Catégorie : Spectacles

« Je suis un pays » de Vincent Macaigne aux Amandiers – écriture sans dialogue

Le hall du Théâtre des Amandiers est une fois de plus plongé dans la brume en ce mois de décembre, alors que le froid sévit à l’extérieur, et que Vincent Macaigne a envahi les lieux et mis en marche ses machines à fumée à l’intérieur. La musique qui accueille le public dans le théâtre n’est pas encore tout à fait assourdissante, comme les habitués pourraient s’y attendre, mais les airs de piano joués sur un mode dérisoire donnent le ton, ainsi que les parois taggées à gros traits. En réalité ce n’est pas une œuvre que Macaigne présente à Nanterre, mais deux : Je suis un pays d’une part, et Voilà ce que jamais je ne te dirai de l’autre, la seconde étant imbriquée dans la première. Pour Je suis un pays, que Macaigne présente comme une « Comédie burlesque et tragique de notre jeunesse passée », le comédien, réalisateur et metteur en scène qui a dominé l’actualité culturelle de la rentrée n’invoque pas une grande œuvre du patrimoine comme il l’a déjà fait, mais reprend un texte de jeunesse, Friche 22.66, qui avait donné son nom à sa compagnie. Cette œuvre proprement macaignienne révèle la continuité de ses préoccupations et de son discours depuis sa sortie du Conservatoire, mais ce dialogue avec lui-même se révèle moins puissants que les précédents dialogues qu’il avait pu mettre en place avec Shakespeare ou Dostoïevski.
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« C’est la vie » de Mohamed El Khatib à l’Espace Pierre Cardin – Human Zoo

Avec Finir en beauté, il y a eu un avant et un après dans la trajectoire de Mohamed El Khatib. A partir de ce texte devenu spectacle, dans lequel il consigne les derniers moments de sa mère avant d’entreprendre son travail de deuil, son geste artistique change. Désormais, il lui paraît anecdotique de monter des œuvres écrites par d’autres, de raconter des histoires, et même de faire jouer des acteurs. La seule chose qui lui importe devient dès lors le réel, et sa restitution brute sur la scène. Mais quand, suite à cette œuvre qui le fait connaître, le propulse sur les plus grandes scènes françaises et donne une autre dimension à son travail, il fait appel à deux acteurs pour qu’ils témoignent de leur douleur à eux, causée par la perte d’un enfant, sa démarche prend une toute autre dimension – notamment éthique. C’est la vie, présenté dans le cadre du Festival d’Automne à l’Espace Cardin, dérange et fait surgir de nombreuses questions quant au bien-fondé de sa démarche – des questions qui restent sans réponse.
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« Jusque dans vos bras » des Chiens de Navarre aux Bouffes du Nord – le rire contre les larmes

Depuis Quand je pense qu’on va vieillir ensemble en 2013 et les Armoires normandes en 2015, qui sondaient respectivement nos névroses et notre rapport à l’amour, le collectif les Chiens de Navarre ont pris le temps de travailler à leur nouveau spectacle, Jusque dans vos bras, créé en juin 2017 à Lyon. Se faisant cette fois la caisse de résonance de l’actualité, particulièrement vive et suivie pendant la campagne présidentielle, ils entreprennent ici d’interroger le concept d’identité française. Pour traiter ce thème pour le moins problématique, de grandes figures de l’histoire nationale sont invoquées avec humour et provocation, et des réalités délicates sont évoquées selon une approche très peu politiquement correcte. Ces détours permettent de penser l’impensé ou l’impensable, d’apprivoiser des idées lointaines ou étrangères, et d’élaborer des scénarios utopiques. Mais ces exercices de gymnastique intellectuelle ne sont jamais à prendre tout à fait au sérieux, et ce qui domine, avant toute chose, c’est le plaisir de la dérision et du jeu.
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« El Efecto de Sergio » de Philippe Quesne au Teatro Mella – spectacularité du dérisoire

