Étiquette : débat

« Baldwin and Buckley at Cambridge » de la compagnie Elevator Repair Service au Gymnase du Lycée Mistral – « Il faut accepter notre histoire »

À côté des spectacles-fleuves de quatre, cinq ou huit heures, le Festival d’Avignon programme une courte forme avec Baldwin and Buckley at Cambridge, de la compagnie new-yorkaise Elevator Repair Service. Le spectacle, parfois joué deux fois par jour, dure une heure, et propose un dispositif scénographique extrêmement simple pour rejouer la confrontation de James Baldwin et William F. Buckley, invités en 1965 à l’Université de Cambridge à débattre autour du sujet suivant : « Le rêve américain n’existe-t-il qu’aux dépens du Noir américain ? ». Rejouer, reperformer, refaire entendre ce débat dont est repris presque chaque mot… toute la question réside précisément dans le verbe choisi.
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« Le Firmament » de Lucy Kirkwood mis en scène par Chloé Dabert au TGP – femmes célestes sous la voûte du patriarcat

Après le CentQuatre et la Comédie de Reims qu’elle dirige, c’est au TGP que Chloé Dabert présente Le Firmament. Ce spectacle est la création française du texte de Lucy Kirkwood, autrice britannique dont une autre pièce, Les Enfants, est actuellement présentée au Théâtre de l’Atelier dans une mise en scène d’Éric Vignier. Lucy Kirkwood a plusieurs fois pratiqué le dialogue avec des œuvres existantes, en réécrivant des contes, en proposant une adaptation d’Hedda Gabler d’Ibsen, ou en reprenant, ici, les grandes lignes du scénario de Douze hommes en colère, pièce de Reginald Rose adaptée au cinéma par Sidney Lumet. Sur chacune de ces œuvres dont elle s’empare, l'autrice appose une perspective féministe. Peu après avoir travaillé avec des femmes victimes du système judiciaire pour une autre pièce, elle imagine dans Le Firmament une fiction qui se déroule dans l’Angleterre de 1756. Elle pratique cependant le télescopage des époques et l’anachronisme volontaire pour penser la place des femmes dans la société, les libertés acquises ou non depuis le XVIIIe siècle, et la survivance effrayante de problématiques liées à leur corps. Une grande intensité dramaturgique et scénique se dégage de la mise en scène de ce texte par Chloé Dabert.
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« Catarina ou la beauté de tuer des fascistes » de Tiago Rodrigues aux Bouffes du Nord – confronter les extrêmes, au péril du théâtre et de la pensée

Plusieurs spectacles de Tiago Rodrigues animent cette rentrée théâtrale : Dans la mesure de l’impossible aux Ateliers Berthier, Chœur des amants et Catarina ou la beauté de tuer des fascistes aux Bouffes du Nord. Les deux plus récents signalent un tournant politique dans la trajectoire du metteur en scène, jusque-là plutôt préoccupé de littérature (Bovary, The Way She Dies), d’offrir au théâtre son propre reflet (Sopro) ou d’explorer les fragilités du couple (The Way She Dies à nouveau et Chœur des amants). Tiago Rodrigues, nouveau directeur du Festival d'Avignon, semble désormais mettre son écriture et sa science du théâtre au service de sujets d’actualité plus ou moins sensibles : l’action humanitaire et le fascisme. Dans Catarina il aspire certainement à atteindre la complexité et la nuance que ses mises en abyme permettent d’ordinaire, et il donne l’impression d’y parvenir au début de Catarina. Mais il a beau multiplier les renversements, les infinies teintes de gris qui séparent le noir du blanc sont délaissées. Son art théâtral, pourtant brillamment mis en œuvre au début du spectacle, se trouve englouti par des discours extrêmes qui congédient la réflexion.
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« Père et fils » de Pedro Penim aux Abbesses – penser la GPA, le féminisme et la question du genre depuis Tourgueniev

Pedro Penim est le successeur de Tiago Rodrigues à la tête du Teatro Nacional D. Maria II de Lisbonne, depuis 2021. Après avoir été invité avec plusieurs spectacles en France, il est accueilli cette année dans le double cadre du Festival d’Automne à Paris et de la saison France-Portugal 2022 avec sa dernière création, Père et fils. Le titre est emprunté à un roman de Tourgueniev, qui à la fin du XIXe siècle dressait le portrait des premiers nihilistes, ceux que Dostoïevski considérera dans Les Démons comme la première génération des révolutionnaires avant celle des socialistes-terroristes, ces deux œuvres étant perçues après coup comme prophétiques des révolutions russes du début du XXe siècle. Le metteur en scène procède à une actualisation de l’œuvre qui l’inspire, plutôt qu’à une adaptation, en nourrissant le motif du conflit générationnel par des débats propres à notre époque. Le spectacle qui résulte de cette opération est intellectuellement dense, tout particulièrement dans sa première partie.
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« Le Casque et l’enclume » au Théâtre des Carmes – rêves pour le théâtre à venir

Alors qu’une majeure partie des spectacles proposés dans le Off d’Avignon s’évertuent à raconter des histoires, comme voulant répondre à un besoin inconscient du publicou plus largement de notre époque, d’autres, comme Le Casque et l’Enclume, entreprennentplutôt de mener une réflexion surle théâtre. Pour mettre l’époque contemporaine en perspective, les deux metteurs en scène Cyril Cotinaut et Sébastien Davis convoquent l’histoire théâtrale se proposent de répondre à la question : quel théâtre rêvait-on pour 2018 en 1968, quand s’esquissaient les contours d’une révolutions culturelle au retentissement mondial ?
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« Pavillon noir » des collectifs OS’O et Traverse au 104 – la scène à l’abordage du web

Au 104, centre culturel et artistique du 19earrondissement, se déroule depuis mi-janvier le Festival « Les Singuliers », qui a pour vocation de réunir « des artistes singuliers, des formes plurielles », dont les spectacles sont en effet caractérisés par l’hybridation des formes. C’est dans ce contexte qu’est accueilli Pavillon noir, œuvre créée l’année dernière par deux collectifs de jeunes artistes, les acteurs d’OS’O (« On s’organise »), issus de l’Ecole supérieure de théâtre de Bordeaux, et les jeunes auteurs de Traverse. Les premiers ont commandé aux seconds un texte parlant du deep webou du freedom web, ambivalence terminologique qui d’emblée place au cœur du débat suscité par ces revers de l’internet, qui se constituent en arme à double tranchant capable de contrôler l’individu autant que d’émanciper la société.
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« Ça ira (1) Fin de Louis » de Pommerat aux Amandiers : ça ira, oui, il faut bien que ça aille, alors ça ira

Après Au monde l’an dernier, Joël Pommerat propose une nouvelle création au Théâtre Nanterre-Amandiers, Ça ira (1) Fin de Louis. Le chiffre entre parenthèses du titre suggère qu’il s’agit là du premier volet d’une suite, d’une première partie, consacrée à la Révolution Française, de son avant, depuis 1787, à son après, jusqu’en 1791.…

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