Étiquette : critique

« Absalon, Absalon ! » de Séverine Chavrier au Théâtre de l’Odéon – Faulkner samplé

Plusieurs mois après sa création à Avignon, et après quelques dates en début d’année à la Comédie de Genève que la metteuse en scène dirige, Absalon, Absalon ! est repris à l’Odéon pour une longue série. Séverine Chavrier mobilise une grande distribution et des moyens techniques conséquents pendant cinq heures de spectacle pour adapter le roman du même titre de William Faulkner, de plus de 400 pages. Après s’être intéressée à l’écriture de Thomas Bernhard dans deux spectacles, dont une adaptation de La Plâtrière, elle revient à l’auteur américain qu’elle a côtoyé dix ans plus tôt pour Les Palmiers sauvages. Ce parcours confirme son attirance pour les écritures qui défient la scène, écriture qu’il s’agit moins de transposer que de traduire dans un langage scénique hybride. De cette façon, Chavrier met le public au contact non de la langue de Faulkner, ni non plus directement de l’histoire que contient l’œuvre de manière enfouie, mais de ce qui relève plutôt de l’expérience singulière de sa lecture, faite de résistance et de fascination.
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« Finir en beauté » de Mohamed El Khatib à la Manufacture – faut-il toujours écouter sa sœur ?

Dix ans plus tard, et tandis qu’il présente La Vie secrète des vieux dans le In, Mohamed El Khatib reprend pour quelques dates l’un de ses premiers spectacles, celui qui l’a fait connaître et l’a propulsé dans le cœur battant de l’institution théâtrale : Finir en beauté. Il se retrouve ainsi dans le même lieu que pour sa première fois dans le Off, la Manufacture, face à un public nombreux, dont la majorité aborde sans doute l’occasion comme une séance de rattrapage, pour comprendre d’où tout est parti. Le spectacle révèle en effet les germes dramaturgiques et esthétiques de la démarche de l’artiste, et soulève la question suivante, en regard des créations qui ont suivi : faut-il toujours écouter sa sœur ?
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Walter Benjamin au sujet de « L’Idiot » de Dostoïevski – Mychkine seul et immortel

Dostoïevski se représente le destin du monde dans le médium que lui offre le destin de son peuple. C'est l'approche typique des grands nationalistes, pour qui l'humanité ne peut se développer qu'à travers le médium de la communauté populaire. La grandeur du roman se manifeste dans le rapport de dépendance réciproque et absolue selon lequel sont décrites les lois métaphysiques qui régissent le développement de l'humanité et celui de la nation. Il n'est par conséquent aucun mouvement de la vie humaine profonde qui ne trouve son lieu décisif dans l'aura de l'esprit russe. Représenter ce mouvement humain au sein de son aura, flottant libre et dégagé dans l'élément national, et pourtant inséparable de lui comme de son lieu propre, telle est peut-être la quintessence de la liberté dans le grand art de cet écrivain.
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« La critique de proximité – fragments choisis » de Georges Banu

Le critique, à mi-chemin Le critique tient de l’entre-deux et il s’institue en intermédiaire qui œuvre à la communication des deux bords du théâtre. Placé dans ce qui est l’ombre de la scène, la salle, il est un témoin volontaire. « Mais qui témoigne pour le témoin ? » demandait Paul Celan. Témoignage motivé soit par le vœu de livrer le constat d’une expérience – écrire sur le théâtre – soit pour améliorer un art – écrire pour le théâtre. Double motivation, incertitude de l’appartenance. Frappé par dépit d’amour, le critique se console en témoignant et en se… confessant.
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« Illusions perdues » de Pauline Bayle au Théâtre de la Bastille – Balzac sans illusion mais avec beaucoup d’ambition

