Catégorie : Spectacles

« Histoire d’un Cid » de Jean Bellorini à la Comédie de Reims – apprivoiser la langue étrangère de Corneille par le jeu

La Comédie de Reims accueille la tournée du dernier spectacle de Jean Bellorini, Histoire d’un Cid, créé l’été dernier au Château de Grignan. Le public scolaire est présent au rendez-vous de cette « variation d’après la pièce de Corneille », qui reconduit le projet de Bellorini de donner accès aux grandes œuvres du patrimoine au plus grand nombre – celles de Victor Hugo, de Dostoïevski ou de Proust précédemment. L’artiste s’inscrit dans une tradition plus vilarienne que jamais avec le choix de cette œuvre, après le mémorable Cid présenté dans la Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon en 1951, avec Gérard Philipe dans le rôle-titre. Mais depuis cette époque, où Vilar réussissait à faire entendre la tragi-comédie de Corneille à près de 280 000 personnes sans en modifier les vers, il semble que nos oreilles soient devenues sourdes à l’alexandrin, et qu’il faille les adapter, les raconter, les commenter. C’est ce à quoi s’attelle Bellorini avec facétie, qui multiplie les approches du texte pour essayer de retrouver un contact avec lui.
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« Fusées » de Jeanne Candel au T2G – vanité de la conquête spatiale

Dans le cadre du Festival jeune et très jeune public de la ville de Gennevilliers, Jeanne Candel et sa compagnie la vie brève présentent au T2G Fusées, spectacle créé en septembre dernier au Théâtre de l’Aquarium que l’artiste dirige. Pour la première fois, Jeanne Candel, qui explore depuis des années les possibilités du dialogue entre théâtre et musique, élargit son public pour atteindre les plus de six ans. Avec des moyens de fortune, le spectacle fait voyager aux confins de l’espace et interroge la pertinence de la conquête spatiale – question salutaire par les temps qui courent.
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« Palombella Rossa » de Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny à la MC93 – de l’art de se maintenir à flots en eaux troubles

La MC93 accueille un spectacle de Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny actuellement en tournée : Palombella Rossa, d’après le film de Nanni Moretti du même titre. Le metteur en scène, plusieurs fois inspiré par le cinéma, créait en 2003 un spectacle à partir d’écrits du critique Serge Daney. C’était là un point de rencontre avec Nicolas Bouchaud, qui a également porté les textes de Daney dans La Loi du marcheur, mis en scène par Éric Didry en 2010. Cette convergence a conduit à la collaboration des deux hommes pour Palombella Rossa : Bauer choisit de confier à Bouchaud le rôle tenu par Moretti lui-même dans le film, celui d’un joueur de water-polo à la mémoire qui flanche, qui est aussi un député communiste parmi les derniers représentants de son espèce, qui relate l’histoire de son parti et les idéaux qu’il portait sans tout à fait comprendre comment sa pensée a pu devenir aussi marginale. Le spectacle recompose un personnage profondément attachant, à partir duquel est menée de manière délicate et nuancée une réflexion sur la gauche qui retentit salutairement avec notre époque.
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« no words » de Maja Zade, mis en scène par Yana Ross à la Comédie de Reims – sous la superficie, l’abîme

Le Festival FARaway, Festival des arts à Reims, qui réunit plusieurs structurelles de la ville, a pour thème cette année « Traversées en Europe du Nord ». Sont ainsi accueillis à la Cartonnerie, à Césaré, à la Comédie, au FRAC, à Nova Villa, au Manège et à l’Opéra des artistes venant de Norvège, du Danemark, de Suède, d’Islande, d’Estonie, d’Irlande, de Lettonie, du Royaume-Uni et de Lituanie. L’événement permet la création française d’un texte de l’autrice allemande Maja Zade, associée à la Schaubhüne de Berlin, qui a collaboré avec Ostermeier, Ivo van Hove, Katie Mitchell ou Simon McBurney. Son œuvre est mise en scène par l’artiste lituanienne Yanna Ross, qui dirige pour ce spectacle des acteurs et actrices suédois. La metteuse en scène ne se contente pas de proposer une lecture d’un texte bâti comme une machine complexe et fascinante. Elle y superpose un dispositif sophistiqué qui en creuse les lignes de fuite et en explore les possibles, et propose ainsi un spectacle qui produit une impression de vertige face aux abîmes que frôlent nos vies sociales.
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« Diptyque. Nos paysages mineurs & En finir avec leur histoire » de Marc Lainé à la Comédie de Reims – l’art du rattrapage, et du déplacement

La Comédie de Reims n’accueille pas un mais deux spectacles de Marc Lainé, constitués en diptyque : Nos paysages mineurs et En finir avec leur histoire. Le premier volet a été créé en 2021 à la Comédie de Valence que dirige le metteur en scène, et le second il y a un an, au même endroit. Trois ans les séparent donc, ce qui produit une impression de vertige quand on y pense à l’issue du spectacle, car les deux parties paraissent indissociables l’une de l’autre, et la seconde plus profondément nécessaire pour corriger le tir de la première, prendre de front ce qui paraissait inconscient et reconfigurer profondément l’appréciation de l’œuvre.
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« velvet » de Nathalie Béasse à la Commune d’Aubervilliers – derrière le rideau

