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« Le Silence » de Lorraine de Sagazan à la Comédie-Française – indicible infrangible du deuil

Après Christiane Jatahy, Chloé Dabert, Ivo van Hove, Christophe Honoré, Julie Deliquet, Guy Cassiers, Thomas Ostermeier, Silvia Costa et d’autres encore ces dernières années, c’est au tour de Lorraine de Sagazan d’être invitée à diriger la troupe de la Comédie-Française. Comme plusieurs parmi celles et ceux cités, l’artiste fait un pas de côté par rapport au répertoire théâtral et trouve avec Guillaume Poix son inspiration du côté du cinéma. Non pour adapter un scénario de film, comme Christiane Jatahy, Ivo van Hove ou Julie Deliquet : c’est dans toute une œuvre cinématographique que le duo puise, celle de Michelangelo Antonioni. Ce matériau donne lieu à un spectacle radical, qui confronte de manière extrême à la souffrance indicible causée par le deuil.
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« Le Massacre du printemps » d’Elsa Granat au Théâtre 13 – thérapie haute tension

Le Théâtre 13 a repris pour une dizaine de dates l’un des premiers spectacles d’Elsa Granat, Le Massacre du printemps, créé au Théâtre-Studio d’Alfortville en 2017 et programmé au Théâtre du Train bleu à Avignon en 2019. Ce spectacle est donc découvert après King Lear Syndrome, que l’on pourrait grossièrement désigner comme une transposition de la pièce de Shakespeare en EHPAD – ce qui ne lui rendrait pas pleinement justice. La pelouse synthétique que l’on retrouve dans les deux spectacles produit un effet de signature évident, tout comme le choix de faire intervenir des acteurs et actrices amateurs aux côtés de professionnels, et de représenter un prisme d’âges étendu (de 27 à 90 ans). Ce que révèle en revanche ce spectacle d’inspiration autobiographique, c’est une écriture intime, dont la portée thérapeutique achève d'être atteinte avec la mise en scène.
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« À la ligne » d’après Joseph Ponthus au Théâtre du Train bleu – poétique du travail en usine

Le Théâtre du Train bleu programme cette année un spectacle produit par le Théâtre de Lorient, dirigé par Rodolphe Dana, à la tête du collectif Les Possédés depuis devenu le Collectif Artistique du Théâtre de Lorient. Après avoir monté des textes de Lagarce ou de Tchekhov, le collectif a pris un plaisir particulier à adapter des romans : Bullet Park de John Cheever, À la recherche du temps perdu de Proust à deux reprises ou Madame Bovary de Flaubert. Le spectacle de Katja Hunsinger et Julien Chavrial, À la ligne, s’inscrit dans ce sillage. Il est une adaptation d’un roman de Joseph Ponthus publié en 2019 et plusieurs fois primé. Avec ce récit d’usine, les acteurs redisent leur foi profonde en la littérature, en sa capacité à dire le monde et à le faire voir quand elle est amenée au théâtre.
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« L’Odyssée. Une histoire pour Hollywood » de Krzysztof Warlikowski à la Colline – Warlikowski, Dibbouk de notre temps

Bien que régulièrement invité avec ses opéras, cela fait plusieurs années que Warlikowski n’a pas présenté de mise en scène théâtrale en France. La plus récente remonte à 2018, il s’agissait d’On s’en va d’Hanokh Levin. Auparavant, il était venu avec Les Français d’après Proust en 2015, Phèdre(s) d’après Coetzee, Euripide, Sarah Kane et Sénèque en 2016, ou encore Contes africains d’après Shakespeare en 2012. Pour quelques dates, le public français le retrouve avec L’Odyssée. Une histoire pour Hollywood. Le titre paraît contenir la promesse d’un montage de textes et d’époque comme ceux dont est adepte le metteur en scène polonais, promesse redoublée par la durée du spectacle, annoncée de 3 heures 45. Si une partie des sièges restent vides après l’entracte, c’est peut-être autant en raison de cette longueur exigeante – quoique le temps passe vite – que parce que le spectacle aurait peut-être dû s’appeler : « La Shoah. Une histoire pour Hollywood ». La figure d’Ulysse qui parraine le spectacle n’est en effet qu’un des moyens parmi d’autres de relater un impossible retour et de faire œuvre de mémoire.
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Jean Genet au sujet des « Frères Karamazov » – l’allégresse de Dostoïevski

