Étiquette : rêve

« Der Zauberberg » de Krystian Lupa au Salzburger Landestheater – Lupa sur la montagne magique, vertige au sommet

Après Les Émigrants créé en janvier dernier à l’Odéon, et Balkony - Pieśni Miłosne créé quelques semaines plus tard et programmé au Printemps des comédiens en juin dernier, Lupa, inlassable créateur, est invité au Festival de Salzbourg avec un nouveau spectacle en cette fin d’été. Il revient à cette occasion à l’une de ses passions les plus constantes depuis les années 1980 : l’adaptation d’un roman-fleuve d’apparence inadaptable, qui a déjà suscité le désir d’autres artistes sans parvenir à une réalisation concrète. Son dévolu se jette cette fois sur La Montagne magique de Thomas Mann, roman de quelques mille pages au départ conçu comme un contrepoint à Mort à Venise. L’œuvre relate la vie d’une frange de la haute société européenne retirée dans un sanatorium à la veille de la Première Guerre mondiale, société dont les membres se révèlent moins soucieux de tisser des relations entre eux que de scruter les moindres oscillations de leur température et des battements de leur cœur, alors que le monde dont ils se sont extraits est sur le point de sombrer. Le terrain offert par le roman paraît à de multiples égards propice au déploiement de l’art de Lupa, qui immerge intensément dans l’œuvre, démontre une nouvelle fois la virtuosité scénique fascinante qu’il a développée de spectacle en spectacle et mène les acteurs et actrices lituaniens du Jaunimo Teatras à des hauteurs vertigineuses.
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« Les Toits bossus » du Groupe T à la Commune d’Aubervilliers – résistances et fulgurances

La Commune d’Aubervilliers a programmé cette saison deux spectacles du Groupe T, et ainsi organisé la rencontre avec un théâtre incomparable, au sens littéral. Un théâtre qui ne ressemble à rien de connu, porteur d’un imaginaire aussi puissant qu’énigmatique. Le titre du premier des deux spectacles, Les Toits bossus, évoque un conte de Grimm ou d’Andersen, on entendrait presque « les trois bossus ». Cette ambiguïté homophonique est programmatique. Elle annonce un spectacle sur l’enfance, où le langage trébuche pour mieux retentir. Un spectacle plein de promesses et de menaces, et sujet à de multiples interprétations.
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Distributions de rêve – « Les Frères Karamazov »

Au terme de six années à travailler sur les adaptations des romans de Dostoïevski au théâtre, se prendre à rêver la distribution idéale des Frères Karamazov à partir de toutes celles qu’ont inspiré cette œuvre depuis le début du XXe siècle, de Jacques Copeau à Jean Bellorini, de Krystian Lupa à Sylvain Creuzevault – avec l’espoir que de nouvelles adaptations viennent combler les manques.
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Distributions de rêve – « L’Idiot »

Au terme de six années à travailler sur les adaptations des romans de Dostoïevski au théâtre, se prendre à rêver la distribution idéale de L'Idiot à partir de celles qu’ont inspiré cette œuvre depuis le début du XXe siècle, celle de Vincent Macaigne au premier chef, mais pas uniquement – avec l’espoir que de nouvelles adaptations viennent combler les manques.
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Distributions de rêve – « Les Démons »

Au terme de six années à travailler sur les adaptations des romans de Dostoïevski au théâtre, se prendre à rêver la distribution idéale des Démons à partir de toutes celles qu'ont inspiré cette œuvre depuis le début du XXe siècle, d'Albert Camus à Sylvain Creuzevault, de Frank Castorf à Guy Cassiers - avec l'espoir que de nouvelles adaptations viennent combler les manques.
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« Le Théâtre et son double » de Gwenaël Morin aux Amandiers – Artaud est mort, vive Artaud !

