Étiquette : monde

« Les Armoires vides » d’Annie Ernaux – dernier jour d’une condamnée

Le premier roman d’Annie Ernaux, Les Armoires vides, contient en puissance plusieurs de ses œuvres à venir. Dans ce texte d’inspiration autobiographique, l’autrice relate son enfance et son parcours de transfuge, du café-épicerie de ses parents à l’université, au travers du personnage de Denise Lesur. Quoiqu’elle révèle en creux la genèse d’une autrice, l’œuvre ne livre pas le récit victorieux d’une ascension sociale permise par l’école. La trajectoire de la jeune femme est retracée dans un moment de crise, qui la condamne selon elle à la fatalité de son milieu d’origine.
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« Nous campons sur les rives » mis en scène par Hubert Colas – penser notre présence au monde avec Mathieu Riboulet

Nous campons sur les rives est né de la rencontre d’un metteur en scène, d’un acteur et d’un auteur, Mathieu Riboulet. Ce dernier est mort l’an dernier, et les titres de ses œuvres semblent autant de promesses. Au hasard, on peut citer Quelqu’un s’approche, Le Regard de la source, Les Âmes inachevées, Deux larmes dans un peu d’eau, Prendre dates, Lisières du corps, Entre les deux il n’y a rien… Cet auteur-penseur a été invité à écrire un texte pour le Banquet du livre, événement littéraire et philosophique organisé chaque année dans le sud de la France, à Lagrasse. Patrick Boucheron, historien, lui a commandé un texte finalement intitulé Nous campons sur les rives. Hubert Colas reprend ce titre pour son spectacle, présenté dans le Planétarium des Amandiers, alors qu’il convoque également sur scène un chapitre de Lisières du corps, « Dimanche Cologne ». Pour ces deux textes, il réunit deux acteurs, aux registres de jeu très différents, qui exposent deux façons de penser notre présence au monde dans le contexte d’urgence, de dilution des frontières et d’inquiétude qui caractérise notre époque.
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« Oreste à Mossoul » de Milo Rau aux Amandiers – beau comme la rencontre fortuite sur une scène de théâtre d’un texte et d’une ville

La rentrée théâtrale est une fois de plus animée par le Festival d’Automne, qui, pour la troisième année consécutive, invite le metteur en scène suisse Milo Rau à présenter sa dernière création. Oreste à Mossoul illustre à nouveau la singularité de son théâtre, constamment préoccupé par le réel, attentif au monde dans lequel nous vivons, et en même temps soucieux de démontrer sa nécessité en tant que geste artistique. Le titre de ce spectacle, qui unit une figure de la tragédie antique au nom d’une ville d’Irak, devenue le théâtre de la guerre menée par l’Etat islamique ces dernières années, puis son symbole, exprime la recherche de cet équilibre fragile qui donne toute sa pertinence à la démarche de Rau.
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« Je suis un pays » de Vincent Macaigne aux Amandiers – écriture sans dialogue

Le hall du Théâtre des Amandiers est une fois de plus plongé dans la brume en ce mois de décembre, alors que le froid sévit à l’extérieur, et que Vincent Macaigne a envahi les lieux et mis en marche ses machines à fumée à l’intérieur. La musique qui accueille le public dans le théâtre n’est pas encore tout à fait assourdissante, comme les habitués pourraient s’y attendre, mais les airs de piano joués sur un mode dérisoire donnent le ton, ainsi que les parois taggées à gros traits. En réalité ce n’est pas une œuvre que Macaigne présente à Nanterre, mais deux : Je suis un pays d’une part, et Voilà ce que jamais je ne te dirai de l’autre, la seconde étant imbriquée dans la première. Pour Je suis un pays, que Macaigne présente comme une « Comédie burlesque et tragique de notre jeunesse passée », le comédien, réalisateur et metteur en scène qui a dominé l’actualité culturelle de la rentrée n’invoque pas une grande œuvre du patrimoine comme il l’a déjà fait, mais reprend un texte de jeunesse, Friche 22.66, qui avait donné son nom à sa compagnie. Cette œuvre proprement macaignienne révèle la continuité de ses préoccupations et de son discours depuis sa sortie du Conservatoire, mais ce dialogue avec lui-même se révèle moins puissants que les précédents dialogues qu’il avait pu mettre en place avec Shakespeare ou Dostoïevski.
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Manger et boire pour s’approprier le monde selon Rabelais

Le manger et le boire sont une des manifestations les plus importante de la vie du corps grotesque. Les traits particuliers de ce corps sont qu’il est ouvert, inachevé, en interaction avec le monde. C’est dans le manger que ces particularités se manifestent de la manière la plus tangible et la plus concrète : le corps échappe à ses frontières, il avale, engloutit, déchire le monde, le fait entrer en lui, s’enrichit et croît à son détriment.…

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