« Carte noire nommée désir » de Rébecca Chaillon aux Ateliers Berthier – performance réparatrice pour le corps des femmes noires
Carte noire nommée désir arrive aux Ateliers Berthier précédé de la polémique qui l’a entouré à Avignon, cet été. Le spectacle avait pourtant été créé en 2021 sans remous – indice qui aurait dû suffire à démonter toute appréhension et à rappeler à quel point Avignon est inflammable, et son public extrêmement susceptible. Rébecca Chaillon, performeuse et autrice, après plusieurs seuls en scène dans lesquels elle a posé les questions du corps et de l’alimentation – au cœur de Plutôt vomir que faillir, en ce moment à la MC93 – s’entoure cette fois de sept alliées pour aborder de manière à la fois plurielle et frontale le sujet du corps des femmes noires. Elle propose une longue performance qui module les registres et les angles d’attaque pour cerner la carte obscure du désir attaché à ce corps, performance qui rend possible un geste extrêmement puissant de réappropriation et de réparation.« Home – morceaux de nature en ruine » de Magrit Coulon à la MC93 – performer la vieillesse pour en révéler le caractère spectaculaire
Alors que la saison touche à sa fin, la MC93 programme un spectacle de Magrit Coulon créé à Liège et pour la première fois présenté en France dans le Off d’Avignon, en 2021, au Théâtre des Doms. Home – morceaux de nature en ruine était auparavant en lice pour le Festival Impatience en 2020 (édition sacrifiée par le covid), mais le spectacle était reparti de manière assez incompréhensible sans aucune récompense – alors que le premier prix était remis au très malaisant The Jewish Hour de Yuval Rozman, en ce moment repris au Théâtre 13… Le temps – au cœur du spectacle de Magrit Coulon – fait heureusement son œuvre, et le public ne s’y trompe pas : salle clairsemée et applaudissements contraints et gênés pour le spectacle primé ; salle pleine et conquise, bruissante de commentaires enthousiastes à la sortie pour Home. Cet enthousiasme peut paraît paradoxal si l’on s’en tient à la seule information que le spectacle porte sur le quotidien de résidents en maison de retraite. Le paradoxe n’est cependant que de surface, car ce qui touche dans ce spectacle, c’est la profondeur du travail théâtral que l’on perçoit en amont et à chaque représentation, qui nous confronte de manière très délicate à une réalité qui nous embarrasse.« Jukebox ‘Gennevilliers' » d’Elise Simonet et Joris Lacoste – les voix de nos villes
Si les théâtres sont fermés depuis deux mois, les artistes ont encore le droit de proposer des spectacles dans les milieux scolaires. Cette aberration renforce la légende selon laquelle le virus n'y circulerait pas – mais de la maternelle au lycée seulement ; les universités, elles, sont fermées depuis de longues semaines. (Il y a quelques jours encore, notre gouvernement affirmait avec aplomb que le corps enseignant ne faisait pas partie des professions les plus exposées au covid – ce qui s’explique par le fait que les élèves d’une même classe et leurs professeurs ne sont pas déclarés cas contact si l’un d’eux contracte la maladie…). Dans ce contexte moribond, la découverte de Jukebox 'Gennevilliers' au Lycée Galilée de Gennevilliers a pris l’apparence d’un rayon de soleil – et de fait, le soleil perçait à travers les nuages noirs et s’invitait dans le hall de l’internat tout en baies vitrées, le temps d’une des représentations prévues.« Oreste à Mossoul » de Milo Rau aux Amandiers – beau comme la rencontre fortuite sur une scène de théâtre d’un texte et d’une ville
La rentrée théâtrale est une fois de plus animée par le Festival d’Automne, qui, pour la troisième année consécutive, invite le metteur en scène suisse Milo Rau à présenter sa dernière création. Oreste à Mossoul illustre à nouveau la singularité de son théâtre, constamment préoccupé par le réel, attentif au monde dans lequel nous vivons, et en même temps soucieux de démontrer sa nécessité en tant que geste artistique. Le titre de ce spectacle, qui unit une figure de la tragédie antique au nom d’une ville d’Irak, devenue le théâtre de la guerre menée par l’Etat islamique ces dernières années, puis son symbole, exprime la recherche de cet équilibre fragile qui donne toute sa pertinence à la démarche de Rau.« L’Effort d’être spectateur » de Pierre Notte – hommage au public de théâtre
Dans la petite salle du Théâtre Artéphile, l’auteur Pierre Notte se fait acteur. Un acteur qui livre une conférence sur « l’effort d’être spectateur », figure qu’il pense à partir de sa propre expérience et en s’appuyant sur quelques penseurs et théoriciens.…
« Rester vivant » d’Yves-Noël Genod : mettre à mort le théâtre, avec la poésie
Yves-Noël Genod, « Distributeur de poésie et de lumières » A l’occasion d’un entretien, l’artiste Yves-Noël Genod affirme : « Pour faire du théâtre, il faut sans doute tuer le théâtre : le théâtre doit être vivant ! »[1]. Le caractère paradoxal de son propos repose sur un usage polysémique – et donc poétique – du terme « théâtre » : à celui de conventions, qu’il faudrait tuer, il oppose celui auquel il aspire, qu’il ne définit pas autrement que par son caractère vivant.« Re-Paradise » de Gwenaël Morin aux Amandiers – re-living the theatre
Pour fêter les 50 ans des événements de mai 1968, Philippe Quesne a invité plusieurs artistes au Théâtre Nanterre-Amandiers pour « défricher des territoires utopiques », au cours d’un Festival éloquemment appelé « Mondes possibles ». Sa proposition vise moins à commémorer le passé – comme l’affirme Sanja Mitrovic dans son spectacle, My Revolution is better than yours, faisant écrire en grosses lettres par un acteur « We don’t commemorate, we keep on fighting » – qu’à penser le présent, à partir de cet héritage bien particulier. De nombreuses formes artistiques sont ainsi accueillies, pour un temps de réflexion collectif. C’est dans ce contexte que Gwenaël Morin recrée Paradise Now, spectacle emblématique du Living Theatre présenté en juillet de cette fameuse année à Avignon.« Baquestribois » par la compagnie Osikán – Cuba underground
Baquestribois est le troisième volet d’un triptyque, la Trilogia de la Ausencia (de l’absence). L’œuvre est signée par José Ramón Hernandez, avec la compagnie Osikán, « plateforme scénique expérimentale », dont le travail se distingue par les thèmes polémiques qu’elle aborde au regard de la société cubaine actuelle.…
« Acceso » de Pablo Larraín et Roberto Farías au Théâtre de la Vignette – Sandokan, le suicidé de la société
Le Théâtre de la Vignette, situé dans l’enceinte de l’Université de Montpellier 3, a accueilli pour deux dates le spectacle de Pablo Larraín et Roberto Farías, Acceso. Promu par le Festival Sens Interdits et présenté en octobre 2015 au Théâtre des Célestins, à Lyon, ce spectacle venu du Chili tourne depuis, et rencontre le succès.…