Catégorie : Spectacles

« Vider Vénus » de Gaëlle Bourges au Carreau du Temple – beau comme la rencontre fortuite sur une scène du strip-tease et de l’histoire de l’art

Au Carreau du Temple, sont repris les trois premiers spectacles de Gaëlle Bourges, sous la forme d’un triptyque intitulé Vider Vénus. Ces trois spectacles, Je baise les yeux, La Belle Indifférence et Le Verrou, ont été conçus entre 2008 et 2012 comme le rappelle une voix off, une fois les lumières de la salle éteintes, dont l’un des fils rouges qui les unit est la pratique du strip-tease. La voix off poursuit en précisant que le sujet était alors moins visibilisé qu’aujourd’hui, mais aucune modification n’a été apportée aux spectacles entre temps, et, pour déjouer leur caractère potentiellement périmé, elle invite à les aborder comme des archives, des documents du passé. Une immense pertinence se dégage pourtant du propos de ces trois œuvres, qui en outre se révèlent fondatrices dans le rapport à l’histoire de l’art que Gaëlle Bourges a tissé de manière extrêmement singulière tout au long de sa trajectoire. Un rapport d’appropriation des grandes œuvres par l’écriture, le corps et la scène, tout à la fois facétieux, érudit, irrévérent et profondément vivant.
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« Hamlet » de Gérard Watkins à la Comédie de Caen – comédie burlesque

La nouvelle saison de la Comédie de Caen est inaugurée avec une mise en scène d’Hamlet de Gérard Watkins, un an après la reprise du Richard III de Mathias Langhoff par Élise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo qui officie une dernière année en tant que directeur du lieu. Pour la première fois avec ce spectacle, Gérard Watkins s’attaque à une œuvre du répertoire. Auparavant en effet, il ne mettait en scène que des textes qu’il écrivait lui-même. Pour s’approprier la pièce et ne pas en être que metteur en scène, il procède cependant à sa traduction, une traduction contemporaine et personnelle, redoublée par une scénographie qui transplante la tragédie de Shakespeare dans le Londres des années 60, au moment de la naissance de la contre-culture rock. La réappropriation à laquelle procède Watkins est telle qu’il fait de la pièce une comédie burlesque, dont la seule qualité est d’offrir de belles partitions à ses actrices et acteurs – dont il fait partie.
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« Père et fils » de Pedro Penim aux Abbesses – penser la GPA, le féminisme et la question du genre depuis Tourgueniev

Pedro Penim est le successeur de Tiago Rodrigues à la tête du Teatro Nacional D. Maria II de Lisbonne, depuis 2021. Après avoir été invité avec plusieurs spectacles en France, il est accueilli cette année dans le double cadre du Festival d’Automne à Paris et de la saison France-Portugal 2022 avec sa dernière création, Père et fils. Le titre est emprunté à un roman de Tourgueniev, qui à la fin du XIXe siècle dressait le portrait des premiers nihilistes, ceux que Dostoïevski considérera dans Les Démons comme la première génération des révolutionnaires avant celle des socialistes-terroristes, ces deux œuvres étant perçues après coup comme prophétiques des révolutions russes du début du XXe siècle. Le metteur en scène procède à une actualisation de l’œuvre qui l’inspire, plutôt qu’à une adaptation, en nourrissant le motif du conflit générationnel par des débats propres à notre époque. Le spectacle qui résulte de cette opération est intellectuellement dense, tout particulièrement dans sa première partie.
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« Jours de joie » d’Arne Lygre, mis en scène par Stéphane Braunschweig au Théâtre de l’Odéon – que la joie demeure

Le premier spectacle de la saison au Théâtre de l’Odéon s’annonce comme un programme, voire un viatique pour l’année à venir : « Jours de joie ». C’est une nouvelle pièce de l’auteur norvégien Arn Lygre que Stéphane Braunschweig traduit par ce titre en collaboration avec Astrid Schenka, et qu'il crée en France après Homme sans but, Je disparais, Rien de moi et Nous pour un moment. Avec ce spectacle, on retrouve la singularité de l’écriture de Lygre et l’exploration très fine qu’elle permet des relations humaines, exploration qui invite à méditer sur les nôtres.
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« Mes parents » de Mohamed El Khatib au Théâtre des Abbesses – photo de classe de la promo X de l’École du TNB

Le Festival d’Automne à Paris programme cette année un nouveau spectacle de Mohamed El Khatib après C’est la vie, Stadium, La Dispute et Boule à neige. Mes Parents est issu d’un atelier qu’il a mené en tant qu’intervenant au Théâtre National de Bretagne, avec la promotion X de l’École. Durant cet atelier d’écriture « documentaire », qui s’est en partie déroulé en distanciel, il a invité les élèves à se présenter au travers de leurs parents. De là est né un spectacle créé trois ans après la fin de leur formation, spectacle d’une heure dans lequel on retrouve les travers de la démarche artistique d’El Khatib mais qui a au moins pour mérite de donner à connaître quelques membres de cette promotion.
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« Iliade » et « Odyssée » de Pauline Bayle au Théâtre Public de Montreuil – adapter Homère sans représenter l’épopée

