Catégorie : Spectacles

« Avant la terreur » de Vincent Macaigne à la MC93 – artiste d’une seule œuvre ?

Cette rentrée marque le retour au théâtre très attendu de Vincent Macaigne, après six ans – malgré l’impression mitigée qu’avait laissé Je suis un pays. L’hypothèse alors formulée était que manquait à ce spectacle une grande œuvre avec laquelle l’écriture du metteur en scène dialoguerait, comme dans ses premières créations. Notre prière semble avoir été entendue : après Au moins j’aurais laissé un beau cadavre, d’après Hamlet, Macaigne revient à Shakespeare, en choisissant cette fois Richard III. Comme à son habitude, il modifie le titre de l’œuvre qui l’inspire pour souligner le geste d’adaptation-appropriation qui est le sien, et nomme son spectacle « Avant la terreur ». Il réunit ses fidèles compagnons de route, en agrège de nouveaux et se voit accueilli dans une structure qui lui permet de voir grand : la MC93. Tout semblait favorable à une nouvelle gifle macaignienne. La déception est hélas à la hauteur des attentes, qui étaient immenses.
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« The Confessions » d’Alexander Zeldin au Théâtre de l’Odéon – entre Courbet et Hopper, hésitation esthétique pour un récit féministe

Alexander Zeldin, artiste britannique associé au Théâtre de l’Odéon, a été découvert en France ces dernières années avec plusieurs spectacles, parmi lesquels Une mort dans la famille et LOVE. Pour sa dernière création, The Confessions, présentée en juin dernier au Wiener Festwochen puis au Festival d’Avignon, il signe à nouveau le texte et la mise en scène. Le metteur en scène se risque cependant à un déplacement, par rapport à ses précédentes œuvres, caractérisées par une esthétique naturaliste digne d’André Antoine, grâce à laquelle il représentait des pans de la réalité contemporaine trop peu visibilisés : la transition délicate d’une personne âgée de chez elle à un EHPAD, ou la vie dans un hébergement d’urgence pour personnes expulsées. Avec The Confessions, Zeldin délaisse aussi bien le choix d’une représentation plus vraie que nature au plateau que la dimension sociale de son théâtre. Il procède à un changement d’échelle et offre le récit de vie d’une femme, et avec lui, le récit féministe d’une émancipation.
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« Edelweiss [France Fascisme] » de Sylvain Creuzevault aux Ateliers Berthier – documentaire théâtral

La saison au Théâtre de l’Odéon s’ouvre avec un spectacle de Sylvain Creuzevault, artiste associé du lieu. Après un cycle Dostoïevski, le metteur en scène a pris ses distances avec l’auteur russe à l’occasion d’un travail avec le groupe 47 de l’École du TNS, qui a donné lieu à un spectacle, L’Esthétique de la résistance, d’après un roman de Peter Weiss. Creuzevault a imaginé offrir un pendant à l’histoire d’un jeune ouvrier allemand dans les milieux clandestins antifascistes, entre 1937 et 1945 : une genèse du fascisme à la française, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le résultat offre une grande leçon d’histoire, au plateau, qui relève moins du théâtre documentaire que du documentaire de type théâtral. Un genre inédit, un peu bâtard, qui a ses lourdeurs et ses fulgurances.
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« Le Nouvel Homme » du collectif De HOE à la Bastille – vingt ans après la répétition

Le Théâtre de la Bastille accueille un spectacle du collectif flamand De HOE, né de la fusion de De KOE – dont le travail était découvert au même endroit il y a quelques années – et de Hof van Eede. Le titre énigmatique, « Le Nouvel Homme », n’annonce pas grand-chose. Mais les origines anversoises des artistes et leur mode d’organisation horizontal garantissent un théâtre qui accorde la première place au jeu. Le terrain choisi pour en déployer les possibles est celui du couple : deux personnes qui se sont aimées se retrouvent à l’aéroport de Rome, vingt ans plus tard. On croirait du Bergman, agrémenté d’un ancrage politique que le réalisateur suédois avait exclu de son champ artistique après son expérience d’enrôlement dans les jeunesses hitlériennes.
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« Amathia » du Blick Théâtre au FMTM – portrait de l’Éducation nationale en ruines

Depuis mi-septembre, Charleville-Mézières vibre au rythme de la 22e édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes (FMTM). 86 équipes artistiques de 25 nationalités différentes ont été réunies pour 447 représentations dans une trentaine de lieux pendant 8 jours, sous la houlette de Pierre-Yves Charlois, directeur de l’événement. D’innombrables catégories justifient le pluriel « théâtres de marionnettes » : marionnettes portées, marionnettes à taille humaine, marionnettes à fils, marionnettes sur table, marionnettes à gaine, marionnettes articulées, marionnettes à doigts, marionnettes de papier, ombres, théâtre d’objet… – catégories parfois assorties d’autres, telles que théâtre, danse, performance. En haut du Mont Olympe, accessible par un pont qui part du Musée Arthur Rimbaud, la compagnie Blick Théâtre propose un spectacle qui porte les étiquettes suivantes : « Théâtre documenté, matière et marionnettes ». L’ordre annonce un propos avant une technique – propos qui manque à beaucoup d’autres propositions, dans lesquelles la virtuosité l’emporte sur la dramaturgie. Un propos qui plus est d’actualité en cette rentrée scolaire et politique : la ruine de l’enseignement public.
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« Traviata. Vous méritez un avenir meilleur » mis en scène par Benjamin Lazar aux Bouffes du Nord – fête galante crépusculaire

