années – et de Hof van Eede. Le titre énigmatique, « Le Nouvel Homme », n’annonce pas grand-chose. Mais les origines anversoises des artistes et leur mode d’organisation horizontal garantissent un théâtre qui accorde la première place au jeu. Le terrain choisi pour en déployer les possibles est celui du couple : deux personnes qui se sont aimées se retrouvent à l’aéroport de Rome, vingt ans plus tard. On croirait du Bergman, agrémenté d’un ancrage politique que le réalisateur suédois avait exclu de son champ artistique après son expérience d’enrôlement dans les jeunesses hitlériennes.« Le Grand Inquisiteur » de Sylvain Creuzevault d’après Dostoïevski à l’Odéon – Creuzevault, Christ ou Grand Inquisiteur ?
Après l’Allemand Frank Castorf, qui a adapté presque toutes les œuvres de Dostoïevski depuis 1999, c’est au tour de Sylvain Creuzevault de revenir avec obsession à cet auteur. En 2018, il se lançait avec Les Démons. En 2019, il adaptait pour quelques représentations seulement avec les étudiants du Théâtre National de Bordeaux L’Adolescent. Cette saison, il présente deux spectacles à l’Odéon : Le Grand Inquisiteur et Les Frères Karamazov. Tous deux sont étroitement liés : la "Légende du Grand Inquisiteur" est un des chapitres les plus célèbres des Frères Karamazov, une œuvre dans l’œuvre, un « poème » comme le présente Ivan Karamazov, qui court sur une vingtaine de pages. Ce morceau a déjà été isolés par d’autres metteurs en scène avant Creuzevault – par Peter Brook et Patrice Chéreau notamment –, mais le but n’est pas ici d’en donner une simple lecture théâtralisée. Le spectacle de plus d’une heure et demie prend la forme d’un dialogue avec ce texte, d’une mise en perspective historique et politique qui entend souligner la pertinence de la pensée de Dostoïevski.« Forums » mis en scène par Jeanne Herry au Théâtre du Vieux-Colombier – plongée dans le subconscient d’un monde malade
En marge des mises en scènes des œuvres du répertoire, la Comédie-Française s’essaie régulièrement à quelques incursions dans le monde contemporain, sollicitant de nouvelles écritures. A l’origine de Forums, se trouve ainsi un projet de Maël Piriou, exhumé par Jeanne Herry, artiste polyvalente qui semble réussir dans tout ce qu’elle entreprend, que ce soit au théâtre, en littérature ou au cinéma. L’an dernier, elle a fait parler d’elle avec Pupille, film récompensé par plusieurs César. Après avoir amené la lumière sur les enfants abandonnés à la naissance en attente d’adoption, elle aborde avec son spectacle un autre pan de notre réalité laissé dans l’ombre : les forums en ligne. Le sujet apparaît d’emblée comme un défi pour le théâtre, tenu de représenter et d’incarner un monde virtuel. Si ce genre de gageure peut l’amener à se renouveler, voire à se surpasser, un tel sujet est loin de ne soulever que des problèmes artistiques. La question qui aurait dû guider Jeanne Herry dans ce travail aurait plutôt dû être : comment penser cette réalité étrange, qui met mal à l’aise, voire qui déprime sur le monde dans lequel on vit.« Je suis un pays » de Vincent Macaigne aux Amandiers – écriture sans dialogue
Le hall du Théâtre des Amandiers est une fois de plus plongé dans la brume en ce mois de décembre, alors que le froid sévit à l’extérieur, et que Vincent Macaigne a envahi les lieux et mis en marche ses machines à fumée à l’intérieur. La musique qui accueille le public dans le théâtre n’est pas encore tout à fait assourdissante, comme les habitués pourraient s’y attendre, mais les airs de piano joués sur un mode dérisoire donnent le ton, ainsi que les parois taggées à gros traits. En réalité ce n’est pas une œuvre que Macaigne présente à Nanterre, mais deux : Je suis un pays d’une part, et Voilà ce que jamais je ne te dirai de l’autre, la seconde étant imbriquée dans la première. Pour Je suis un pays, que Macaigne présente comme une « Comédie burlesque et tragique de notre jeunesse passée », le comédien, réalisateur et metteur en scène qui a dominé l’actualité culturelle de la rentrée n’invoque pas une grande œuvre du patrimoine comme il l’a déjà fait, mais reprend un texte de jeunesse, Friche 22.66, qui avait donné son nom à sa compagnie. Cette œuvre proprement macaignienne révèle la continuité de ses préoccupations et de son discours depuis sa sortie du Conservatoire, mais ce dialogue avec lui-même se révèle moins puissants que les précédents dialogues qu’il avait pu mettre en place avec Shakespeare ou Dostoïevski.Polyphonie, dialogisme, monologue et dialogue en jeu dans « Crime et châtiment » de Dostoïevski et « Procès ivre » de Koltès
Article à paraître dans les actes du colloque international « Entre monologue et dialogue » qui s’est tenu à Paris du 2 au 4 mai 2016 à la Sorbonne (Paris III)…
« L’Idiot » de Dostoïevski [extrait] – vivre pour de bon
« … Mais il vaut mieux que je vous raconte ce que m’a dit un autre homme que j’ai rencontré l’année dernière. Il y avait là une circonstance très étrange, étrange en ce que, finalement, ce genre de cas est rarissime.…
Scénographies en miettes
Maintenant que le travail d’adaptation des deux œuvres de Ionesco est à eu près au point, qu’on a un texte à peu près en place – même s’il va, et qu’il doit, encore bouger avec les répétitions, le rapport des comédiens avec lui, qu’il va s’enrichir de ce qu’ils vont chacun apporter –, est venu le temps de penser la scénographie, l’organisation des significations sur le plateau, qui relève encore pleinement de la dramaturgie même si elle ne relève plus seulement des mots, mais prend en compte toutes les dimensions du spectacle – l’espace, les corps, les matières, les objets, les lumières, les sons, les déplacements, les gestes……
« La Cerisaie » de Tchekhov à la Colline : les tg STAN se mettent en scène
De la salle de la Bastille, les tg STAN passent au vaste plateau de la Colline pour cette nouvelle édition du Festival d’Automne. Des Estivants de Gorki il y a trois ans, ils passent à la Cerisaie de Tchekhov – où il est question d’estivants, là aussi.…
« Considering/Accumulations » d’après Kleist à la Commune d’Aubervilliers : polysémies
Artiste associé à la Commune d’Aubervilliers, Laurent Chétouane y crée Considering/Accumulations, un spectacle inspiré de l’essai d’Heinrich von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes. A partir de ce dialogue qui amène à penser la question de la grâce, le chorégraphe conçoit une longue danse amoureuse accompagnée au piano et régulièrement irriguée par le texte, articulé en voix off.…