C’est déjà commencé. Ce soir, j’y vais. Il a d’abord fallu « envisager-d’aller-au-théâtre », se mettre dans l’idée qu’on va voir des corps vivants, entendre un texte, s’asseoir devant un plateau dans un espace réservé au spectacle, à côté d’autres spectateurs que, contrairement au cinéma, on ne peut ignorer, que l’on sent, que l’on entend et souvent que l’on voit. Il a fallu prendre les places, à l’avance, généralement numérotées. Une cérémonie que tout cela, un rite qui marque la sortie du soir, une vraie envie. Ce n’est pas banal. Et puis il a encore fallu que je choisisse : le lieu, le bâtiment, sa réputation, son directeur (j’ai mes fidélités), les acteurs (on dit que tel ou telle est très bien dans la pièce), le metteur en scène, l’auteur (un classique, un moderne dont on parle ?), le texte (y en a-t-il un, au moins, cette fois ?). Ah, oui ! le texte, ce qu’il faut entendre et juger, à travers une suite d’entités qui le revendiquent : un texte éclairé, scénographié, exploré par la diction, porté par le jeu des acteurs, magnifié par le plateau ou englouti par lui. Compliqué. En me rendant au théâtre, je me sens obligé de faire plus de choix que pour tout autre spectacle, avec bien plus de prérequis. C’est intimidant en somme. Au point qu’on en vient à proposer des écoles du spectateur, ce qui me désespère. Ce soir, donc, j’ai décidé d’être curieux, de renouer avec ce qu’est d’abord le théâtre : un spectacle dont on n’a rien vu et que l’on n’a pas lu encore, un spectacle tout entier vivant.