Étiquette : danse

« Fuck Me » de Marina Otero au Théâtre du Rond-Point – la performance jusqu’à son extrême limite

Le Théâtre du Rond-Point inaugure sa saison avec la reprise d’une trilogie de Marine Otero, composée de Fuck Me, Love Me et Kill Me. Dans ces trois spectacles, la chorégraphe, danseuse et performeuse argentine s’inspire de sa vie et choisit son corps, son histoire familiale, ses relations amoureuses ou ses troubles mentaux comme objet de ses œuvres – dimension autobiographique, ou autofictionnelle dit-elle en nuançant, qui met l’accent sur leur caractère performatif. Dans le premier volet de la trilogie intitulée « Recordar para vivir », « se rappeler pour vivre », Marina Otero s’entoure de cinq danseurs pour se raconter. Bien loin d’avoir été érodé par le temps depuis sa création en 2020, Fuck Me a gagné en puissance, le geste de l’artiste se montrant plus conscient que jamais des effets qu’il produit et qu’il manipule.
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« May B » de Maguy Marin au T2G – infini, et impérissable

Créé en 1981, May B, de Maguy Marin, est repris pour quelques dates au T2G ce printemps. Ce n’est pas la première fois que ce spectacle qui a été commenté d’innombrables fois et situé comme un repère décisif pour quantité d’artistes reprend vie sur scène : depuis 2006, il est recréé presque tous les deux ans pour une poignée de dates. Ces recréations laissent croire que l’œuvre a passé la difficile épreuve du temps – celle qui peut frapper plus ou moins durement d’obsolescence des spectacles qui ont profondément marqué l’histoire du théâtre, qu’il s’agisse de la Mère Courage de Brecht ou d’Einstein on the Beach de Bob Wilson, dont la singularité ou la nouveauté paraît parfois émoussée depuis le moment de leur création. C’est peut-être ici le caractère hybride de l’œuvre, qui relève de la catégorie de la danse-théâtre rendue célèbre par Pina Bausch, qui lui permet de conserver toute sa puissance originelle et de convoquer notre sensibilité avec autant de force qu’il y a plus de quarante ans.
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« Les Forteresses » de Gurshad Shaheman au Théâtre de la Bastille – trois sœurs iraniennes

Reporté par le covid, finalement créé en 2021, le spectacle Les Forteresses arrive au Théâtre de la Bastille après une grande tournée en France. Après avoir fait œuvre de sa vie, après avoir fait entendre la voix de réfugiés LGBT, l’artiste franco-iranien Gurshad Shaheman rassemble les femmes de sa famille pour faire entendre leur histoire. La découverte des Forteresses est précédé d’une bonne réputation qui n’est pas volée : le spectacle se révèle de ses œuvres qui constituent un précédent dans l’appréhension que l’on a d’un pan d’histoire – en l’occurrence l’histoire de l’Iran, depuis les années 1960.
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« EXTRA LIFE » de Gisèle Vienne à la MC93 – opération de re-sensibilisation par la scène

Deux ans après L’Étang, d’après Robert Walser, Gisèle Vienne revient dans le cadre du Festival d’Automne avec une nouvelle création présentée à la MC93 dans le cadre du Festival d'Automne : EXTRA LIFE. Plusieurs éléments établissent une grande continuité entre ces deux spectacles : la présence d’Adèle Haenel sur scène, la question des violences sexuelles exercées contre des mineurs, l’esthétique extrêmement singulière que propose l’artiste, ainsi que la place, encore problématique – quoique nouvelle – du texte, dans cette esthétique.
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« Les Vagues » d’Élise Vigneron au Théâtre de Châtillon – entre glace et eau, le spectacle de l’écoulement du temps

Après Marie-Christine Soma il y a une douzaine d’années, ou, plus récemment, Pauline Bayle, de biais avec Écrire sa vie, c’est au tour d’Élise Vigneron de proposer une adaptation des Vagues, livre « le plus complexe et le plus difficile » de Virginia Woolf de l’aveu de l’autrice anglaise elle-même. L’approche s’annonce d’emblée singulière cette fois, car l’artiste a été formée aux arts plastiques, au cirque puis aux arts de la marionnette, dans lesquels elle se distingue ces dernières années. Elle promet avec ce spectacle une courte adaptation du roman, d’une heure seulement, pour cinq interprètes et cinq marionnettes de glace. Le travail extrêmement plastique qu’elle propose, mais aussi fondé, dramaturgiquement parlant, invite à une réflexion grave sur le temps qui passe – thème central des Vagues.
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« Écrire sa vie » de Pauline Bayle au Cloître des Carmes – les vaguelettes

