Étiquette : réalisme

« LOVE » d’Alexander Zeldin à la Commune d’Aubervilliers – informer la sensibilité grâce à une représentation naturaliste du réel

Alexandre Zeldin, jeune artiste britannique, est accueilli en France depuis 2018. Le succès que rencontrent ses spectacles amène à reprendre, déjà, le premier avec lequel il a été accueilli en France il y a quatre ans, LOVE, spectacle alors présenté au sein de la trilogie The Inequalities dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, et cette fois présenté à la Commune d’Aubervilliers. Alors qu’il nous avait transporté au cœur d’un Ehpad l’an dernier, avec Une mort dans la famille, Zeldin nous immerge cette fois dans un hébergement d’urgence pour familles et individus expulsés de chez eux, en attente d’une solution de relogement pour éviter la rue. Dans cet espace à la fois intime et collectif se croisent plusieurs personnages. Près de 150 ans après Zola qui appelait de ses vœux un théâtre naturaliste afin que le drame agonisant de son époque devienne « moderne et réel », Zeldin paraît réaliser l’ambition que formule le maître du naturalisme au moment où il adapte Thérèse Raquin : « j’ai tenté de ramener continuellement la mise en scène aux occupations ordinaires de mes personnages, de façon à ce qu’ils ne jouent pas, mais à ce qu’ils vivent devant le public ».
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« Le moine noir » de Kirill Serebrennikov dans la Cour d’honneur du Palais des Papes – le diamant noir de la folie

L’édition 2022 du Festival d’Avignon est inaugurée dans la Cour d’honneur du Palais des Papes avec Le Moine noir. Après Les Métamorphoses d’Ovide, un scénario de Lars von Trier, Les Idiots, et le roman inachevé de Gogol, Les Âmes mortes, le metteur en scène russe s’empare cette fois d’une nouvelle de Tchekhov. Son adaptation, construite comme un crescendo, mène du réalisme au mysticisme, suivant une montée en puissance d’autant plus impressionnante qu’elle est imprévisible.
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« Une mort dans la famille » d’Alexander Zeldin aux Ateliers Berthier – rétablir un continuum entre les âges

Le dernier spectacle du metteur en scène britannique Alexander Zeldin constitue un événement en ce début d’année, d’autant que l’attente de la découverte d’Une mort dans la famille a été nourrie par un report de quelques semaines de la première dû au covid. Vient enfin le moment d’entrer en salle, une salle comble aux Ateliers Berthier, impression que nourrit le fait qu’une partie des gradins est ouverte en éventail et que le public déborde jusque sur le plateau. La frontière scène-salle, d’emblée poreuse, prépare à l’abattement du mur bâti entre la troisième ou quatrième génération et celles qui se rendent au théâtre. Afin de penser le sort réserver à nos vieux – question d’actualité avec le scandale Orpea – et plus encore de rétablir un continuum entre les âges, Zeldin immerge dans un Ehpad grâce à une scénographie spectaculaire, une dramaturgie très fine qui multiplie les points de fuite, et, de manière inattendue, une langue sensible qui maintient sur le fil de l’émotion.
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« Les Somnambules » de Hermann Broch – le roman face au chaos du réel

Les Somnambules d’Hermann Broch est une de ces sommes romanesques du début du XXe siècle, comme le sont A la Recherche du temps perdu de Proust, Un homme sans qualités de Robert Musil ou La Montagne magique de Thomas Mann. A l’époque où l’Europe vole en éclats, entre la guerre et la révolution russe, où l’unité de l’individu est remise en question avec la découverte de la psychanalyse, la littérature se pose la question de leur représentation. La synthèse paraît désormais impossible pour dire un monde désormais incompréhensible, que plus aucun système de valeur ne peut expliquer. Seul le roman, par son amplitude et la générosité avec laquelle il accueille toutes les formes d’écritures possibles semble pouvoir tenter de capter une parcelle ce chaos. L’Autrichien Hermann Broch se confronte pleinement à ces questions dans cette œuvre de 700 pages, ou plutôt ce triptyque qui accole trois romans, trois trajectoires de trois personnages qui constituent les bases d’un diagnostic sur son temps – mais un diagnostic qui reste souterrain, qui ne vient pas sublimer la singularité de ces trois parties et en proposer une interprétation globale, qui serait contradictoire avec ce monde dont Broch s'efforce de rendre compte.
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« Les Fils de la terre » mis en scène par Elise Noiraud au Théâtre des Lucioles – la réalité des campagnes sur scène

Dans Les Fils de la terre, Élise Noiraud à adapté au théâtre le documentaire du même titre d’Edouard Bergeon. Ce fils et petit-fils d’agriculteur devenu journaliste a pris la caméra pour rendre compte de la tragédie des paysans aujourd’hui, qui, croulant sous les dettes et subissant la pression de la concurrence internationale, en viennent pour beaucoup à mettre fin à leurs jours.

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Dostoïevski, entre l’art et la science – Dmitri Merejkowski

Pour certains lecteurs, Dostoiewsky sera toujours un talent cruel, et rien autre que cruel.

C’est qu’en effet il place ses héros dans des situations sans issue et se plaît à les soumettre à toutes sortes d’épreuves. C’est à travers des abîmes de déchéance morale, et toutes les tortures de l’esprit, qu’il les mène au crime, au suicide, à l’idiotie, à la fièvre chaude et à la démence.…

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« Le Dounier Rousseau, l’innocence archaïque » à Orsay : jusqu’au coeur de la jungle

Avec Le Douanier Rousseau, l’innocence archaïque, Orsay ne faillit pas à sa réputation et offre un nouveau voyage dans l’histoire de la peinture. L’espace dédié aux expositions temporaires dans le musée s’est encore métamorphosé, pour assurer cette fois une immersion physique dans l’univers du peintre, enrichie de textes qui libèrent l’imagination et l’interprétation personnelle. …

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« La Cousine Bette » de Balzac – la passion de la vengeance

Dans l’architecture de la grande cathédrale constituée par la Comédie humaine, une petite ogive, appelée Les Parents pauvres, est constituée de deux arcs, La Cousine Bette et le Cousin Pons. Inscrits dans la section des Scènes de la vie parisienne, ces deux romans sont le pendants l’un de l’autre par leurs personnages éponymes, symétriquement opposés mais tous deux animés par la passion – car la symétrie implique des ressemblances.…

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