La nouvelle année commence à la Commune d’Aubervilliers avec un « Pavillon » Nathalie Béasse, intitulé « Notre maison », invitation large qui est l’occasion pour l’artiste de réunir des collègues, d’organiser des rencontres et des workshops, de reprendre une précédente création, Le Bruit des arbres qui tombent et de programmer la dernière en date, velvet. Le public est nombreux au rendez-vous de ce spectacle qui offre une expérience une nouvelle fois difficile à qualifier, faite d’images et d’impressions inédites, qui cette fois brasse toute une mémoire du théâtre en plaçant en son cœur l’un de ses protagonistes les plus emblématiques mais aussi les plus discrets : le rideau.
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« Grand-peur et misère du IIIe Reich » de Julie Duclos au Théâtre de l’Odéon – exercices d’analyse critique

La dernière création de Julie Duclos, Grand-peur et misère du IIIe Reich, en tournée depuis septembre, arrive à l’Odéon en ce début d’année. La metteuse en scène qui a commencé avec des matériaux non destinés au théâtre – Fragments d’un discours amoureux de Barthes et La Maman et la Putain d’Eustache dans Nos Serments –, s’est ensuite mesurée à des œuvres du répertoire : Juste la fin du monde de Lagarce, Kliniken de Lars Norén, et désormais un texte de Brecht. Cette œuvre a la particularité d’être composée de scènes indépendantes les unes des autres, liées entre elles par le contexte dans lequel elles s’inscrivent, l’Allemagne, entre 1933 et 1938. La metteuse en scène ne monte qu’une partie de ces scènes, mais c’est suffisant pour raconter comment un climat de terreur s’est insinué dans les moindres relations humaines et sociales après l’accession d’Hitler au pouvoir, et plus encore pour démontrer la nécessité d’opposer au fascisme une pensée complexe et nuancée.
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« Le Baiser comme première chute » d’Anne Barbot au Théâtre de Châtillon – spectacle des ravages de l’alcoolisme

Alors que tourne en ce moment La Terre, sa dernière création, Anne Barbot reprend de manière concomitante son avant-dernier spectacle, Le Baiser comme première chute, autre adaptation d’un autre roman de Zola, L’Assommoir. Le titre, inspiré par une phrase issue du chapitre V, indique une lecture de l’œuvre, une manière de s’emparer d’elle par un endroit bien précis. En réalité non pas tant le motif du baiser comme chute, qui peut servir à retracer plusieurs moments importants de la trajectoire de Gervaise, que la seule relation de Gervaise et Coupeau. Le couple est soutenu par la présence en mineur de Nana, et ils ne sont ainsi que trois sur scène, non pas pour rendre compte du roman mais pour développer sur scène l’un de ses motifs les plus marquants : celui de la chute dans l’alcoolisme.
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« Les Fausse Confidences », mis en scène par Alain Françon au Théâtre Nanterre-Amandiers – Marivaux classical rock

Trois ans après La Seconde Surprise de l’amour, et quarante-deux ans après La Double inconstance à ses débuts, Alain Françon revient à Marivaux pour Les Fausses Confidences, programmé pour une vingtaine de dates au Théâtre Nanterre-Amandiers en cette fin d’année. Ce spectacle confirme la permanence du geste artistique de ce metteur en scène de près de 80 ans, qui monte depuis plus de cinquante ans des œuvres du répertoire et qui en offre chaque fois des lectures claires et justes. Cette dernière création offre plus précisément le plaisir d’un texte, d’une direction d’acteur très vivante et de partis pris scéniques qui mettent en lumière l’un et l’autre.
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« … how in salts desert is it possible to blossom… » de Robyn Orlin au Manège de Reims – explosion éclosion de couleurs

Après être passé par des festivals à Marseille, Montpellier et Paris l’an dernier, … how in salts desert is it possible to blossom… de Robyn Orlin est passé par le Manège de Reims pour deux dates. La chorégraphe sud-africaine, qui signe la création dès son titre par sa longueur et ses points de suspension, est régulièrement invitée à créer des spectacles avec des compagnies déjà existantes. Cette fois, elle a travaillé avec le Garage Dance Ensemble, originaire d’Okiep, ville située au nord-ouest de l’Afrique du Sud, à la frontière de la Namibie, qui, quoique semi-désertique, se couvre de milliers de fleurs sauvages pendant quelques semaines après les pluies d’hiver. Cette singularité climatique a inspiré à Robyn Orlin et les interprètes de la compagnie, accompagnés par les deux musiciens de l’ensemble uKhoiKhoi, un spectacle dansé sur les thèmes de la résilience et de la renaissance.
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