La trajectoire fulgurante de Pauline Bayle, directrice du Théâtre Public de Montreuil depuis janvier 2022, se poursuit : elle est cette année programmée au Festival d’Avignon, au Cloître des Carmes. Après s’être fait connaître avec son adaptation de l’Iliade – notamment grâce au Off d’Avignon –, puis celle de l’Odyssée, après une incursion du côté de la littérature contemporaine avec Chanson douce de Leïla Slimani puis après être revenue à un grand classique, Illusions perdues de Balzac, la metteuse en scène associe une nouvelle fois son nom à celui d’une grande figure de la littérature : Virginia Woolf. Le projet est aussi séduisant que flou : Pauline Bayle ne choisit pas une œuvre de l’autrice en particulier, mais puise indifféremment dans ses romans, ses essais, son journal et sa correspondance. Par rapport à ses précédents spectacles, elle n’exhibe cependant pas son geste d’adaptation et fait croire que Virginia Woolf a écrit du théâtre – et du mauvais théâtre.
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« Et si tu danses » de Marion Lévy au TGP – « Et toi, combien tu en as ? »

Et si tu danses est un spectacle jeune public créé par la chorégraphe Marion Lévy à partir d’un texte de Mariette Navarro. Situé à la lisière du théâtre et de la danse, il puise son inspiration dans le conte du Petit Poucet. Un Petit Poucet devenu adulte qui raconte les épreuves par lesquelles il est passé, en ouvrant progressivement la scène à ses petits spectateurs et petites spectatrices.
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« Vider Vénus » de Gaëlle Bourges au Carreau du Temple – beau comme la rencontre fortuite sur une scène du strip-tease et de l’histoire de l’art

Au Carreau du Temple, sont repris les trois premiers spectacles de Gaëlle Bourges, sous la forme d’un triptyque intitulé Vider Vénus. Ces trois spectacles, Je baise les yeux, La Belle Indifférence et Le Verrou, ont été conçus entre 2008 et 2012 comme le rappelle une voix off, une fois les lumières de la salle éteintes, dont l’un des fils rouges qui les unit est la pratique du strip-tease. La voix off poursuit en précisant que le sujet était alors moins visibilisé qu’aujourd’hui, mais aucune modification n’a été apportée aux spectacles entre temps, et, pour déjouer leur caractère potentiellement périmé, elle invite à les aborder comme des archives, des documents du passé. Une immense pertinence se dégage pourtant du propos de ces trois œuvres, qui en outre se révèlent fondatrices dans le rapport à l’histoire de l’art que Gaëlle Bourges a tissé de manière extrêmement singulière tout au long de sa trajectoire. Un rapport d’appropriation des grandes œuvres par l’écriture, le corps et la scène, tout à la fois facétieux, érudit, irrévérent et profondément vivant.
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« Chavirer » de Lola Lafon – écriture scalpel pour décortiquer les mécanismes de l’emprise et du silence

Paru en août 2020 aux Éditions Actes Sud, le dernier roman de Lola Lafon, Chavirer, a depuis été plusieurs fois nominé pour des prix littéraires et récompensé par celui de France Culture-Télérama, décerné par des étudiants. Des étudiants qui ont très certainement perçu la nécessité de faire connaître cette œuvre à leur génération, ainsi qu’à celles à venir. Par fragments et éclats, ce roman tourne autour d’adolescences brisées par des silences enfouis et des hontes persistantes. Quoiqu’indissociable du mouvement #MeToo, Chavirer est une œuvre de fiction avant d’être une œuvre militante, une œuvre composée de personnages attachants, dont la lecture est animée par un désir d’en tourner les pages au plus vite, et caractérisée par une écriture qui décrit avec beaucoup de délicatesse des mécanismes d’emprise sournois et des émotions puissantes jamais explicitement exprimées.
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« La Tendresse » de Julie Bérès au TGP – bande de gars en cours de déconstruction

Après Désobéir, « Pièce d’actualité » née en novembre 2017 à Aubervilliers et depuis en tournée, Julie Bérès a souhaité offrir le pendant masculin de ce spectacle et constituer ainsi un diptyque sur le genre et ses injonctions. Le souvenir très fort laissé par Désobéir, coup de cœur d’Avignon 2019, spectacle depuis resté en tête et souvent évoqué comme référence à une forme de théâtre immédiat, très juste à l’endroit qu’elle occupe, rendait inévitable la découverte de La Tendresse. Le risque de la déception était pourtant à la hauteur de l’attente, d’autant que la déclinaison d’une formule qui a fait ses preuves ne constitue jamais une garantie, que ce soit au théâtre, en littérature, au cinéma ou dans l'industrie des séries. En outre, il ne semble pas aussi nécessaire de laisser place au masculin sur scène comme au féminin. Très rapidement, ces craintes ont cependant été balayées par une authentique joie, nourrie tout au long du spectacle, qui amène à conclure que c’est précisément de ce théâtre-là dont nous avons besoin par les temps qui courent.
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