« Les Raisins de la colère » d’Hugo Roux au Théâtre 11 – road show théâtral dans l’Amérique en crise des années 1930
Deux ans après Leurs enfants après eux, le public avignonnais a à nouveau rendez-vous au Théâtre 11 à 22h15 avec Hugo Roux, qui, après le roman de Nicolas Mathieu, propose cette fois l’adaptation d’un roman de Steinbeck. Après La Place d’Annie Ernaux, le metteur en scène s’attaque cette fois à une œuvre un peu plus datée qui appartient au panthéon de la littérature mondiale : Les Raisins de la colère. Par ses choix, il met au jour des thèmes communs entre les romans qu’il adapte, et manifeste face à eux une même ambition narrative, portée par une troupe nombreuse et un art de la mise en scène qui sert de support à l’imagination et permet de suivre le périple de la famille Joad, de l’Oklahoma à la Californie.« Leurs enfants après eux » d’Hugo Roux au Théâtre 11 – portrait vigoureux d’une jeunesse désenchantée
Le Théâtre 11 est de ces salles, comme le Train bleu ou la Manufacture, dont la programmation est à suivre de près dans le Off d’Avignon, car les artistes qui y sont programmées une année peuvent se retrouver dans le IN l’année suivante. À 22h15, en salle 2, Hugo Roux présente une adaptation de Leurs enfants après eux, roman de Nicolas Mathieu paru en 2018, récompensé par le prix Goncourt et plébiscité par de nombreux lycéens qui choisissent de présenter cette œuvre à l’oral du bac de français. L’adaptation, qui implique sept acteurs au plateau et une ample scénographie qui ne cesse de se métamorphoser, est ambitieuse. Après le roman, elle parvient ainsi à immerger dans les intrigues estivales d’une ville de province, pendant la dernière décennie du XXe siècle.« À ne pas rater » de Nicolas Heredia à la Manufacture – leçon de modestie
La Manufacture a programmé un spectacle au titre racoleur, en particulier dans le contexte du Off du Festival d’Avignon où tractages et parades cherchent chaque fois à vous convaincre qu’il ne faut absolument pas rater ce spectacle extraordinaire ! Les photos d’À ne pas rater sont cependant sobres et le texte de présentation facétieux. La réclame paraît en décalage avec le titre, et ce pied de nez titille, intrigue, donne envie de prendre le risque. Fallait-il ne pas rater ce spectacle ? Sera-t-il de ceux dont on fera la promotion à chaque détour de conversation avignonnaise en disant : il faut absolument que tu le voies ! ? Pas sûr… et pourtant, on ne regrette pas de l’avoir vu, on s’en féliciterait presque.« À la ligne » d’après Joseph Ponthus au Théâtre du Train bleu – poétique du travail en usine
Le Théâtre du Train bleu programme cette année un spectacle produit par le Théâtre de Lorient, dirigé par Rodolphe Dana, à la tête du collectif Les Possédés depuis devenu le Collectif Artistique du Théâtre de Lorient. Après avoir monté des textes de Lagarce ou de Tchekhov, le collectif a pris un plaisir particulier à adapter des romans : Bullet Park de John Cheever, À la recherche du temps perdu de Proust à deux reprises ou Madame Bovary de Flaubert. Le spectacle de Katja Hunsinger et Julien Chavrial, À la ligne, s’inscrit dans ce sillage. Il est une adaptation d’un roman de Joseph Ponthus publié en 2019 et plusieurs fois primé. Avec ce récit d’usine, les acteurs redisent leur foi profonde en la littérature, en sa capacité à dire le monde et à le faire voir quand elle est amenée au théâtre.« La Bombe humaine » de Vincent Hennebicq et Eline Schumacher au Théâtre des Doms – ouvrir sur scène la boîte de Pandore de notre conscience écologique
