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« Écrire sa vie » de Pauline Bayle au Cloître des Carmes – les vaguelettes

La trajectoire fulgurante de Pauline Bayle, directrice du Théâtre Public de Montreuil depuis janvier 2022, se poursuit : elle est cette année programmée au Festival d’Avignon, au Cloître des Carmes. Après s’être fait connaître avec son adaptation de l’Iliade – notamment grâce au Off d’Avignon –, puis celle de l’Odyssée, après une incursion du côté de la littérature contemporaine avec Chanson douce de Leïla Slimani puis après être revenue à un grand classique, Illusions perdues de Balzac, la metteuse en scène associe une nouvelle fois son nom à celui d’une grande figure de la littérature : Virginia Woolf. Le projet est aussi séduisant que flou : Pauline Bayle ne choisit pas une œuvre de l’autrice en particulier, mais puise indifféremment dans ses romans, ses essais, son journal et sa correspondance. Par rapport à ses précédents spectacles, elle n’exhibe cependant pas son geste d’adaptation et fait croire que Virginia Woolf a écrit du théâtre – et du mauvais théâtre.
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« Drive Your Plow Over the Bones of the Dead » de Simon McBurney à l’Odéon – fable écologique sur ce qui nous relie

Retrouvailles avec Simon McBurney plus de dix ans après son mémorable Maître et Marguerite, présenté dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. Une continuité profonde lie ce spectacle au dernier en date, Drive Your Plow Over the Bones of the Dead : il s’agit une nouvelle fois de l’adaptation d’un roman – Sur les ossements des morts dans sa traduction française, écrit par l’autrice polonaise Olga Tokarczuk, Prix Nobel 2018 – qui a pour figure principale une femme. Après Marguerite donc, Janina. Ou plutôt Mme Doucheyko, car le personnage déteste son prénom. Ce n’est cette fois pas la magie de Woland qui inspire le metteur en scène britannique, mais, de manière plus diffuse, une perception ésotérique du monde, qui relie les astres à la nature, les animaux aux hommes, le petit au grand. Avec ce spectacle, la compagnie Complicité nous embarque dans une grande fresque narrative aux accents écologiques, grâce à un langage aussi précis que sophistiqué et un jeu d’acteur fascinant.
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« Némésis » de Tiphaine Raffier aux Ateliers Berthier – l’air vicié de notre temps

Tiphaine Raffier présente aux Ateliers Berthier l’adaptation d’un roman de Philip Roth, Némésis. La metteuse en scène, qui jusqu’ici montait ses propres textes, a cette fois choisi de s’emparer du dernier roman de l’auteur américain Philip Roth, écrit en 2010. Celui-ci n’a a priori rien à voir avec le théâtre, mais il a quelque part beaucoup à voir avec le précédent spectacle de Tiphaine Raffier. Dans le sillage de La Réponse des hommes, la metteuse en scène soulève en effet des questions d’ordre moral sur scène et parvient avec elles à saisir quelque chose d’impalpable qui paraît caractéristique de notre époque, un air du temps dans ce qu’il a de plus volatile.
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« Nul si découvert » de Valérian Guillaume au Théâtre de la Cité internationale – gros plan sur le théâtre des centres commerciaux

Au Théâtre de la Cité internationale, est créé un texte passé par le sas de la Mousson d’été. Après une lecture de Charles Berling en 2020, Nul si découvert, roman publié aux Éditions de l’Olivier cette même année, a entre-temps fait l’objet d’une adaptation par l’auteur, Valérian Guillaume, qui est également metteur en scène de ce spectacle. Si cette œuvre a aussitôt fait l’objet d’une mise en voix et en espace, avant d’arriver pleinement au théâtre, c’est probablement car elle prend la forme d’une longue tirade sans ponctuation – modalité d’écriture qui rappelle celle de Thomas Bernhard, le ressassement et la colère en moins. Pour donner corps à cette langue et à son personnage principal, Valérian Guillaume a choisi un acteur de taille : Olivier Martin-Salvan. Un de ces rares acteurs avec lesquels on veut bien prendre le risque d’un seul en scène, car il ne fait pas du Olivier Martin-Salvan, mais met sa virtuosité au service du texte qu’il porte, donné à entendre avec une précision réjouissante.
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« Un sacre » de Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix au TGP – monument au chagrin

Créé en septembre 2021 à la Comédie de Valence, Un sacre termine sa longue tournée au TGP, où le spectacle est déjà passé fin 2022 et où Lorraine de Sagazan est artiste associée. Pour ce spectacle, la metteuse en scène a une nouvelle fois collaboré avec Guillaume Poix, après L’Absence de père et La Vie invisible. Dans le mouvement initié par ce dernier spectacle, inspiré par la rencontre avec des non et malvoyants, le duo s’attèle cette fois à la question de la mort et du deuil dans notre société à partir de neuf témoignages choisis parmi près de 300 pendant le premier confinement, réécrits et travaillés au plateau avec les membres de la compagnie. Le résultat est une tentative pour bâtir un monument non pas aux morts, mais au chagrin.
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« Des femmes qui nagent » de Pauline Peyrade, mis en scène par Émilie Capliez au TGP – traces de films déposées sur la scène

