Étiquette : Avignon

« Le Canard sauvage » d’Ibsen, mis en scène par Thomas Ostermeier à l’Opéra Grand Avignon – archive pour l’histoire du théâtre contemporain

Avignon 2025, Thomas Ostermeier est programmé avec Le Canard sauvage d’Ibsen à l’Opéra Grand Avignon. Avant la découverte du spectacle, cette information fait tomber dans une faille spatio-temporelle : on se croit revenus en 2012, lorsque sous la direction d’Archambault et Baudriller il présentait Un ennemi du peuple d’Ibsen au même endroit. Quatre ans après son tout aussi mémorable Hamlet, le directeur de la Schaubhüne proposait alors une manière tout à fait fascinante de faire du théâtre contemporain avec des œuvres classiques. Entre temps, Ostermeier a été réinvité plusieurs fois – notamment avec Les Revenants d’Ibsen, en 2013 –, et on a pu prendre connaissance de certains de ses précédents spectacles – notamment Nora (2002), Maison de poupée (2004) ou Hedda Gabler (2007) d’Ibsen. Bref, on connaît le couple Ostermeier/Ibsen qui a souvent fait ses preuves. Il paraît cependant complètement anachronique de le reformer pour cette édition 2025, alors qu’on attend du Festival de découvrir de nouveau artistes et des gestes d’avant-garde qui nous déplacent et reconfigurent l’art théâtral. En amont, on émet donc quelques réticences au sujet de ce spectacle, anticipant le plaisir qu’on pourrait prendre à démontrer à quel point l’entreprise est dépassée. Mais il faut être honnête et admettre et reconnaître les qualités du spectacle, même s’il ne révolutionne pas l’histoire des mises en scène d’Ibsen, et moins encore le paysage théâtral contemporain.
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« Lieux communs » de Baptiste Amann au Théâtre Public de Montreuil – circonstances accablantes pour une fiction hautement problématique

Le Théâtre Public de Montreuil inaugure sa saison avec le spectacle d’un de ses artistes associés, Baptiste Amann, créé cet été au Festival d’Avignon, à Vedène. Lieux communs est présenté comme un thriller, une pièce « puzzle » de deux heures trente construite autour d’un fait divers. Les termes choisis mettent en valeur le travail d’écriture de Baptiste Amann, dont le texte est publié chez Actes Sud. Le spectacle manifeste de fait une certaine virtuosité dans la dramaturgie et une certaine maîtrise des moyens scéniques. Mais derrière l’apparence bien huilée et non polémique du spectacle, se tisse en sous-main un propos extrêmement problématique.
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« Finir en beauté » de Mohamed El Khatib à la Manufacture – faut-il toujours écouter sa sœur ?

Dix ans plus tard, et tandis qu’il présente La Vie secrète des vieux dans le In, Mohamed El Khatib reprend pour quelques dates l’un de ses premiers spectacles, celui qui l’a fait connaître et l’a propulsé dans le cœur battant de l’institution théâtrale : Finir en beauté. Il se retrouve ainsi dans le même lieu que pour sa première fois dans le Off, la Manufacture, face à un public nombreux, dont la majorité aborde sans doute l’occasion comme une séance de rattrapage, pour comprendre d’où tout est parti. Le spectacle révèle en effet les germes dramaturgiques et esthétiques de la démarche de l’artiste, et soulève la question suivante, en regard des créations qui ont suivi : faut-il toujours écouter sa sœur ?
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« Història d’un senglar (o alguna cosa de Ricard) » de Gabriel Calderón au Théâtre Benoît-XII – acteur recherche rageusement spectateur intelligent

L’auteur uruguayen Gabriel Calderón est pour la première fois invité au Festival d’Avignon, et son travail ainsi soumis à l’appréciation d’un vaste public. Ce n’est pas pour autant sa première fois en France, car en 2013, il créait une trilogie au Théâtre des Quartiers d’Ivry. Quoique Jean-Pierre Han lui ait à cette occasion consacré tout un numéro de sa revue Frictions, dans lequel il prédisait alors la rencontre avec un auteur et un metteur en scène puissant, l’événement ne suffisait pas à faire découvrir un artiste plusieurs fois récompensé dans son pays et largement reconnu en Amérique latine, et à l’inscrire durablement dans le paysage théâtral français ouvert à l’étranger. Cette rencontre retardée arrive enfin, grâce à un seul en scène porté par l’acteur catalan Joan Carreras qui interprète un monologue imprégné par le Richard III de Shakespeare dans Història d’un senglar, œuvre exemplaire du caractère brillant de la dramaturgie de Gabriel Calderón.
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« Les Raisins de la colère » d’Hugo Roux au Théâtre 11 – road show théâtral dans l’Amérique en crise des années 1930

