« Liebestod. El olor a sangre no se me quita de los ojos » d’Angélica Liddell à l’Odéon – sacrifice de l’artiste
La tournée de Liebestod, après sa présentation au Festival d’Avignon l’année dernière, est un événement attendu depuis de long mois. Les quelques dates prévues à Paris sont prises d’assaut, certains quêtent des places à l’entrée du théâtre, avec la ferveur des croyants, désireux de retrouver la grande prêtresse Angélica Liddell, autrice, metteuse en scène, actrice et performeuse de ses spectacles. L’artiste espagnole, régulièrement accueillie en France depuis une dizaine d’année, occupe une place bien particulière dans le paysage théâtral, place clivante, qui suscite la haine autant que l’adhésion. Après avoir un érigé un mausolée à ses parents dans le diptyque Una costilla sobre la mesa, elle propose un nouveau rituel cette fois inspiré par la tauromachie, par lequel elle exprime le danger que représente son art. Le profond désespoir que Liddell partage avec les toréadors, ainsi qu’avec les funambules, donne à penser la portée du sacrifice de l’artiste.« Kliniken » de Lars Norén, mis en scène par Julie Duclos au Théâtre de l’Odéon – condensé de désespoirs
Un an et quelques mois après la mort de l’auteur suédois Lars Norén, le Théâtre de l’Odéon présente l’une de ses pièces, Kliniken, dans une mise en scène de Julie Duclos. Il y a dix ans, Stéphane Braunschweig, alors directeur de la Colline, avait programmé Salle d’attente de Krystian Lupa, d’après Catégorie 3.1 du même auteur. Ces deux spectacles dialoguent dans la mémoire du spectateur, car tous deux offrent de longues fresques qui dressent le portrait de marginaux, ceux qui vivent dans la rue et se croisent dans les non lieux d’une ville d’une part, et ceux réunis dans un hôpital psychiatrique d’autre part. L’immersion que propose Julie Duclos dans l’institution médicale est douloureuse. Un condensé de détresses, de désespoirs et de dépressions nous attend, qui finit inévitablement par toucher mais qui amène à interroger la pertinence de monter ce texte aujourd’hui, alors que nos morals sont si fragiles.« Une cérémonie » du Raoul Collectif au Théâtre de la Bastille – collection de fulgurances pour temps de crises
En juillet 2016, le public français découvrait dans le cadre du Festival d’Avignon un de ces groupes d’acteurs dont les Belges ont le secret, le Raoul Collectif. Rumeur et petits jours a laissé le souvenir d’une expérience d’autant plus mémorable qu’elle est restée unique. Le covid a en effet retardé le moment de la découverte de leur nouvelle création, Une cérémonie, accueillie comme les spectacles de tg STAN ou De KOE, à la Bastille. Les mois qui se sont écoulés depuis l’été 2020 – date initialement prévue – n’ont pas mis le propos du collectif sur la touche. Bien au contraire, l’actualité des deux dernières années et celle plus brûlante encore des dernières semaines n’a fait que nourrir le désarroi dont ils font état, avec beaucoup d’humilité.« Les Carnets du sous-sol » de Dostoïevski [extrait]
3.
Parce que, chez ceux qui savent se venger, ou qui savent se défendre, en général – comment cela se passe-t-il ? Eux, dès qu’ils sont possédés, disons par l’idée de vengeance, ils n’ont plus rien en eux que leur idée aussi longtemps qu’ils n’atteignent pas leur but.…
« Les Carnets du sous-sol » de Dostoïevski
Avant Crime et Châtiment, avant Le Joueur, L’Idiot, Les Démons ou encore Les Frères Karamazov, qui assureront un à un sa postérité, Dostoïevski a écrit une œuvre singulière, différente des grands romans qui lui succèdent par son format même, mais qui met déjà en place quelques-unes de leurs problématiques majeures.…
Extraits en miettes du « Journal » de Ionesco
…Récits de rêves, opinions, souvenirs, réflexions morales, notes sur la littérature : ce Journal en miettes n’est pas un journal habituel, où seraient consignés, au jour le jour, les événements d’une vie. C’est, en quelque sorte, à une entreprise contraire que se livre ici Eugène Ionesco : raconter, non pas chaque jour ce qui arrive, mais chaque jour ce qui n’arrive pas.