Aux Bouffes du Nord, la saison théâtrale est inaugurée avec un spectacle qui y a été créé en 2016 : Traviata. Vous méritez un avenir meilleur, conçu par Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla. La suppression de l’article et l’ajout d’un sous-titre annoncent d’emblée une adaptation du célèbre opéra de Verdi, par ces trois artistes. Le premier signe la mise en scène, le second, l’arrangement de la musique, et la troisième tient le rôle principal de Violetta. Entourés d’une équipe de chanteurs-musiciens-acteurs, d’une polyvalence extraordinaire, tous trois enrichissent le drame de Dumas fils de quantité de nuances grâce au théâtre et grâce à l’humour.
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« Le Songe » de Gwenaël Morin au Jardin de la rue Mons – fulgurance d’une folle fantaisie

Gwenaël Morin a été invité par Tiago Rodrigues à un compagnonnage avec le Festival pour les quatre années à venir, intitulé « Démonter les remparts pour finir le pont » (d’Avignon). Grand fidèle au répertoire, textuel avant tout mais aussi plus largement théâtral avec ses récentes créations inspirées du Living Theatre ou Antonin Artaud, le metteur en scène est invité à choisir une œuvre en relation avec la langue invitée à chaque édition. Cette année, il a réuni deux acteurs et deux actrices présents dès les débuts de sa troupe, le Théâtre permanent, et nous propose avec eux une folle traversée de la merveilleuse comédie merveilleuse de Shakespeare, dont il révèle toute la facétie.
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« Welfare » de Julie Deliquet à la Cour d’honneur du Palais des Papes – documentaire ou fiction ?

Le spectacle présenté dans la Cour d’honneur du Palais des Papes cette année est la dernière création de Julie Deliquet, Welfare. Sept ans après Les Damnés d’Ivo van Hove au même endroit, la pratique de l’adaptation de scénario à la scène poursuit son processus d’institutionnalisation. Julie Deliquet s’est déjà distinguée dans cette pratique avec des scénarios de Bergman, Desplechin et Fassbinder, et a rendu le dialogue avec le cinéma caractéristique de son théâtre. Elle s’intéresse cette fois à un film de Frederick Wiseman, qui lui en a lui-même soufflé l’idée. Un film parfois désigné comme un documentaire, immergeant dans le quotidien d’un centre d’aide sociale à New-York, en 1973. La caractérisation trouble de l’œuvre d’origine met en place un pacte trouble avec le public et détermine en grande partie la perception du spectacle : documentaire ou fiction ?
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« Le Jardin des délices » de Philippe Quesne à la Carrière de Boulbon – excursion d’artistes amateurs dans un désert minéral

Cette année, c’est à Philippe Quesne que revient la Carrière de Boulbon, pour la première fois réinvestie depuis 2016. Ce cadre mythique qui lui est offert comme un cadeau pour fêter les vingt ans de sa compagnie, le Vivarium Studio, se révèle une profonde source d'inspiration pour leur nouvelle création, Le Jardin des délices, qui renoue avec les premiers spectacles, tels L’Effet de Serge, ou La Mélancolie des dragons. Avec des cowboys en costume qui improvisent des numéros dérisoires, Quesne vient à nouveau solliciter une zone de notre sensibilité peu sollicitée par la création contemporaine, en même temps qu’il célèbre de la plus belle des manières le réinvestissement de la Carrière de Boulbon comme lieu de représentation du Festival.
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« Extinction » de Julien Gosselin dans la Cour du Lycée Saint-Joseph – « Il faut que tout change pour que rien ne change »

À chaque édition du Festival d’Avignon, certains spectacles sont particulièrement attendus dès le moment où est dévoilée la programmation. Cette année, il y a entre autres « le » Gosselin, Extinction, créé au Printemps des Comédiens à Montpellier. Une fois encore après Le Passé, qui mêlait plusieurs œuvres de Leondi Andreïev, le metteur en scène délaisse la littérature contemporaine (Houellebecq, Bolaño, Don DeLillo), cette fois pour des textes du XXe siècle. Il y a celui de Thomas Bernhard qui donne son titre au spectacle, mais aussi d’autres plus anciens d’Arthur Schnitzler et Hugo von Hosmansthal. Avec ce corpus, Gosselin crée un nouveau spectacle fleuve de 5h30, qui commence tard et mène jusqu’au milieu de la nuit. Comme dans Le Passé, les différentes parties sont nettement distinguées par trois esthétiques différentes. Bref, ça ressemble bien à du Gosselin. « Il faut que tout change pour que rien ne change », dirait le prince Salina, autre représentant de la fin d'un monde ici représentée. Le spectacle démontre cependant de manière encore plus nette que les précédents que Gosselin n’aime pas la littérature, qu’il n'aime pas les acteurs et actrices, et qu’il n’aime pas le théâtre.
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