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« Der Zauberberg » de Krystian Lupa au Salzburger Landestheater – Lupa sur la montagne magique, vertige au sommet

Après Les Émigrants créé en janvier dernier à l’Odéon, et Balkony - Pieśni Miłosne créé quelques semaines plus tard et programmé au Printemps des comédiens en juin dernier, Lupa, inlassable créateur, est invité au Festival de Salzbourg avec un nouveau spectacle en cette fin d’été. Il revient à cette occasion à l’une de ses passions les plus constantes depuis les années 1980 : l’adaptation d’un roman-fleuve d’apparence inadaptable, qui a déjà suscité le désir d’autres artistes sans parvenir à une réalisation concrète. Son dévolu se jette cette fois sur La Montagne magique de Thomas Mann, roman de quelques mille pages au départ conçu comme un contrepoint à Mort à Venise. L’œuvre relate la vie d’une frange de la haute société européenne retirée dans un sanatorium à la veille de la Première Guerre mondiale, société dont les membres se révèlent moins soucieux de tisser des relations entre eux que de scruter les moindres oscillations de leur température et des battements de leur cœur, alors que le monde dont ils se sont extraits est sur le point de sombrer. Le terrain offert par le roman paraît à de multiples égards propice au déploiement de l’art de Lupa, qui immerge intensément dans l’œuvre, démontre une nouvelle fois la virtuosité scénique fascinante qu’il a développée de spectacle en spectacle et mène les acteurs et actrices lituaniens du Jaunimo Teatras à des hauteurs vertigineuses.
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« Les Émigrants » de Krystian Lupa au Théâtre de l’Odéon – interroger les vivants pour faire revivre les morts, du Sebald dans le texte, du Lupa dans le texte

Les Émigrants marque le grand retour de Krystian Lupa en France, depuis Le Procès, en 2018. Entre temps, l’artiste polonais a pourtant créé plusieurs spectacles : Capri, île des fugitifs d’après Kaputt et La Peau de Malaparte (2019), Austerlitz d’après Sebald (2020) et Imagine (2022), spectacle dont le texte a paru chez Deuxième Époque. Ces retrouvailles étaient d’autant plus attendues que retardées l’été dernier par une polémique déclenchée lors de la création du spectacle par les techniciens et techniciennes de la Comédie de Genève, qui ont dénoncé des conditions de travail insoutenables. Cette annulation avait entraîné celle du Festival d’Avignon, quelques semaines plus tard. Stéphane Braunschweig, directeur du Théâtre de l’Odéon, a fait le choix de maintenir le spectacle prévu dans sa programmation et a créé les conditions rendant possible la création, sept mois plus tard. Malgré les débats qu’a engendrés cette affaire, sur la réputation colérique, voire tyrannique du metteur en scène, qui appartient comme d’autres à une génération qui se distingue de celles qui suivent par sa capacité à centraliser l’énergie créatrice, le public est largement présent au rendez-vous de ce nouveau spectacle, au début comme au terme des quatre heures quasi et demie. L’épopée de son processus de création mise à part, le résultat est incomparable. Lupa confirme, avec l’adaptation de deux récits de W. G. Sebald, la singularité de son théâtre – de son esthétique, de sa direction d’acteur, de sa façon de restituer une œuvre et de penser la mémoire européenne.
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« Notre intellect a accompli de prodigieux exploits, tandis que notre demeure spirituelle tombe en ruine » – Lecture de Jung en étudiant Krystian Lupa

