« À ne pas rater » de Nicolas Heredia à la Manufacture – leçon de modestie
La Manufacture a programmé un spectacle au titre racoleur, en particulier dans le contexte du Off du Festival d’Avignon où tractages et parades cherchent chaque fois à vous convaincre qu’il ne faut absolument pas rater ce spectacle extraordinaire ! Les photos d’À ne pas rater sont cependant sobres et le texte de présentation facétieux. La réclame paraît en décalage avec le titre, et ce pied de nez titille, intrigue, donne envie de prendre le risque. Fallait-il ne pas rater ce spectacle ? Sera-t-il de ceux dont on fera la promotion à chaque détour de conversation avignonnaise en disant : il faut absolument que tu le voies ! ? Pas sûr… et pourtant, on ne regrette pas de l’avoir vu, on s’en féliciterait presque.« La Montagne magique » de Thomas Mann – une expérience du temps
Quelques mois après la publication de La Mort à Venise, nouvelle d’une centaine de pages que Luchino Visconti a rendu célèbre en l’adaptant au cinéma, Thomas Mann se lance dans un nouveau chantier qui l’occupera près de dix ans, La Montagne magique. Il commence l’écriture de cet ample roman de près de 1000 pages en 1913, à la veille du premier conflit mondial du début du XXe siècle. Mais s’il choisit pour arrière-plan de son œuvre le monde dans lequel il vit, il ne mentionne l’actualité brûlante dont il est le témoin que dans le tout dernier chapitre. Le récit qu’il déploie, qui relate la vie de pensionnaires retirés dans un sanatorium en haute montagne, se tient en effet à distance du « monde d’en bas » et des bouleversements qui s’y préparent. Plutôt que de s’efforcer de penser directement les événements de son époque, Thomas Mann mène dans cette œuvre une réflexion sur le temps, qui, de manière inattendue, finit par ramener à l’Histoire.« La Montagne magique » de Thomas Mann [extrait] – nouveauté, habitude et perceptions du temps
C’est au fond une aventure singulière que cette acclimatation à un lieu étranger, que cette adaptation et cette transformation parfois pénible que l’on subit en quelque sorte pour elle-même, et avec l’intention arrêtée d’y renoncer dès qu’elle sera achevée, et de revenir à notre état antérieur. On insère ces sortes d’expériences, comme une interruption, comme un intermède, dans le cours principal de la vie, et cela dans un but de « délassement », c’est-à-dire afin de changer et de renouveler le fonctionnement de l’organisme qui courait le risque et qui était déjà en train de se gâter, dans le train-train inarticulé de l’existence, de s’y fatiguer et de s’y énerver.« Aire frío » de Virgilio Piñera – Non, non rien n’a changé, tout, tout a continué
Six ans après la création du spectacle, qui avait alors rencontré un grand succès – consacré par le Prix de la critique après avoir cumulé plus de cent dates, à travers le pays et au-dehors –, Argos Teatro revient à Aire frío. Quelle nécessité amène aujourd’hui Carlos Celdrán et sa compagnie à remonter ce texte de Virgilio Piñera, l’une des plus grandes œuvres de la littérature dramatique cubaine ? Depuis 2012, comment le contexte actuel peut-il renouveler la lecture de ce spectacle ? En un mot, qu’est-ce qui a changé, qui changerait tout dans sa réception ? En réalité, rien. Et c’est précisément de cela que traite la pièce : l’inertie, le temps qui passe, les individus qui agonisent, les espoirs qui meurent, l’irrémédiable répétition du même… Parce que le spectacle reste pleinement d’actualité, comme le texte de Piñera écrit en 1958, la reprise est puissante. Elle révèle la force de cette œuvre grâce à une immense précision de la mise en scène, et une direction d’acteurs extraordinaire, au plus près de la vie.« Paradiso » de José Lezama Lima – initiation au déchiffrement du monde
José Lezama Lima, poète, critique et romancier, est souvent désigné comme le « Proust cubain ». Un tel rapprochement se fait à la faveur de son premier roman Paradiso, incontournable de la littérature de son pays quoique censuré dès sa publication.…
« Si c’est un homme » de Primo Levi – l’éloquence de l’indicible
Si c’est un homme de Primo Levi est une des œuvres de la littérature concentrationnaire les plus connues aujourd’hui. Elle relate l’expérience de l’auteur, chimiste italien incarcéré au camp de Monowitz, à Auschwitz, en janvier 1944, qui a survécu là-bas jusqu’à la libération – ou plutôt l’abandon du camp par les SS – en janvier 1945.…
Scénographies en miettes
Maintenant que le travail d’adaptation des deux œuvres de Ionesco est à eu près au point, qu’on a un texte à peu près en place – même s’il va, et qu’il doit, encore bouger avec les répétitions, le rapport des comédiens avec lui, qu’il va s’enrichir de ce qu’ils vont chacun apporter –, est venu le temps de penser la scénographie, l’organisation des significations sur le plateau, qui relève encore pleinement de la dramaturgie même si elle ne relève plus seulement des mots, mais prend en compte toutes les dimensions du spectacle – l’espace, les corps, les matières, les objets, les lumières, les sons, les déplacements, les gestes……
Extraits en miettes du « Journal » de Ionesco
…Récits de rêves, opinions, souvenirs, réflexions morales, notes sur la littérature : ce Journal en miettes n’est pas un journal habituel, où seraient consignés, au jour le jour, les événements d’une vie. C’est, en quelque sorte, à une entreprise contraire que se livre ici Eugène Ionesco : raconter, non pas chaque jour ce qui arrive, mais chaque jour ce qui n’arrive pas.
Jiminy Cricket
Nouveau rendez-vous avec Laura après lui avoir donné mes notes sur Jacques ou la Soumission et L’Avenir est dans les œufs. Alors qu’elle travaille en ce moment Journal en miettes, elle me fait remarquer que j’ai tendance à proposer une lecture manichéenne de la pièce, avec Jacques et Roberte d’un côté et leurs familles de l’autre.…