Après avoir tourné pendant dix ans dans près de 35 pays, L’Effet de Serge de Philippe Quesne est arrivé jusqu’à Cuba, dans le cadre du Festival International de Théâtre de La Havane qui a réuni quantité de spectacles cubains et étrangers pendant neuf jours intenses. Comme ailleurs, le spectacle a rencontré la faveur du public en invoquant une sensibilité universelle, un mélange d’humour et de mélancolie autour d’un personnage atypique qui tous les dimanche invite des amis chez lui, pour des spectacles de 2 ou 3 minutes. Néanmoins, le succès rencontré par l’œuvre ne tient pas qu’à ses qualités. Il est aussi le fruit des relations bien particulières que l’artiste s’efforce de mettre en place dans chaque ville où il passe.
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« There » de la Compagnie Jo Strømgren – spectacle en creux

Le vendredi 20 octobre, a commencé le Festival International de Théâtre de La Havane, rendez-vous biennal qui réunit tous les aficionados du théâtre, professionnels comme amateurs, autour d’une programmation dense, comprenant les spectacles cubains les plus retentissants de ces derniers mois et des œuvres venues de l’étranger, en partenariat avec les ambassades. C’est dans ce contexte que la compagnie Jo Strømgren est venue de Norvège au Théâtre National, près de la Place de la Révolution, avec There. Le spectacle, qui date de 2001 et qui voyage depuis dans le monde entier, se situe à l’intersection de la danse et du théâtre, et sollicite une mémoire commune inarticulée et des strates de sensibilité souterraines, qui découvrent des mondes en partage.
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« La Pasión King Lear » de Yerandy Fleites, par le Teatro D’Dos – Shakespeare et le théâtre en dialogues

En attendant le début du Festival International de Théâtre de La Havane, prévu à la fin du mois d’octobre, le Teatro D’Dos et son metteur en scène Julio César Ramirez présentent déjà au Raquel Revuelta leur spectacle programmé pour ce grand rendez-vous biennal, La Pasión King Lear. Pour cette pièce de Yerandy Fleites, la compagnie propose une mise en scène d’une modernité inédite, ici à Cuba, tant par la direction d’acteurs, l’occupation de l’espace, que les moyens mobilisés. Un dialogue avec le théâtre, ses moyens et ses possibles, est ainsi mis en place, qui redouble le dialogue qu’entretient la pièce avec le drame de Shakespeare, ici réécrit, dont les subtilités intertextuelles parfois vertigineuses sont démultipliées au plateau.
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« Monsieur » par la compagnie DelCarmen – All by myself – de la solitude et de la banalité

La Casa de las Américas, la Maison de la recherche de La Havane, a été remise sur pieds avec une efficacité impressionnante après le passage de l’ouragan Irma, dans la perspective de Casa Tomada – Encuentro de pensamiento y creación joven en las Américas, journées d’ateliers, séminaires et rencontres mises en place par de jeunes chercheurs et jeunes artistes de toute l’Amérique latine.…

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« Cartas de amor a Stalin » de Juan Mayorga mis en scène par Abel González Melo – 1917-2017, de l’Union soviétique à Cuba

Le jeune dramaturge Abel González Melo, qui est aussi metteur en scène, crée à Cuba en cette rentrée la pièce de l’auteur madrilène Juan Mayorga Cartas de amor a Stalin (« Lettres d’amour à Staline »), écrite en 1997. Le spectacle révèle que l’histoire des relations russo-cubaines n’est pas entièrement reléguée dans le passé.…

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« Sistema » d’Abel González Melo – société à la dérive

Tout le mois d’août était présenté dans le théâtre de la compagnie Argos Teatro Sistema. Le spectacle a réuni trois artistes cubains : le jeune auteur Abel González Melo, le tout aussi jeune metteur en scène Yeandro Tamayo et le maître Carlos Celdrán, qui a ouvert les portes de son théâtre et porté son regard attentif à la création de cette œuvre, publiée il y a trois ans mais jusque-là jamais mise en scène.…

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