« May B » de Maguy Marin au T2G – infini, et impérissable
Créé en 1981, May B, de Maguy Marin, est repris pour quelques dates au T2G ce printemps. Ce n’est pas la première fois que ce spectacle qui a été commenté d’innombrables fois et situé comme un repère décisif pour quantité d’artistes reprend vie sur scène : depuis 2006, il est recréé presque tous les deux ans pour une poignée de dates. Ces recréations laissent croire que l’œuvre a passé la difficile épreuve du temps – celle qui peut frapper plus ou moins durement d’obsolescence des spectacles qui ont profondément marqué l’histoire du théâtre, qu’il s’agisse de la Mère Courage de Brecht ou d’Einstein on the Beach de Bob Wilson, dont la singularité ou la nouveauté paraît parfois émoussée depuis le moment de leur création. C’est peut-être ici le caractère hybride de l’œuvre, qui relève de la catégorie de la danse-théâtre rendue célèbre par Pina Bausch, qui lui permet de conserver toute sa puissance originelle et de convoquer notre sensibilité avec autant de force qu’il y a plus de quarante ans.« Beloved » de Toni Morrison – l’enfantôme, figuration de la hantise du passé esclavagiste des États-Unis
L’écrivaine afro-américaine Toni Morrison, décédée il y a trois ans, a acquis la pleine reconnaissance littéraire avec Beloved, roman publié en 1987 et récompensé l’année suivante par le Prix Pulitzer. Peu après, en 1993, Toni Morrison a reçu le Prix Nobel de littérature, pour « ses romans caractérisés par une force visionnaire et une portée poétique, qui donne vie à un aspect essentiel de la réalité américaine ». La réalité américaine que Beloved découvre, c’est celle l’Amérique esclave, de la veille de la guerre de Sécession à l’abolition de l’esclavage, saisie à partir d’une poignée de personnages noirs qui portent plusieurs vies en eux et sont hantés par le passé une fois affranchis. L’écriture imite le mouvement de la mémoire traumatique, qui tout à la fois refoule et ressasse, tourne autour des drames qu’elle laisse entrevoir, et tisse toute une poétique à partir de détails cristallisants qui prennent progressivement sens – jusqu’au moment de confronter pleinement à l’inconcevable.« Le Nô » de Paul Claudel – quelqu’un qui arrive
Le drame, c’est quelque chose qui arrive, le Nô, c’est quelqu’un qui arrive.« Littoral » de Wajdi Mouawad à la Colline – Le théâtre est mort, vive le théâtre !
En 2009, la tétralogie Le Sang des promesses, composée de Littoral, Incendies, Forêts puis Ciels, faisait événement lors du Festival d’Avignon. Elle découvrait à ceux qui l’ignoraient encore le metteur en scène libano-québécois Wajdi Mouawad et son théâtre profondément épique. Aujourd’hui, l’artiste est directeur du Théâtre National de la Colline. Malgré la fermeture des lieux publics ces derniers mois, il a continué d’occuper une place dans le paysage théâtral désormais numérisé (majoritairement composé de rediffusions de captations), grâce à son journal de confinement audio. Les tirades poétiques qu’il confiait à son portable, livrant des réflexions sur la crise que nous traversions, étaient mises en partage sous la forme d’un podcast. Le metteur en scène ne s’en est pas tenu là, et a en outre décidé de rouvrir le théâtre avant la traditionnelle trêve estival – quitte à ce que ce soit pour quelques semaines seulement et avec des possibilités limitées –, et de le rouvrir avec Littoral, justement, l’un des spectacles qui l’avaient fait connaître. La pièce, une nouvelle fois recréée, avec deux distributions différentes, gagne en portée dans ce contexte si particulier, et invite à clamer : « Le théâtre est mort, vive le théâtre ! »« Ivanov » de Tchekhov à l’Odéon – séjour au royaume des ombres
Alors qu’à la Colline se joue encore le Platonov des Possédés jusqu’au 11 février, Luc Bondy s’empare à l’Odéon de la deuxième pièce du dramaturge russe, Ivanov. De la première œuvre de Tchekhov qui n’a jamais été jouée de son vivant à la suivante, l’écart est considérablement creusé par la confrontation de ces deux spectacles.…
« Enfants du Siècle » de Musset au Théâtre 71
Benoît Lambert a fait le pari audacieux de mettre en scène une pièce qui n’a jamais été écrite. Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est une réussite. Dans un diptyque qui confronte Fantasio au célèbre On ne badine pas avec l’amour, il met en valeur ce qui aurait pu être Enfants du siècle, pièce que Musset n’aura jamais entreprise malgré ses promesses à Arsène Houssaye.…