Étiquette : musique

« Fusées » de Jeanne Candel au T2G – vanité de la conquête spatiale

Dans le cadre du Festival jeune et très jeune public de la ville de Gennevilliers, Jeanne Candel et sa compagnie la vie brève présentent au T2G Fusées, spectacle créé en septembre dernier au Théâtre de l’Aquarium que l’artiste dirige. Pour la première fois, Jeanne Candel, qui explore depuis des années les possibilités du dialogue entre théâtre et musique, élargit son public pour atteindre les plus de six ans. Avec des moyens de fortune, le spectacle fait voyager aux confins de l’espace et interroge la pertinence de la conquête spatiale – question salutaire par les temps qui courent.
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« Palombella Rossa » de Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny à la MC93 – de l’art de se maintenir à flots en eaux troubles

La MC93 accueille un spectacle de Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny actuellement en tournée : Palombella Rossa, d’après le film de Nanni Moretti du même titre. Le metteur en scène, plusieurs fois inspiré par le cinéma, créait en 2003 un spectacle à partir d’écrits du critique Serge Daney. C’était là un point de rencontre avec Nicolas Bouchaud, qui a également porté les textes de Daney dans La Loi du marcheur, mis en scène par Éric Didry en 2010. Cette convergence a conduit à la collaboration des deux hommes pour Palombella Rossa : Bauer choisit de confier à Bouchaud le rôle tenu par Moretti lui-même dans le film, celui d’un joueur de water-polo à la mémoire qui flanche, qui est aussi un député communiste parmi les derniers représentants de son espèce, qui relate l’histoire de son parti et les idéaux qu’il portait sans tout à fait comprendre comment sa pensée a pu devenir aussi marginale. Le spectacle recompose un personnage profondément attachant, à partir duquel est menée de manière délicate et nuancée une réflexion sur la gauche qui retentit salutairement avec notre époque.
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« Les Fausse Confidences », mis en scène par Alain Françon au Théâtre Nanterre-Amandiers – Marivaux classical rock

Trois ans après La Seconde Surprise de l’amour, et quarante-deux ans après La Double inconstance à ses débuts, Alain Françon revient à Marivaux pour Les Fausses Confidences, programmé pour une vingtaine de dates au Théâtre Nanterre-Amandiers en cette fin d’année. Ce spectacle confirme la permanence du geste artistique de ce metteur en scène de près de 80 ans, qui monte depuis plus de cinquante ans des œuvres du répertoire et qui en offre chaque fois des lectures claires et justes. Cette dernière création offre plus précisément le plaisir d’un texte, d’une direction d’acteur très vivante et de partis pris scéniques qui mettent en lumière l’un et l’autre.
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« … how in salts desert is it possible to blossom… » de Robyn Orlin au Manège de Reims – explosion éclosion de couleurs

Après être passé par des festivals à Marseille, Montpellier et Paris l’an dernier, … how in salts desert is it possible to blossom… de Robyn Orlin est passé par le Manège de Reims pour deux dates. La chorégraphe sud-africaine, qui signe la création dès son titre par sa longueur et ses points de suspension, est régulièrement invitée à créer des spectacles avec des compagnies déjà existantes. Cette fois, elle a travaillé avec le Garage Dance Ensemble, originaire d’Okiep, ville située au nord-ouest de l’Afrique du Sud, à la frontière de la Namibie, qui, quoique semi-désertique, se couvre de milliers de fleurs sauvages pendant quelques semaines après les pluies d’hiver. Cette singularité climatique a inspiré à Robyn Orlin et les interprètes de la compagnie, accompagnés par les deux musiciens de l’ensemble uKhoiKhoi, un spectacle dansé sur les thèmes de la résilience et de la renaissance.
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« Aria da capo » de Séverine Chavrier à la Comédie de Reims – « c’est un peu limite »

Aria da capo, spectacle de Séverine Chavrier créé en 2020, est en tournée cette année. Sa longévité interroge car son ambition était de rendre compte de la vie de quatre adolescents destinés à une carrière de musicien professionnel. Entre temps, leur projet s’est affermi et ils sont devenus de jeunes adultes. Le caractère éphémère du projet de départ qu’accuse le passage du temps aurait pu être atténué par le fait qu’importent moins à la metteuse en scène leur parcours, leur formation ou leurs ambitions que leurs préoccupations hors de la musique – les relations sexuelles, pour l’essentiel. Cependant, c’est tout l’inverse. En quatre ans, on prend la mesure des questions que soulèvent leurs propos, et le spectacle apparaît moins comme une ode à la jeunesse, comme on nous le promet, qu’une preuve de l’enracinement de la culture du viol dans notre société.
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« Invisibili » d’Aurélien Bory au Théâtre des Abbesses – danse-théâtre-peinture

