« Don Quichotte » de Cervantès [extrait] – blâme et éloge des romans de chevalerie
Le chanoine écouta avec attention le curé, qui leur parla du caractère, de la vie, des habitudes et de la folie de don Quichotte, et leur exposa brièvement l'origine de ses extravagances et la suite de l’histoire, jusqu'au moment où on l'avait enfermé dans cette cage pour le ramener dans son village, avec l'espoir de le guérir de sa folie.« Welfare » de Julie Deliquet à la Cour d’honneur du Palais des Papes – documentaire ou fiction ?
Le spectacle présenté dans la Cour d’honneur du Palais des Papes cette année est la dernière création de Julie Deliquet, Welfare. Sept ans après Les Damnés d’Ivo van Hove au même endroit, la pratique de l’adaptation de scénario à la scène poursuit son processus d’institutionnalisation. Julie Deliquet s’est déjà distinguée dans cette pratique avec des scénarios de Bergman, Desplechin et Fassbinder, et a rendu le dialogue avec le cinéma caractéristique de son théâtre. Elle s’intéresse cette fois à un film de Frederick Wiseman, qui lui en a lui-même soufflé l’idée. Un film parfois désigné comme un documentaire, immergeant dans le quotidien d’un centre d’aide sociale à New-York, en 1973. La caractérisation trouble de l’œuvre d’origine met en place un pacte trouble avec le public et détermine en grande partie la perception du spectacle : documentaire ou fiction ?« Familie » de Milo Rau à Nanterre-Amandiers – théâtre pornographique : la reconstitution du réel à tout prix, au prix du jeu et de l’intimité des acteurs
Depuis plusieurs années, l’artiste suisse Milo Rau est accueilli en France avec ses spectacles, qui toujours explorent les relations entre le réel et le théâtre à partir de la question de la représentation de la violence sur scène. Après Five Easy Pieces, sur les crimes de Marc Dutroux, La Reprise, sur le meurtre d’un homosexuel à Liège en 2012, Rau s’empare d’un nouveau fait divers dans Familie : le suicide des quatre membres d’une famille en 2007, près de Calais. Les deux précédentes œuvres de ce triptyque démontraient comment le théâtre pouvait permettre d’apprivoiser l’horreur, par le jeu. Dans celle-ci, la démarche est inverse. Le fait d’amener une vraie famille sur scène évacue presque totalement le jeu, au point de faire naître un malaise extrême.« Contes et légendes » de Joël Pommerat aux Amandiers – humanité troublée
Après Le Petit Chaperon rouge, Cendrillon et Pinocchio, Joël Pommerat paraît encore puiser dans les œuvres de Perrault, des Frères Grimm ou de la Mère l’Oye pour sa dernière création, Contes et légendes. Il n’en est pourtant rien, et ce titre est d’autant plus trompeur que le non-lieu et le non-temps qu’il suggère n’entraîne pas du côté d’un monde passé, conçu de manière manichéenne. Il projette contre toute attente vers l’avenir, dans un monde où les humains cohabitent avec des robots qui leur ressemblent de manière troublante. Cette fiction, qui repose entièrement sur la qualité du jeu des acteurs, permet au metteur en scène de soulever de nombreuses questions sur l’enfance, sur le genre, ou sur le retour en force de certaines valeurs sociales réactionnaires à l’ère de l’intelligence artificielle.« Joueurs » de Julien Gosselin aux Ateliers Berthier – Réflexions sur le live cinéma
Après Michel Houellebecq et Roberto Bolaño, le jeune metteur en scène Julien Gosselin s’est tourné vers l’écrivain américain Don DeLillo pour poursuivre ses recherches théâtrales dans le champ du romanesque. Pour l’édition 2018 du Festival d’Avignon, il n’a retenu non pas une mais trois de ses œuvres : Joueurs, Mao II et Les Noms. En tournée à l’Odéon, dans le cadre du Festival d’Automne, le spectacle-fleuve de 10 heures est décomposé en trois spectacles indépendants les soirs de semaine.« C’est la vie » de Mohamed El Khatib à l’Espace Pierre Cardin – Human Zoo
Avec Finir en beauté, il y a eu un avant et un après dans la trajectoire de Mohamed El Khatib. A partir de ce texte devenu spectacle, dans lequel il consigne les derniers moments de sa mère avant d’entreprendre son travail de deuil, son geste artistique change. Désormais, il lui paraît anecdotique de monter des œuvres écrites par d’autres, de raconter des histoires, et même de faire jouer des acteurs. La seule chose qui lui importe devient dès lors le réel, et sa restitution brute sur la scène. Mais quand, suite à cette œuvre qui le fait connaître, le propulse sur les plus grandes scènes françaises et donne une autre dimension à son travail, il fait appel à deux acteurs pour qu’ils témoignent de leur douleur à eux, causée par la perte d’un enfant, sa démarche prend une toute autre dimension – notamment éthique. C’est la vie, présenté dans le cadre du Festival d’Automne à l’Espace Cardin, dérange et fait surgir de nombreuses questions quant au bien-fondé de sa démarche – des questions qui restent sans réponse.« Adiós, Hemingway » de Leonardo Padura – enquêtes à La Havane
Leonardo Padura est un auteur cubain contemporain, connu pour ses romans policiers. Ses œuvres mettent en scène des enquêtes criminelles, menées par le lieutenant Mario Conde dans les dédales de La Havane. A l’occasion d’une série sur le thème « Littérature et mort », il mobilise une nouvelle fois son héros retiré de la fonction policière pour reconstituer les derniers jours d’Hemingway à Cuba.…
« Five Easy Pieces » de Milo Rau – le théâtre comme moyen d’apprivoiser l’horreur
Le dernier spectacle du metteur en scène, essayiste, journaliste et réalisateur suisse Milo Rau est une nouvelle fois accueilli au Théâtre des Amandiers de Nanterre ce printemps. Dans son théâtre, Milo Rau interroge le réel dans ses épisodes les plus violents, prenant souvent le risque de la censure.…
« Les Faux-Monnayeurs » de Gide – la médaille et son revers
Gide dit des Faux-Monnayeurs qu’ils sont son premier roman. Ce faisant il distingue nettement cette œuvre de ses précédentes, qualifiées de soties ou de récits. La différence majeure avec ces derniers est qu’il ne s’inspire pas cette fois de son expérience autobiographique, mais qu’il assume que son œuvre relève de la fiction.…