Alors que La Bombe humaine est annoncé comme un spectacle sur la catastrophe écologique, la scène du Théâtre des Doms est recouverte de cotillons et de confettis. Mais qui a déjà cherché des décorations de fête non sans quelques scrupules d’acheter des consommables notera que celle-ci sont en papier crépon, et non en plastique. Ces premières réflexions en attendant le début du spectacle nous immergent d’emblée dans les questions qui seront soulevées ici, celles qui nous taraudent et composent désormais notre quotidien : notre éco-anxiété, nos compromis, nos dilemmes, nos inquiétudes et nos faibles espoirs – en deux mots, la boîte de Pandore de notre conscience écologique. Malgré les titres des chapitres qui composent le spectacle, le propos tissé n’est pas catastrophiste, ni non plus utopiste. Eline Shumacher et Vincent Hennebicq se tiennent sur le fil, au plus près de nos oscillations intimes.« Lampedusa Beach » de Lina Prosa, mis en scène par Eleonora Romeo – Odyssée sous-marine
Au Théâtre des Carmes, Eleonora Romeo présente une mise en scène du texte de Lina Prosa, Lampedusa Beach, premier volet de la Trilogie du naufrage. En marge du Off d’Avignon, de ses injonctions commerciales et du souci de plaire qui règne en maître, le choix de monter ce texte qui soulève la question toujours cruellement actuelle de l’immigration de milliers de personnes par la mer chaque mois s’affirme comme un parti pris artistique et politique fort.« Je vole… et le reste je le dirai aux ombres » de Jean-Christophe Dollé – approcher le mystère d’un fait divers avec le théâtre
Dans Mangez-le si vous voulez déjà, Jean-Christophe Dollé se servait du théâtre pour questionner l’horreur, le moment à la fois précis et indéchiffrable de bascule où le quotidien vire au drame, où le bon sens s’éloigne et laisse place à la folie meurtrière. D’un village du Périgord au XIXe siècle, il passe dans Je vole... et le reste je le dirai aux ombres au Paris du XXIe siècle, de la folie d’un village tout entier à la détresse d’un seul homme, de toute une après-midi à une seule seconde – celle qui précède le moment où Richard choisit de se jeter par la fenêtre et de se servir de son pouvoir secret, celui de voler, pour quelques instants au moins.« Mangez-le si vous voulez » d’après Jean Teulé, mis en scène par Jean-Christophe Dollé – Théâtre cannibale
Le cannibalisme intrigue, et tout particulièrement le théâtre visiblement. En avril dernier, les Bâtards dorés présentaient Méduse au T2G, d’après le Naufrage de la médusequi a inspiré Géricault, un témoignage de rescapés qui relate comment les survivants d’un naufrage ont organisé leur survie à bord d’un radeau, les rapports de force qui se sont mis en place, les arrangements avec la faim et la soif, la folie qu’elles déclenchent et la gestion des morts qu’elles entraînent. La reconstitution de cette situation extrême inspirait au collectif une esthétique trash qui envahissait progressivement la cour d’assise reconstituée, où les derniers survivants étaient tenus de s’expliquer de leurs crimes barbares avant d’être jugés. Dans Mangez-le si vous voulez, Jean-Christophe Dollé raconte quant à lui une histoire de lynchage qui se termine là aussi en banquet cannibale. Il reconstitue le destin tragique d’Alain de Monéys, raconté par Jean Teulé dans le roman du même titre, qui lui-même s’inspire d’un fait divers survenu en 1870 dans un village du Périgord.« Mise en scène d’un corps amoureux » d’après Barthes au Pandora Théâtre : Solitudes
19h, place de l’horloge : « Ça vous dit pas d’aller voir un spectacle sur l’amour, là ?… – Moi, j’ai entendu parler d’un truc d’après les Fragments d’un discours amoureux de Barthes… » Et nous voilà en route vers le Pandora Théâtre, désireuses de voir la conjonction de nos deux passions, le théâtre et l’amour.…