« L’Ange de l’histoire » de Benjamin & « L’Ange malchanceux » de Müller – tourner le dos à l’avenir ou attendre l’histoire
Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.« Beloved » de Toni Morrison – l’enfantôme, figuration de la hantise du passé esclavagiste des États-Unis
L’écrivaine afro-américaine Toni Morrison, décédée il y a trois ans, a acquis la pleine reconnaissance littéraire avec Beloved, roman publié en 1987 et récompensé l’année suivante par le Prix Pulitzer. Peu après, en 1993, Toni Morrison a reçu le Prix Nobel de littérature, pour « ses romans caractérisés par une force visionnaire et une portée poétique, qui donne vie à un aspect essentiel de la réalité américaine ». La réalité américaine que Beloved découvre, c’est celle l’Amérique esclave, de la veille de la guerre de Sécession à l’abolition de l’esclavage, saisie à partir d’une poignée de personnages noirs qui portent plusieurs vies en eux et sont hantés par le passé une fois affranchis. L’écriture imite le mouvement de la mémoire traumatique, qui tout à la fois refoule et ressasse, tourne autour des drames qu’elle laisse entrevoir, et tisse toute une poétique à partir de détails cristallisants qui prennent progressivement sens – jusqu’au moment de confronter pleinement à l’inconcevable.« Rouge décanté » d’après Jeroen Brouwers à la Bastille : nouveau choc esthétique et émotionnel signé Cassiers
Après plus de dix ans de tournée et de reprises régulières, Guy Cassiers présente enfin son Rouge décanté à Paris. Les retrouvailles avec le metteur en scène ont lieu au Théâtre de la Bastille, où le même acteur depuis la création du spectacle reprend le rôle qu’il est capable d’interpréter en plusieurs langues.…
« Les Nuits blanches » de Dostoïevski – Fulgurance
Au début de sa carrière, une fois sa réputation acquise mais peu avant l’expérience radicale qu’a constitué le bagne, Dostoïevski écrit des nouvelles, des courts récits qui contiennent en quelques pages de la densité de ses romans composés de plusieurs livres et publiés en plusieurs tomes.…
« Contre Sainte-Beuve » de Proust [extrait]
Préface
Chaque jour j’attache moins de prix à l’intelligence. Chaque jour je me rends mieux compte que ce n’est qu’en dehors d’elle que l’écrivain peut ressaisir quelque chose de nos impressions, c’est-à-dire atteindre quelque chose de lui-même et la seule matière de l’art.…
« La Marche de Radetzky » de Joseph Roth
La Marche de Radetzky est le roman le plus célèbre de Joseph Roth, auteur autrichien du début du début du XXe siècle. Dans cette œuvre d’abord publiée en feuilletons, il rend compte du déclin de l’Empire austro-hongrois, de la bataille de Solferino à la mort de l’Empereur François-Joseph, deux ans après le début de la Première Guerre mondiale.…
« Mère Courage » de Bertolt Brecht au Théâtre de la Ville : de 1954… à 1954
Soixante ans après la première représentation de Mère Courage en France, le Berliner Ensemble revient cet automne au Théâtre Sarah Bernhardt, depuis rebaptisé Théâtre de la Ville. La compagnie, créée par Brecht et sa femme Helene Weigel, donne l’occasion de découvrir l’une des pièces les plus connues de Brecht, une pièce qui a véritablement révolutionné le théâtre européen et a ouvert la possibilité d’une alternative à ce que Roland Barthes appelait le théâtre populaire.…
« La Compagnie des spectres » d’après Lydie Salvayre par Zabou Breitman
Zabou Breitman est dans La Compagnie des spectres adaptatrice, metteur en scène et comédienne. Même plus, elle est seule en scène, et s’empare de l’œuvre de Lydie Salvayre avec beaucoup de talent et d’humour. Partant de ce texte, elle nous communique une émotion palpable.…
« Solness le constructeur » d’Henrik Ibsen à la Colline
Les mises en scène d’Alain Françon donnent toujours la garantie d’un spectacle léché qui met particulièrement bien en lumière les enjeux des plus grandes pièces du répertoire classique. Après avoir monté Samuel Beckett ou encore Anton Tchekhov ces dernières années, il s’est récemment attaqué à la pièce d’Henrik Ibsen, Solness le constructeur, présentée en ce moment à la Colline.…