Recueil de phrases et de réflexions au gré de la lecture de Psychologie de l'inconscient et de L'Âme et la vie de Jung, pour l'étude des Frères Karamazov Krystian Lupa, grand lecteur de ces oeuvres. "Si belle et si parfaite que l'homme puisse trouver sa raison, il peut être tout aussi sûr qu'elle ne constitue en tout cas qu'une des fonctions intellectuelles possibles et qu'elle ne cadre qu'avec l'aspect des phénomènes qui lui correspond. Or, cet irrationnel est également une fonction psychologique, à savoir l'inconscient collectif, alors que la raison est essentiellement liée à la conscience. Le conscient a besoin de raison, pour découvrir d'abord un ordre dans le chaos des cas individuels désordonnés qui peuplent l'univers et pour ensuite créer cet ordre, créer une coordination au moins dans les domaines humains. Nous avons une tendance louable et utile à exterminer, dans toute la mesure possible, en nous et hors de nous, le chaos de l'irrationnel. En apparence, on a poussé fort loin cette façon de procéder."
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« Perturbation » de Krystian Lupa, d’après Thomas Bernhard à la Colline

Après L’Homme sans qualités de Robert Musil, Les Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski, Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov ou plus récemment L’Autre côté d’Alfred Kubin, Krystian Lupa s’attaque une nouvelle fois à un roman dans son dernier spectacle. Perturbation a pour matériau premier l’œuvre du même nom de l’Autrichien Thomas Bernhard.…

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« Antoine et Cléopâtre » de Tiago Rodrigues à la Bastille – chœur des amants mythiques

Séance de rattrapage pour les retardataires : plus dix ans après sa création, Antoine et Cléopâtre de Tiago Rodrigues est repris au Théâtre de la Bastille, après être passé par le Festival d’Avignon en 2015, le Festival d’Automne l’année suivante, et quantités de lieux qui l’ont programmé régulièrement jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit de l’un des premiers spectacles invité en France de l’actuel directeur du Festival d’Avignon, spectacle qui a contribué à le faire connaître et à introduire la manière si singulière qu’il a de dialoguer avec les œuvres – celles de Shakespeare, Flaubert, Tolstoï ou Tchekhov. Son choix se portait alors sur une tragédie historique, que l’on tend à dissocier du couple mythique qu’elle choisit de raconter. Prenant acte de cette postérité, Rodrigues retient l’imaginaire de la pièce de Shakespeare plutôt que la lettre du texte, sa fable ramenée à son plus simple appareil, et offre à partir d’elle une partition pour un chœur des amants – du titre d’une de ses œuvres ultérieures, qui présente beaucoup de similitude avec celle-là.
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« Fusées » de Jeanne Candel au T2G – vanité de la conquête spatiale

Dans le cadre du Festival jeune et très jeune public de la ville de Gennevilliers, Jeanne Candel et sa compagnie la vie brève présentent au T2G Fusées, spectacle créé en septembre dernier au Théâtre de l’Aquarium que l’artiste dirige. Pour la première fois, Jeanne Candel, qui explore depuis des années les possibilités du dialogue entre théâtre et musique, élargit son public pour atteindre les plus de six ans. Avec des moyens de fortune, le spectacle fait voyager aux confins de l’espace et interroge la pertinence de la conquête spatiale – question salutaire par les temps qui courent.
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« Grand-peur et misère du IIIe Reich » de Julie Duclos au Théâtre de l’Odéon – exercices d’analyse critique

La dernière création de Julie Duclos, Grand-peur et misère du IIIe Reich, en tournée depuis septembre, arrive à l’Odéon en ce début d’année. La metteuse en scène qui a commencé avec des matériaux non destinés au théâtre – Fragments d’un discours amoureux de Barthes et La Maman et la Putain d’Eustache dans Nos Serments –, s’est ensuite mesurée à des œuvres du répertoire : Juste la fin du monde de Lagarce, Kliniken de Lars Norén, et désormais un texte de Brecht. Cette œuvre a la particularité d’être composée de scènes indépendantes les unes des autres, liées entre elles par le contexte dans lequel elles s’inscrivent, l’Allemagne, entre 1933 et 1938. La metteuse en scène ne monte qu’une partie de ces scènes, mais c’est suffisant pour raconter comment un climat de terreur s’est insinué dans les moindres relations humaines et sociales après l’accession d’Hitler au pouvoir, et plus encore pour démontrer la nécessité d’opposer au fascisme une pensée complexe et nuancée.
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