La nouvelle saison du Théâtre Public de Montreuil est inaugurée avec un diptyque de la metteuse en scène Pauline Bayle récemment nommée directrice du lieu, Iliade et Odyssée. Le premier volet a été créé en 2015 au Théâtre de Belleville, puis présenté au Off d’Avignon. Le deuxième, produit par la MC2 Grenoble, date de 2017. Le diptyque constitué a reçu en 2018 le Prix Jean-Jacques-Lerrant de la révélation théâtrale, décerné par le Syndicat de la Critique. Depuis, la metteuse en scène a créé Chanson douce au Studio de la Comédie-Française, Illusions perdues d’après Balzac, et Les Suppliantes d’après Eschyle, dans le cadre du projet « Adolescence et territoire(s) ». Pour entamer son mandat de directrice, Pauline Bayle revient à ces deux spectacles qui l’ont propulsée dans le paysage théâtral et le pose comme geste fondateur de sa pratique, caractérisée par l’adaptation de textes épiques ou romanesques.
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« Sovrimpressioni » de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini à la Ménagerie de verre – performer le caractère antiperformatif du vieillissement

En 2015, le Festival d’Automne à Paris découvrait au public français le travail d’un duo italien, Daria Deflorian et Antonio Tagliarni, avec deux spectacles : Ce ne andiamo per non darvi altre preocupazioni et Reality. Entre temps, d’autres spectacles ont été invités, en 2016, 2018 et 2021, qui tous ont continué de dialoguer avec des œuvres existantes, d’artistes connus – Pina Bausch, Andy Warhol –, ou moins connus – Janina Turek, Pétros Markaris, Michelangelo Antonioni. Leurs derniers spectacles, Avremo ancora l’occasione di ballare insieme et Sovrimpressioni sont tous deux inspirés d’un film de Fellini, Ginger et Fred. À partir d’une scène en particulier, Deflorian et Tagliarni tissent une réflexion intime sur le vieillissement, leur vieillissement, en tant qu’artistes.
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« Quizoola ! » du Forced Entertainment à l’Espace Pierre Cardin – dialogue impromptu, sans fin ni début

Après quelques semaines de trêve pendant le mois d’août, la saison théâtrale est inaugurée par le Festival d’Automne à Paris. Parmi les événements organisés pour le week-end d’ouverture, était programmé un spectacle de la compagnie britannique Forced Entertainment, la même à qui était consacré tout un portrait l’an dernier. Onze mois après Complete Works : Table top Shakespeare, le public se retrouve ainsi au même endroit, à l’Espace Cardin, pour retrouver deux membres du collectif. Le rendez-vous n’est pas précis : à partir de 19 heures, sont proposées quelques trois heures de « performance-marathon », au cours desquelles le public se trouve libre d’entrer et de sortir à sa guise. Dans le flux de questions et de réponses échangées au plateau, dans une ambiance intime, cette autorisation qu’a pu également donner Bob Wilson se révèle ici authentique.
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« Les Gros patinent bien, cabaret de carton » de Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan au Centre culturel irlandais – dessin animé live et grandeur nature

Une ambiance de festival anime le Centre culturel irlandais. La cour blanche a été transformée en lieu de spectacle grâce à des gradins démontables, le public est nombreux malgré la chaleur, et la scène, entourée de platanes, a des toits parisiens pour toile de fond. Le Festival Paris l’Été, qui permet que la saison théâtrale ne s’achève pas en hoquetant au milieu du mois de juin, propose des expositions, des ateliers, des spectacles et des concerts jusqu’à la fin du mois de juillet. Parmi les œuvres programmées, plusieurs sont des reprises, comme Les Gros patinent, cabaret de carton, spectacle créé en juin dernier et depuis récompensé par le Molière du meilleur spectacle du théâtre public. Né de la complicité de Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan, il démontre une ingéniosité fascinante qui procure un plaisir juvénile.
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« Leurs enfants après eux » d’Hugo Roux au Théâtre 11 – portrait vigoureux d’une jeunesse désenchantée

Le Théâtre 11 est de ces salles, comme le Train bleu ou la Manufacture, dont la programmation est à suivre de près dans le Off d’Avignon, car les artistes qui y sont programmées une année peuvent se retrouver dans le IN l’année suivante. À 22h15, en salle 2, Hugo Roux présente une adaptation de Leurs enfants après eux, roman de Nicolas Mathieu paru en 2018, récompensé par le prix Goncourt et plébiscité par de nombreux lycéens qui choisissent de présenter cette œuvre à l’oral du bac de français. L’adaptation, qui implique sept acteurs au plateau et une ample scénographie qui ne cesse de se métamorphoser, est ambitieuse. Après le roman, elle parvient ainsi à immerger dans les intrigues estivales d’une ville de province, pendant la dernière décennie du XXe siècle.
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