Étiquette : T2G

« May B » de Maguy Marin au T2G – infini, et impérissable

Créé en 1981, May B, de Maguy Marin, est repris pour quelques dates au T2G ce printemps. Ce n’est pas la première fois que ce spectacle qui a été commenté d’innombrables fois et situé comme un repère décisif pour quantité d’artistes reprend vie sur scène : depuis 2006, il est recréé presque tous les deux ans pour une poignée de dates. Ces recréations laissent croire que l’œuvre a passé la difficile épreuve du temps – celle qui peut frapper plus ou moins durement d’obsolescence des spectacles qui ont profondément marqué l’histoire du théâtre, qu’il s’agisse de la Mère Courage de Brecht ou d’Einstein on the Beach de Bob Wilson, dont la singularité ou la nouveauté paraît parfois émoussée depuis le moment de leur création. C’est peut-être ici le caractère hybride de l’œuvre, qui relève de la catégorie de la danse-théâtre rendue célèbre par Pina Bausch, qui lui permet de conserver toute sa puissance originelle et de convoquer notre sensibilité avec autant de force qu’il y a plus de quarante ans.
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« mauvaise » de debbie tucker green, mis en scène par Sébastien Derrey au T2G – douloureux combat de la parole contre le silence

Alors que les théâtres ont travaillé d’arrache-pied pendant des semaines dans la perspective de leur réouverture mi-décembre, qu’ils ont réinventé leurs saisons, leurs horaires et leurs modalités d’accueil tandis que les artistes reprenaient intensément les répétitions, animés par l’espoir de retrouver le public, cinq jours seulement avant la date de réouverture annoncée, le Premier ministre annonçait qu’elle n’aurait pas lieu, démontrant, une fois de plus, un violent mépris à l’égard des artistes et les structures culturelles, jugées inessentielles – moins essentielles en tout cas que les magasins de vêtements, de sport, de décoration, de jouets ou de farces et attrape. Cette décision soumet à nouveau à l’épreuve de la patience ceux pour qui la culture n’est pas un bonus dans le quotidien, mais le métier, la raison de vivre, la passion, mais elle fournit surtout de nouveaux motifs de colère, sentiment qui s’ajoute à l’épuisement, la lassitude et la perte de sens, maîtres de nos quotidiens depuis plusieurs mois. Dans le désert culturel annoncé jusqu’en janvier, le T2G a néanmoins trouvé le moyen de créer un espace de résistance, qui prend des allures d’oasis. Le Centre dramatique national de Gennevilliers a décidé de maintenir quelques dates des représentations de mauvaise, spectacle qui aurait dû être créé en novembre à la MC93 et qui a été reporté mi-décembre au T2G. Après les annonces du 10 décembre, ces représentations auraient encore dû être annulées, renvoyées à un avenir incertain alors que se pressent et se chevauchent dans les mois à venir près d’un an de théâtre depuis mars dernier. Trois représentations, uniquement ouvertes aux programmateurs et journalistes, ont cependant permis que le texte de debbie tucker green, figure éminente de l’avant-garde théâtrale britannique, soit pour la première fois créé en France et qu’il trouve ainsi une forme certes diminuée d’existence auprès des professionnels du secteur, à défaut du public, mais d’existence tout de même. Pour que la nouvelle contrainte du couvre-feu soit respectée, le spectacle a donc été présenté pour trois dates à 17h30, devant une poignée de spectateurs. L’ambiance est complice, feutrée entre les visages masqués qui pour la plupart se connaissent ou se reconnaissent, mais ceux qui ont le privilège de retourner une dernière fois en salle avant de clore l’annus horribilis 2020 sont loin de fanfaronner.
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Adolescence et territoire(s) : « Les messages d’amour finiront bien par arriver » – ode à la jeunesse

Après l’Odéon et avant l’Espace 1789 de Saint-Ouen, les jeunes qui participent depuis le début de l’année au programme « Adolescence et territoire(s) » ont présenté au T2G le résultat d’un an de travail. Ils sont plus de vingt et viennent de Paris 17è, Gennevilliers et Saint-Ouen ; ils sont pour la plupart lycéens, âgés entre 15 et 20 ans. Mais ce sont là leurs seuls points communs - pour le reste, le groupe qu’ils forment se distingue par son hétérogénéité. Cette année, l’artiste qui les a accompagnés et qui a écrit pour eux une œuvre est Marie Piémontèse. Elle est surtout connue en tant qu’actrice de Joël Pommerat, mais est aussi auteure et metteure en scène au sein de la compagnie Hana San Studio, fondée par Florent Trochel qui co-signe la mise en scène de ce spectacle, Les Messages d’amour finiront bien par arriver. Ensemble, ces deux artistes ont offert à ces jeunes un très beau texte et une très belle œuvre scénique, qui donne foi en la jeunesse d’aujourd’hui.
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« Iphigénie » de Chloé Dabert au T2G – les vers de Racine, tout simplement

Le spectacle de Chloé Dabert, Iphigénie, présenté à Avignon l’été passé, est repris en ce début d’année au T2G et au 104. La simplicité de l’énoncé intrigue : est promise une mise en scène d’une tragédie classique, pas même « d’après » Racine, mais bien simplement « de » Racine. La formulation n’est pas trompeuse, car aucun parti-pris spectaculaire ne vient détourner de l’œuvre elle-même. Chacun de ses vers se retrouvent, dans une mise en scène aux accents certes contemporains mais qui n’a d’autre ambition que de mettre en valeur le texte. Ce qui a longtemps dominé le théâtre, qui lui a même servi de définition – la mise en scène d’une œuvre classique avec une perspective moderne – fait figure d’exception dans les programmations de ces dernières années. Le spectacle de Chloé Dabert ne promet donc « que » la redécouverte de l’œuvre de Racine à notre époque – et c’est finalement déjà pas mal.
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« Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke » d’Anne Teresa de Keersmaeker au T2G : ∅

Anne Teresa de Keersmaeker revient cette année au Festival d’Automne avec un spectacle inspiré d’un court texte du jeune poète Rilke, Le chant de l’amour et de la mort du cornette Christoph Rilke. Le spectacle était présenté au Théâtre de Gennevilliers pour quatre dates seulement, courues par les amateurs du travail de l’artiste.…

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