Le Théâtre de la Bastille inaugure sa saison avec un spectacle créé en janvier 2020 mais resté de longs mois dans les limbes (tout le temps de la crise sanitaire) avant de reprendre vie au printemps dernier : Illusions perdues de Pauline Bayle, d’après Honoré de Balzac. La jeune metteuse en scène confirme avec ce spectacle sa prédilection pour les textes non théâtraux. Après Iliade et Odyssée, après Chanson douce d’après Leïla Slimani, voilà qu’elle s’attaque à l’une des œuvres les plus connues de Balzac, représentant emblématique du genre romanesque. Illusions perdues relate l’ascension et la chute d’un jeune poète venu trouver la gloire à Paris. D’un roman de 700 pages, Pauline Bayle crée une œuvre de 2h30 qui embarque et offre le spectacle d’un vaste récit mis en corps et en actes – spectacle permis par des acteurs impressionnants.
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Portrait du critique de théâtre en témoin étonné – Georges Banu

Le recours au style normatif est coutumier dans les discours qu’on tient sur la critique : il y est toujours question de remèdes, de vitamines, de piqûres pour aider ce malade éternel à se remettre, quand on n’envisage pas purement et simplement l’euthanasie. La critique aurait besoin d’un modèle et il lui suffirait de s’en réclamer pour se rétablir. En réalité elle est incurable. Si j’écris sur la critique, ce n’est pas pour avancer des solutions mais seulement pour témoigner de ce que j’aime retrouver chez un critique, un critique tel que j’en rencontre rarement, un critique que je voudrais être. Le portrait idéal et l’autoportrait imaginaire. Je n’entends donc pas parler de la critique, mais du critique, non pas d’un corps de métier, mais d’une personne, non pas d’une progression, de ses stratégies et de ses devoirs, mais d’un être, de sa vie.
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La Parafe

Floriane Toussaint est agrégée de Lettres modernes et doctorante en Etudes théâtrales. Après deux mémoires de recherche sur la question de l’adaptation des romans au théâtre dans la pratique de metteurs en scène tels que Guy Cassiers, Claude Régy ou François Tanguy, elle commence en 2015 une thèse codirigée par Anne-Françoise Benhamou (ENS) et Sophie Lucet (Paris-Diderot) sur l’adaptation théâtrale des romans de Dostoïevski en France et en Europe, de Jacques Copeau à Frank Castorf. 
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« CCPC La República light » par la Compagnie El Portazo – cabaret politique 100% cubain

Deux ans après CCPC, « Cuban Coffee by Portazo’s Coorperative », spectacle dont la communauté théâtrale n’a cessé de parler comme d’un événement d’une importance toute particulière dans le paysage cubain, la compagnie « El Portazo » – le claquement de porte, notion à part entière qui au théâtre fait référence au geste de Nora dans la pièce d’Ibsen, Une maison de poupée – revient ébranler la création contemporaine caribéenne avec son dernier opus, venu de Matanzas, ville de la côte nord située à une centaine de kilomètres de La Havane. Dans la continuité de sa précédente œuvre, Pedro Franco a créé un nouveau cabaret qui articule à un point extrêmement élevé le divertissement le plus réjouissant avec la réflexion socio-politique la plus aigüe.
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Extraits en miettes des « Notes et contre-notes » de Ionesco

Les Notes et contre-notes ne sont pas une œuvre de Ionesco mais un recueil de documents, d’articles et de conférences qui portent sur son théâtre. Son propos prend la forme de déclarations qui suivent le cours de ses pensées ou de réponses à des journalistes lors d’entretiens, et l’ensemble se constitue au gré des débats, sans structure autre que celle du temps.…

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« Wycinka Holzfällen » (Des arbres à abattre) d’après Thomas Bernhard à la FabricA : mise en scène et en colère

En 2013, Lupa reprenait à la Colline Perturbation, d’après Thomas Bernhard. Pour quelques dates seulement, il présente en ce début de Festival d’Avignon une nouvelle adaptation de l’auteur autrichien dont il dit qu’il l’habite, d’après Des arbres à abattre cette fois.…

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