L’année 2024 est inaugurée avec un spectacle se situant aux frontières de plusieurs disciplines, que le Théâtre de la Ville choisit de placer sous la double étiquette « Théâtre/Danse », mais qui puise son inspiration dans une fresque du XVe siècle. L’héritage évident de Pina Bausch dans cette œuvre amène à envisager Invisibili, d’Aurélien Bory, sous le prisme d’une triple catégorie : danse-théâtre-peinture. L’artiste bâtit une dramaturgie erratique à partir de cette rencontre, comme il a pu le faire pour Espæce, ponctuée par des forte, mais aussi, hélas, des piano, qui surgissent dès lors que l’artiste se risque à esquisser un discours sur le monde actuel.
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« Stabat Mater » de La Phenomena et La Tempête aux Bouffes du Nord – libre interprétation de Scarlatti depuis notre sensibilité contemporaine

Aux Bouffes du Nord, quelques semaines après la reprise de Traviata. Vous méritez un avenir meilleur de Benjamin Lazar, un nouvel objet hybride, au croisement de la musique et du théâtre, est programmé, cette fois inspiré par une pièce sacrée de Domenico Scarlatti : le Stabat Mater. Cette création est née de la collaboration de la compagnie de théâtre La Phenomena et de l’ensemble La Tempête, « compagnie vocale et instrumentale ». Maëlle Dequiedt signe donc la mise en scène, et Simon-Pierre Bestion la direction musicale et les arrangements. D’une œuvre baroque sacrée, les artistes proposent une libre variation musicale et théâtrale, sous la forme d’un cadavre exquis qui vient aiguiser l’écoute et interroger la capacité de la musique ancienne à atteindre notre sensibilité contemporaine.
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« Sur la côté sud » de Frédéric Bélier-Garcia à la Comédie de Reims – le diable se niche dans les détails

La saison de la Comédie de Reims est inaugurée avec un spectacle de Frédéric Bélier-Garcia, qui crée un texte de Fredrik Brattberg, Sur la côte sud. Le metteur en scène a déjà contribué à faire découvrir l’auteur norvégien il y a quelques années, avec un diptyque composé de Retours et Le Père de l’enfant de la mère. Entouré de son équipe technique et de cinq personnes au plateau, il relève tous les défis que pose ce texte à la scène, résout toutes les difficultés qui en font l’intérêt, qu’elles soient scénographiques ou rythmiques. Son potentiel actoral n’est cependant que partiellement exploité.
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« Ombre (Eurydice parle) » d’Elfriede Jelinek mis en scène par Marie Fortuit aux Plateaux Sauvages – le cri des silencieuses

Marie Fortuit crée aux Plateaux Sauvages, Ombre (Eurydice parle), dernière œuvre écrite pour le théâtre par Elfriede Jelinek. Dans ce texte, l’autrice autrichienne qui a reçu le Prix Nobel de littérature en 2004 procède à un nouveau renversement de perspective après Les Suppliants, pendant des Suppliantes d’Eschyle. Elle donne cette fois voix à Eurydice, afin qu’elle ne soit plus seulement l’amante d’Orphée. Aux Enfers, Eurydice se révèle une autrice empêchée, mise dans l’incapacité d’écrire par la musique assourdissante d’Orphée. La mise en scène extrêmement esthétique de ce texte interprété par Virgile L. Leclerc embrasse pleinement le déplacement proposé pour donner voix aux silencieuses.
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« Institut Ophélie » d’Olivier Saccomano et Nathalie Garraud au T2G – Ophélie, balle rebondissante dans le flipper de l’histoire

Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, tous deux à la tête du Théâtre des 13 vents à Montpellier, présentent au T2G le deuxième volet d’un diptyque. Après Un Hamlet de moins, Institut Ophélie. Shakespeare apparaît comme un point d’entrée dans ces spectacles ; il est avant cela un point de départ pour Olivier Saccomano, auteur. Dans Institut Ophélie, le duo d’artistes joue avec les représentations que l’on a d’Ophélie, figure théâtrale devenue figure picturale, opératique ou encore cinématographique, et tisse à partir d’elle une réflexion sur les femmes, la place qu’elles occupent ou la place qu’on leur donne. La folie d’Ophélie, sa virginité et sa parole prophétique permettent ainsi de traverser tout le vingtième siècle et de rejoindre notre époque. Une traversée dans laquelle le discours est relégué à l’arrière-plan à la faveur d’associations libres, d’une réflexion vive et rebondissante. Cette relégation qui fait toute la poésie du spectacle prend appui sur le travail scénique de Nathalie Garraud, qui crée des visions d’une précision fascinantes et enrichit nos imaginaires de rythmes et de tableaux qui élargissent notre perception.
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