Deux ans après Leurs enfants après eux, le public avignonnais a à nouveau rendez-vous au Théâtre 11 à 22h15 avec Hugo Roux, qui, après le roman de Nicolas Mathieu, propose cette fois l’adaptation d’un roman de Steinbeck. Après La Place d’Annie Ernaux, le metteur en scène s’attaque cette fois à une œuvre un peu plus datée qui appartient au panthéon de la littérature mondiale : Les Raisins de la colère. Par ses choix, il met au jour des thèmes communs entre les romans qu’il adapte, et manifeste face à eux une même ambition narrative, portée par une troupe nombreuse et un art de la mise en scène qui sert de support à l’imagination et permet de suivre le périple de la famille Joad, de l’Oklahoma à la Californie.
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« Carte noire nommée désir » de Rébecca Chaillon aux Ateliers Berthier – performance réparatrice pour le corps des femmes noires

Carte noire nommée désir arrive aux Ateliers Berthier précédé de la polémique qui l’a entouré à Avignon, cet été. Le spectacle avait pourtant été créé en 2021 sans remous – indice qui aurait dû suffire à démonter toute appréhension et à rappeler à quel point Avignon est inflammable, et son public extrêmement susceptible. Rébecca Chaillon, performeuse et autrice, après plusieurs seuls en scène dans lesquels elle a posé les questions du corps et de l’alimentation – au cœur de Plutôt vomir que faillir, en ce moment à la MC93 – s’entoure cette fois de sept alliées pour aborder de manière à la fois plurielle et frontale le sujet du corps des femmes noires. Elle propose une longue performance qui module les registres et les angles d’attaque pour cerner la carte obscure du désir attaché à ce corps, performance qui rend possible un geste extrêmement puissant de réappropriation et de réparation.
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« Le Jour où j’ai compris que le ciel était bleu » de Laura Mariani

 

Alors le monde s’est transformé
Je me suis transformée aussi
Parce que
Comme je suis le monde
Je suis le ciel aussi
Ça voulait dire que je n’étais pas grise mais bleue
Ça voulait dire qu’à l’intérieur de moi
C’était pas gris
C’était bleu

Claire, 22 ans, vit avec son frère car son attitude et ses comportements hors du commun l’empêchent d’être autonome.…

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« Neandertal » de David Geselson à l’Autre Scène du Grand Avignon – quête sur l’humain, des origines au présent du plateau

David Geselson est acteur depuis un vingtaine d’années, à l’écran et à la scène, et metteur en scène depuis une dizaine. Après de petites formes, à un ou deux au plateau, il gagne en ampleur avec Le Silence et la Peur. Avignon lui offre des moyens plus importants encore pour sa dernière création, Neandertal. Le changement d’échelle que permet le festival ne réussit pas toujours aux artistes, mais l’art de Geselson paraît au contraire s’épanouir. Avec six acteurs et actrices au plateau, un musicien, une dessinatrice et une scénographie transformable qui transporte d’un lieu à l’autre, il offre une fresque épique en forme de quête des origines, qui fonctionne pleinement grâce à sa grande maîtrise dramaturgique, dans l’écriture et sur scène, et sa direction d’acteur très fine.
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« Baldwin and Buckley at Cambridge » de la compagnie Elevator Repair Service au Gymnase du Lycée Mistral – « Il faut accepter notre histoire »

À côté des spectacles-fleuves de quatre, cinq ou huit heures, le Festival d’Avignon programme une courte forme avec Baldwin and Buckley at Cambridge, de la compagnie new-yorkaise Elevator Repair Service. Le spectacle, parfois joué deux fois par jour, dure une heure, et propose un dispositif scénographique extrêmement simple pour rejouer la confrontation de James Baldwin et William F. Buckley, invités en 1965 à l’Université de Cambridge à débattre autour du sujet suivant : « Le rêve américain n’existe-t-il qu’aux dépens du Noir américain ? ». Rejouer, reperformer, refaire entendre ce débat dont est repris presque chaque mot… toute la question réside précisément dans le verbe choisi.
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« Leurs enfants après eux » d’Hugo Roux au Théâtre 11 – portrait vigoureux d’une jeunesse désenchantée

Le Théâtre 11 est de ces salles, comme le Train bleu ou la Manufacture, dont la programmation est à suivre de près dans le Off d’Avignon, car les artistes qui y sont programmées une année peuvent se retrouver dans le IN l’année suivante. À 22h15, en salle 2, Hugo Roux présente une adaptation de Leurs enfants après eux, roman de Nicolas Mathieu paru en 2018, récompensé par le prix Goncourt et plébiscité par de nombreux lycéens qui choisissent de présenter cette œuvre à l’oral du bac de français. L’adaptation, qui implique sept acteurs au plateau et une ample scénographie qui ne cesse de se métamorphoser, est ambitieuse. Après le roman, elle parvient ainsi à immerger dans les intrigues estivales d’une ville de province, pendant la dernière décennie du XXe siècle.
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