« King Lear fragments » d’après William Shakespeare par le Collectif Mains d’Œuvre

Le Collectif Mains d’Œuvre propose au Théâtre des Halles une délicieuse appropriation de la pièce de William Shakespeare. Dans l’intimité de la Chapelle Sainte-Claire, ils sont deux comédiens, drôles, touchants et vraiment doués, qui nous racontent cette histoire, cherchent à nous la faire comprendre, mais aussi la jouent, en dosant parfaitement le tragique et le comique.

King LearLe contact est d’emblée établi avec le public, locuteur privilégié de ce théâtre. Un metteur en scène à l’accent snob, que l’on verra resurgir à plusieurs reprises pour faire le point, commence en effet par nous expliquer de quoi il va s’agir en quelques mots. A ses côtés, un jeune premier, quoique fougueux, se montre intimidé par le public et la scène. Très rapidement, leurs commentaires révèlent l’envers du décor, ce qui est supposé rester dans les coulisses : la tonalité est pleinement shakespearienne.

Un roi, ses trois filles, son Fou, son proche le Comte de Gloucester et les deux fils de ce dernier, tels sont les personnages retenus dans cette réécriture, qui réduit la pièce à l’essentiel mais avec beaucoup de fidélité à l’esprit du texte. Tous, ils sont pris en charge par nos deux compères, grâce à des didascalies orales et des accessoires qui suffisent à les désigner.

Un roi réclame à ses trois filles un éloge de sa personne, et bannit sa préférée qui refuse d’acheter sa part de royaume à force de belles paroles. Ce roi est par la suite rejeté par ses deux filles aînées, qui pourtant avaient dit leur amour pour lui dans les termes les plus flatteurs. Dans son errance, uniquement accompagné de son Fou, il croise le chemin d’Edgar, fils légitime de Gloucester évincé pas son frère bâtard.

King-lear-FragmentsLes bons et les justes subissent donc un sort terrible, mais les méchants ne s’en tirent pas vraiment mieux. La dimension comique de la pièce est incarnée par le Fou du roi, mais surtout par les commentaires et les attitudes décalés des deux comédiens. Entre deux personnages, ils laissent voir les êtres sensibles qu’ils sont en réalité, très attachants.

La scénographie de ce spectacle, très belle, soigneusement patinée, ne prétend pas une seconde faire illusion, bien au contraire. Cette dimension est une nouvelle occasion de jouer et d’amuser, et le public rit de bon cœur. La part sonore est également assurée par eux deux, grâce à un piano dont joue surtout le gentil larbin. Au cours d’un festin dans la forêt, le public est même invité à la table du roi, épicurien désormais assumé, dans un esprit qui encore une fois correspond tout à fait à celui de Shakespeare.

On rit, on s’émeut, on se moque et on s’enthousiasme finalement pour ce spectacle, léché, où rien n’est laissé au hasard malgré le désordre apparent. King Lear fragments est d’une grande qualité au sein de ce Off dans lequel on trouve de tout, et il fait déjà partie de nos coups de cœur de ce cru 2013 !

F. pour Le Bruit du Off

Pour en savoir plus sur « King Lear fragments », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.

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