Avec Le Théâtre et son double, présenté aux Amandiers de Nanterre, Gwenaël Morin paraît poursuivre son travail de recherche sur l’histoire du théâtre. Depuis plusieurs années, il s’attache en effet à recréer des œuvres marquantes de la deuxième moitié du XXe siècle, tels que les Molière de Vitez, ou la performance du Living Theatre Paradise. Cette fois, il se tourne vers Antonin Artaud, penseur révolutionnaire du théâtre des années 1930, qui a eu et a encore une influence considérable sur l’art théâtral. Les créations précédentes de Gwenaël Morin construisent l’attente d’une expérience aussi sensible qu’intellectuelle, qui noue enquête sur le passé et recherches pour la scène actuelle. La nuance est néanmoins que le metteur en scène ne cherche cette fois pas à rendre vie à un spectacle déjà créé. C’est à un texte qu’il se confronte, texte qui clame à chaque page avec ardeur la nécessité d’une refonte totale du théâtre, mais dont les propositions ne permettent pas d’en laisser entrevoir la réalisation. De la théorie à la pratique, le spectacle de Morin creuse un fossé latent. La puissance du texte d’Artaud est affaiblie et l’expérience proposée ramène finalement à la convention théâtrale qu’Artaud exécrait.
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« Le Casque et l’enclume » au Théâtre des Carmes – rêves pour le théâtre à venir

Alors qu’une majeure partie des spectacles proposés dans le Off d’Avignon s’évertuent à raconter des histoires, comme voulant répondre à un besoin inconscient du publicou plus largement de notre époque, d’autres, comme Le Casque et l’Enclume, entreprennentplutôt de mener une réflexion surle théâtre. Pour mettre l’époque contemporaine en perspective, les deux metteurs en scène Cyril Cotinaut et Sébastien Davis convoquent l’histoire théâtrale se proposent de répondre à la question : quel théâtre rêvait-on pour 2018 en 1968, quand s’esquissaient les contours d’une révolutions culturelle au retentissement mondial ?
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« Notre intellect a accompli de prodigieux exploits, tandis que notre demeure spirituelle tombe en ruine » – Lecture de Jung en étudiant Krystian Lupa

Recueil de phrases et de réflexions au gré de la lecture de Psychologie de l'inconscient et de L'Âme et la vie de Jung, pour l'étude des Frères Karamazov Krystian Lupa, grand lecteur de ces oeuvres. "Si belle et si parfaite que l'homme puisse trouver sa raison, il peut être tout aussi sûr qu'elle ne constitue en tout cas qu'une des fonctions intellectuelles possibles et qu'elle ne cadre qu'avec l'aspect des phénomènes qui lui correspond. Or, cet irrationnel est également une fonction psychologique, à savoir l'inconscient collectif, alors que la raison est essentiellement liée à la conscience. Le conscient a besoin de raison, pour découvrir d'abord un ordre dans le chaos des cas individuels désordonnés qui peuplent l'univers et pour ensuite créer cet ordre, créer une coordination au moins dans les domaines humains. Nous avons une tendance louable et utile à exterminer, dans toute la mesure possible, en nous et hors de nous, le chaos de l'irrationnel. En apparence, on a poussé fort loin cette façon de procéder."
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« Monsieur » par la compagnie DelCarmen – All by myself – de la solitude et de la banalité

La Casa de las Américas, la Maison de la recherche de La Havane, a été remise sur pieds avec une efficacité impressionnante après le passage de l’ouragan Irma, dans la perspective de Casa Tomada – Encuentro de pensamiento y creación joven en las Américas, journées d’ateliers, séminaires et rencontres mises en place par de jeunes chercheurs et jeunes artistes de toute l’Amérique latine.…

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« The Great Tamer » de Dimitris Papaioannou à la FabricA – sur la crête du sensible

Parmi les nombreuses manifestations rassemblées pour le Festival d’Avignon, il y en a qui lui sont propres, quoi qu’elles ne le définissent pas. Ce sont ces formes hybrides rassemblées dans la catégorie « Indiscipline », catégorie vaste et un peu malicieuse qui s’extrait des distinctions génériques et mêle le théâtre, la danse et la performance. L’œuvre de l’artiste grec Dimitris Papaioannou, The Great Tamer, créée en mai à Athènes et présentée à la FabricA, fait partie de ces spectacles, comme Espæce l’an passé, ou À mon seul désir de Gaëlle Bourges, qui illustrent la pertinence de cette catégorie transversale, qui déplace les lignes de la perception. À défaut d’un nom d’auteur, d’un titre de texte, la seule indication qui précède la découverte de l’œuvre est la suivante : « certaines scènes du spectacle comportent de la nudité ». Ce qui pourrait passer pour une revendication de modernité se révèle rapidement une nécessité : comment proposer une genèse de l’homme sans en passer par sa nudité première ? La genèse du « grand dompteur » d’images Papaioannou n’est pas biblique, ni historique, mais rêvée, onirique ; une genèse qui se passe du langage et laisse ainsi une part indécidable de subjectivité dans sa lecture – quoiqu’elle paraisse limpide.
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