Le TGP accueille pour une dizaine de dates la nouvelle création d’un texte de Pauline Peyrade, résultat d’une commande d’Émilie Capliez qui le met en scène. Des femmes qui nagent manifeste un déplacement profond dans l’écriture de l’autrice. Jusqu’ici, ses textes pour le théâtre prenaient la forme de fictions soigneusement mises en page, pour rendre compte de notre perception éclatée du réel. Des textes qui mettent la scène au défi de restituer les multiples plans et strates de l’écriture. Avec cette œuvre, pour la première fois, Pauline Peyrade écrit explicitement à partir de. En l’occurrence, à partir d’une vaste culture cinématographique, conjuguée au féminin. Son écriture incisive, rythmée, se trouve ainsi arrimée à un vaste matériau qui laboure notre mémoire et fait surgir de multiples images – images sublimées et décuplées par la mise en scène très esthétique d’Émilie Capliez.
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Présentation d’ « Un ennemi du peuple » d’Ibsen dans la perspective de la mise en scène de Thibaut Wenger

Présentation d'Un ennemi du peuple d'Ibsen, dans la perspective de la mise en scène de Thibaut Wenger. Show devant réalisé au Théâtre de Châtillon-Clamart. Un ennemi du peuple, pièce publiée en 1882 et créée l’année suivante à Copenhague, est considérée comme une pièce de la maturité d’Ibsen. L’auteur a en effet déjà fait ses preuves plusieurs fois, notamment avec Peer Gynt (1867) et Une maison de poupée (1879), qui sont probablement ses deux œuvres les plus connues.
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« La Guerre n’a pas un visage de femme » de Svetlana Alexievitch – comprendre grâce au récit choral de femmes oubliées ce que ça veut dire, « faire la guerre »

En 2015, l’autrice biélorusse Svetlana Alexievitch s’est vu remettre le Prix Nobel de littérature pour « son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque ». Dès son premier texte publié en 1985, La Guerre n’a pas un visage de femme, l’autrice formée au journalisme a en effet inventé une manière d’écrire tissée d’innombrables témoignages mis en résonance. Cette forme d’écriture chorale lui a été inspirée par les récits de femmes russes qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale, qu’elle est allée interroger afin d’offrir une perspective inédite sur l’Histoire, essentiellement écrite au masculin, et donner ainsi pour la première fois une pleine perception de ce que c’est, la guerre.
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« Grief and Beauty » de Milo Rau au Théâtre de la Colline – TRIGGER WARNING: LIVE DEATH PROJECTION ON STAGE

Depuis Five Easy Pieces, spectacle dans lequel il revenait sur l’affaire Marc Dutroux avec des enfants sur scène, puis avec Familie, spectacle dans lequel il invitait une famille à reconstituer le suicide collectif d’une autre famille, le metteur en scène suisse Milo Rau emprunte des voies très border. La presse réactionnaire en fait d’ailleurs son miel et crie au scandale à la première occasion, et il faut soigneusement déconstruire puis reconstruire sa démarche pour en justifier la pertinence. Dans les deux spectacles cités, c’était encore possible car le théâtre était utilisé comme un outil d’enquête, pour apprivoiser l’horreur ou pour sonder l’incompréhensible. Mais le deuxième, Familie, était déjà plus difficile à défendre car le jeu tendait à disparaître, et amenait à parler de théâtre pornographique. L’étiquette est encore plus valable pour le deuxième volet de la Trilogie de la vie privée, Grief and Beauty, cette fois indéfendable car le théâtre s’évanouit face au spectacle obscène de la mort.
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« Ombre (Eurydice parle) » d’Elfriede Jelinek mis en scène par Marie Fortuit aux Plateaux Sauvages – le cri des silencieuses

Marie Fortuit crée aux Plateaux Sauvages, Ombre (Eurydice parle), dernière œuvre écrite pour le théâtre par Elfriede Jelinek. Dans ce texte, l’autrice autrichienne qui a reçu le Prix Nobel de littérature en 2004 procède à un nouveau renversement de perspective après Les Suppliants, pendant des Suppliantes d’Eschyle. Elle donne cette fois voix à Eurydice, afin qu’elle ne soit plus seulement l’amante d’Orphée. Aux Enfers, Eurydice se révèle une autrice empêchée, mise dans l’incapacité d’écrire par la musique assourdissante d’Orphée. La mise en scène extrêmement esthétique de ce texte interprété par Virgile L. Leclerc embrasse pleinement le déplacement proposé pour donner voix aux silencieuses.
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