Étiquette : Sylvain Creuzevault

Le virus Dostoïevski sur la scène théâtrale française contemporaine

La métaphore de la contagion invite à envisager la récurrence avec laquelle les œuvres de Dostoïevski sont adaptées depuis la fin des années 1990 comme la deuxième vague de contagion d’un virus apparu à la fin du XIXe siècle, dont les effets ont été perceptibles jusqu’à la fin des années 1950. Cette deuxième vague est particulièrement marquée par Frank Castorf, metteur en scène allemand qui est constamment revenu aux œuvres de Dostoïevski de 1999 à 2015, que l’on peut considérer à l’origine d’un variant dont sont entre autres porteurs Vincent Macaigne et Sylvain Creuzevault. Cet article s’efforce d’identifier les différents symptômes de ce variant, du point de vue de la dramaturgie, de l’esthétique scénique et du jeu d’acteur.
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« L’Esthétique de la résistance » de Sylvain Creuzevault, d’après Peter Weiss, à la MC93 – résistance par l’esthétique

Après une création remarquée au TNS, en mai dernier puis quelques dates à Montpellier, L’Esthétique de la résistance de Sylvain Creuzevault est programmé à la MC93, quelques semaines après Edelweiss [France Fascisme], conçu dans après coup comme un pendant du premier. Ce spectacle, imaginé pendant le confinement et né de la rencontre du metteur en scène avec le Groupe 47 de l’École du TNS, porte tout à la fois la marque de ce mûrissement et de cette vaste collaboration, qui a impliqué des élèves issus des sections jeu, mise en scène-dramaturgie, scénographie-costumes et régie-création. Les 5h30 de spectacles, divisées en trois parties correspondant aux trois livres qui composent l’ample roman de Peter Weiss, constituent un tour de force qui démontre encore la puissance que confère un ferment romanesque à une création théâtrale, par comparaison avec Edelweiss [France Fascisme].
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« Edelweiss [France Fascisme] » de Sylvain Creuzevault aux Ateliers Berthier – documentaire théâtral

La saison au Théâtre de l’Odéon s’ouvre avec un spectacle de Sylvain Creuzevault, artiste associé du lieu. Après un cycle Dostoïevski, le metteur en scène a pris ses distances avec l’auteur russe à l’occasion d’un travail avec le groupe 47 de l’École du TNS, qui a donné lieu à un spectacle, L’Esthétique de la résistance, d’après un roman de Peter Weiss. Creuzevault a imaginé offrir un pendant à l’histoire d’un jeune ouvrier allemand dans les milieux clandestins antifascistes, entre 1937 et 1945 : une genèse du fascisme à la française, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le résultat offre une grande leçon d’histoire, au plateau, qui relève moins du théâtre documentaire que du documentaire de type théâtral. Un genre inédit, un peu bâtard, qui a ses lourdeurs et ses fulgurances.
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« Les Frères Karamazov » de Sylvain Creuzevault au Théâtre de l’Odéon – l’allégresse de Dostoïevski sur scène

Tandis que Guy Cassiers présente en ce moment son adaptation des Démons avec la troupe de la Comédie-Française, Sylvain Creuzevault adapte Les Frères Karamazov, un an après la date de sa programmation initiale. L’automne théâtral 2021 aura donc été dostoïevskien, alors que s’achève l’année du bicentenaire de la naissance de l’auteur. Le metteur en scène flamand et le français, tous deux grands adaptateurs de romans à la scène, ont cependant opté pour des principes très différents pour se mesurer à ces œuvres. La première chose qui distingue leurs démarches est même avant cela que c’est sur invitation que Cassiers en est enfin venu à s’intéresser à Dostoïevski, alors que Creuzevault poursuit avec ce spectacle un compagnonnage initié en 2018 avec Les Démons, et poursuivi en 2019 par L’Adolescent et en 2020 par Le Grand Inquisiteur. Comme l’Allemand Frank Castorf, le metteur en scène français revient de manière obsessionnelle à Dostoïevski, mais il se déplace avec lui, d’une œuvre à l’autre – à moins que ce soient les confinements et couvre-feux successifs qui aient fait mûrir son spectacle, qui lui aient donné un air beaucoup plus sage que son Grand Inquisiteur, aussi foutraque que pointu philosophiquement (et dans cette mesure peut-être un peu plus dostoïevskien). Toujours est-il que Creuzevault atteint ici un point d’équilibre extraordinaire entre une lisibilité alliée à une immédiateté théâtrale séduisantes, et une densité, une profondeur, une exigence intellectuelle, une finesse de lecture proprement jubilatoires.
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« Le Grand Inquisiteur » de Sylvain Creuzevault d’après Dostoïevski à l’Odéon – Creuzevault, Christ ou Grand Inquisiteur ?

Après l’Allemand Frank Castorf, qui a adapté presque toutes les œuvres de Dostoïevski depuis 1999, c’est au tour de Sylvain Creuzevault de revenir avec obsession à cet auteur. En 2018, il se lançait avec Les Démons. En 2019, il adaptait pour quelques représentations seulement avec les étudiants du Théâtre National de Bordeaux L’Adolescent. Cette saison, il présente deux spectacles à l’Odéon : Le Grand Inquisiteur et Les Frères Karamazov. Tous deux sont étroitement liés : la "Légende du Grand Inquisiteur" est un des chapitres les plus célèbres des Frères Karamazov, une œuvre dans l’œuvre, un « poème » comme le présente Ivan Karamazov, qui court sur une vingtaine de pages. Ce morceau a déjà été isolés par d’autres metteurs en scène avant Creuzevault – par Peter Brook et Patrice Chéreau notamment –, mais le but n’est pas ici d’en donner une simple lecture théâtralisée. Le spectacle de plus d’une heure et demie prend la forme d’un dialogue avec ce texte, d’une mise en perspective historique et politique qui entend souligner la pertinence de la pensée de Dostoïevski.
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« Les Démons » de Sylvain Creuzevault aux Ateliers Berthier – embarquement au cœur de la tempête dostoïevskienne

Après Jean Bellorini et Frank Castorf ces derniers mois, c’est au tour de Sylvain Creuzevault de se prêter à l’adaptation d’un roman de Dostoïevski. La pratique est fréquente depuis 1910 en France, initiée par Jacques Copeau, bientôt imité par Gaston Baty, André Barsacq, Albert Camus, Chantal Morel, Roger Planchon ou Vincent Macaigne – pour ne pas citer les autres grands metteurs en scène européens qui s’y sont essayés. En adaptant Les Démons, Sylvain Creuzevault s’inscrit donc dans cette grande tradition théâtrale et se soumet à ce qui est presque devenu un passage obligé dans le parcours d’un artiste.
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« Le Père Tralalère » de Sylvain Creuzevault à la Colline

C’est obscène : à la fois au-delà de la scène et cru. Ça commence avec un repas de mariage, où un tas de banalités sont dites et échangées, et ça finit dans un bain de sang. Entre temps, se sont déroulés plusieurs repas, et les échanges ont progressivement été minés de l’intérieur. Dans cette évolution, les personnages changent, vieillissent et le voile de l’hypocrisie se lève.
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