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« Les Émigrants » de Krystian Lupa au Théâtre de l’Odéon – interroger les vivants pour faire revivre les morts, du Sebald dans le texte, du Lupa dans le texte

Les Émigrants marque le grand retour de Krystian Lupa en France, depuis Le Procès, en 2018. Entre temps, l’artiste polonais a pourtant créé plusieurs spectacles : Capri, île des fugitifs d’après Kaputt et La Peau de Malaparte (2019), Austerlitz d’après Sebald (2020) et Imagine (2022), spectacle dont le texte a paru chez Deuxième Époque. Ces retrouvailles étaient d’autant plus attendues que retardées l’été dernier par une polémique déclenchée lors de la création du spectacle par les techniciens et techniciennes de la Comédie de Genève, qui ont dénoncé des conditions de travail insoutenables. Cette annulation avait entraîné celle du Festival d’Avignon, quelques semaines plus tard. Stéphane Braunschweig, directeur du Théâtre de l’Odéon, a fait le choix de maintenir le spectacle prévu dans sa programmation et a créé les conditions rendant possible la création, sept mois plus tard. Malgré les débats qu’a engendrés cette affaire, sur la réputation colérique, voire tyrannique du metteur en scène, qui appartient comme d’autres à une génération qui se distingue de celles qui suivent par sa capacité à centraliser l’énergie créatrice, le public est largement présent au rendez-vous de ce nouveau spectacle, au début comme au terme des quatre heures quasi et demie. L’épopée de son processus de création mise à part, le résultat est incomparable. Lupa confirme, avec l’adaptation de deux récits de W. G. Sebald, la singularité de son théâtre – de son esthétique, de sa direction d’acteur, de sa façon de restituer une œuvre et de penser la mémoire européenne.
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« Notre intellect a accompli de prodigieux exploits, tandis que notre demeure spirituelle tombe en ruine » – Lecture de Jung en étudiant Krystian Lupa

Recueil de phrases et de réflexions au gré de la lecture de Psychologie de l'inconscient et de L'Âme et la vie de Jung, pour l'étude des Frères Karamazov Krystian Lupa, grand lecteur de ces oeuvres. "Si belle et si parfaite que l'homme puisse trouver sa raison, il peut être tout aussi sûr qu'elle ne constitue en tout cas qu'une des fonctions intellectuelles possibles et qu'elle ne cadre qu'avec l'aspect des phénomènes qui lui correspond. Or, cet irrationnel est également une fonction psychologique, à savoir l'inconscient collectif, alors que la raison est essentiellement liée à la conscience. Le conscient a besoin de raison, pour découvrir d'abord un ordre dans le chaos des cas individuels désordonnés qui peuplent l'univers et pour ensuite créer cet ordre, créer une coordination au moins dans les domaines humains. Nous avons une tendance louable et utile à exterminer, dans toute la mesure possible, en nous et hors de nous, le chaos de l'irrationnel. En apparence, on a poussé fort loin cette façon de procéder."
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« Perturbation » de Krystian Lupa, d’après Thomas Bernhard à la Colline

Après L’Homme sans qualités de Robert Musil, Les Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski, Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov ou plus récemment L’Autre côté d’Alfred Kubin, Krystian Lupa s’attaque une nouvelle fois à un roman dans son dernier spectacle. Perturbation a pour matériau premier l’œuvre du même nom de l’Autrichien Thomas Bernhard.…

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Le virus Dostoïevski sur la scène théâtrale française contemporaine

La métaphore de la contagion invite à envisager la récurrence avec laquelle les œuvres de Dostoïevski sont adaptées depuis la fin des années 1990 comme la deuxième vague de contagion d’un virus apparu à la fin du XIXe siècle, dont les effets ont été perceptibles jusqu’à la fin des années 1950. Cette deuxième vague est particulièrement marquée par Frank Castorf, metteur en scène allemand qui est constamment revenu aux œuvres de Dostoïevski de 1999 à 2015, que l’on peut considérer à l’origine d’un variant dont sont entre autres porteurs Vincent Macaigne et Sylvain Creuzevault. Cet article s’efforce d’identifier les différents symptômes de ce variant, du point de vue de la dramaturgie, de l’esthétique scénique et du jeu d’acteur.
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« Carte noire nommée désir » de Rébecca Chaillon aux Ateliers Berthier – performance réparatrice pour le corps des femmes noires

Carte noire nommée désir arrive aux Ateliers Berthier précédé de la polémique qui l’a entouré à Avignon, cet été. Le spectacle avait pourtant été créé en 2021 sans remous – indice qui aurait dû suffire à démonter toute appréhension et à rappeler à quel point Avignon est inflammable, et son public extrêmement susceptible. Rébecca Chaillon, performeuse et autrice, après plusieurs seuls en scène dans lesquels elle a posé les questions du corps et de l’alimentation – au cœur de Plutôt vomir que faillir, en ce moment à la MC93 – s’entoure cette fois de sept alliées pour aborder de manière à la fois plurielle et frontale le sujet du corps des femmes noires. Elle propose une longue performance qui module les registres et les angles d’attaque pour cerner la carte obscure du désir attaché à ce corps, performance qui rend possible un geste extrêmement puissant de réappropriation et de réparation.
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« Edelweiss [France Fascisme] » de Sylvain Creuzevault aux Ateliers Berthier – documentaire théâtral

La saison au Théâtre de l’Odéon s’ouvre avec un spectacle de Sylvain Creuzevault, artiste associé du lieu. Après un cycle Dostoïevski, le metteur en scène a pris ses distances avec l’auteur russe à l’occasion d’un travail avec le groupe 47 de l’École du TNS, qui a donné lieu à un spectacle, L’Esthétique de la résistance, d’après un roman de Peter Weiss. Creuzevault a imaginé offrir un pendant à l’histoire d’un jeune ouvrier allemand dans les milieux clandestins antifascistes, entre 1937 et 1945 : une genèse du fascisme à la française, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le résultat offre une grande leçon d’histoire, au plateau, qui relève moins du théâtre documentaire que du documentaire de type théâtral. Un genre inédit, un peu bâtard, qui a ses lourdeurs et ses fulgurances.
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« Écrire sa vie » de Pauline Bayle au Cloître des Carmes – les vaguelettes

La trajectoire fulgurante de Pauline Bayle, directrice du Théâtre Public de Montreuil depuis janvier 2022, se poursuit : elle est cette année programmée au Festival d’Avignon, au Cloître des Carmes. Après s’être fait connaître avec son adaptation de l’Iliade – notamment grâce au Off d’Avignon –, puis celle de l’Odyssée, après une incursion du côté de la littérature contemporaine avec Chanson douce de Leïla Slimani puis après être revenue à un grand classique, Illusions perdues de Balzac, la metteuse en scène associe une nouvelle fois son nom à celui d’une grande figure de la littérature : Virginia Woolf. Le projet est aussi séduisant que flou : Pauline Bayle ne choisit pas une œuvre de l’autrice en particulier, mais puise indifféremment dans ses romans, ses essais, son journal et sa correspondance. Par rapport à ses précédents spectacles, elle n’exhibe cependant pas son geste d’adaptation et fait croire que Virginia Woolf a écrit du théâtre – et du mauvais théâtre.
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