Les chefs-d’œuvre artistiques ou poétiques sont la plus haute forme de  l’esprit humain, son expression la plus convaincante : voilà un lieu commun qu’on se doit de conserver sous le titre de vérité éternelle. Qu’ils soient la plus haute forme de l’esprit humain, ou la forme la plus haute donnée à l’esprit humain, ou la plus haute forme prise, patiemment ou vite, par un coup de pot, toujours hardiment si l’on veut, il s’agit d’une forme, et cette forme est loin d’être la limite où peut s’aventurer un homme. Passons à Dostoïevski ou plutôt aux Frères Karamazov, chef-d’œuvre du roman, grand livre, audacieuse instigation des âmes, démesure et démesures.
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« Les Démons » de Guy Cassiers à la Comédie-Française – ombres falotes de démons

Quoique grand adaptateur de romans à la scène, Guy Cassiers ne s’était jamais intéressé à Dostoïevski jusqu’ici. Il faisait exception parmi ses contemporains, et plus largement au sein de la longue et riche histoire des relations que la scène entretient avec les romans de Dostoïevski. En 1999, Cassiers avait adapté Anna Karénine de Tolstoï – comme Fernand Gémier, Georges Pittoëf ou Jean-Louis Barrault, qui avaient aussi préféré un russe au détriment de l’autre. Cassiers a néanmoins été amené à choisir un roman de Dostoïevski, pour fêter avec la Comédie-Française le bicentenaire de la naissance de l’auteur. Comme Ivo van Hove, Julie Deliquet ou Christophe Honoré récemment, le metteur en scène flamand en effet été invité à diriger la troupe. Le spectacle apparaît le fruit d’un concours de circonstances, voire d’une commande, plutôt qu’un véritable projet né du fin fond des entrailles de l’artiste. Cela explique peut-être pourquoi Cassiers, qui propose d’ordinaire un théâtre profondément littéraire et dramaturgique, manque complètement son coup avec cette adaptation.
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« Guermantes » de Christophe Honoré – se consoler du présent en rêvant la vie d’artiste

En avril 2020, Christophe Honoré devait présenter sa dernière création avec la troupe de la Comédie-Française : Le Côté de Guermantes, d’après Marcel Proust. Reportée, la pièce est finalement créée en septembre, et elle reste à l’affiche pendant plusieurs semaines, ne cessant de s’adapter aux nouvelles mesures sanitaires : la distanciation, les jauges réduites, le couvre-feu, etc. Les multiples rebondissements qui ont marqué la création de ce spectacle ont inspiré un film au metteur en scène, qui est aussi réalisateur. De l’abattement que provoquent les reports et annulations successives, émerge une idée, un projet, qui permet de parler de la situation présente et d’échapper à sa pesanteur : un film sur la troupe de la Comédie-Française pendant les répétitions d’un spectacle d’après Proust, quand les acteurs et le metteur en scène apprennent que la première n’aura pas lieu. Alors qu’une impression d’anachronisme se dégageait du spectacle en réalité créé, le film ramène à notre époque et nous console avec des fantasmes.
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« Gloucester Time – Matériau Shakespeare – Richard III » de Marcial di Fonzo Bo et Frédérique Loliée à la Comédie de Caen – Shakespeare au présent

Les spectacles portant la mention « d’après » sont nombreux de nos jours : ils s’inspirent de romans, de scénarios de films, de textes poétiques ou philosophiques. La dernière création de Marcial di Fonzo Bo et Frédérique Loliée porte quant à elle la mention : « d’après la mise en scène de Matthias Langhoff ». Voilà que le théâtre s’imite lui-même, pour faire vivre sa propre histoire ! La saison du CDN de Caen s’ouvre en effet avec la reprise d’une mise en scène créée à Avignon en 1995, Gloucester Time – Matériau Shakespeare – Richard III, mise en scène légendaire, dont le plateau incliné est notamment devenu une référence dans l’histoire de la scénographie. L’approche de ce spectacle est cependant intime. Les deux metteurs en scène à l’origine du projet étaient jadis acteurs dans la première promotion de l’École du Théâtre National de Bretagne. Sous le regard bienveillant du metteur en scène d’origine allemande, ils rassemblent souvenirs et archives et entraînent dans leur aventure toute une bande de jeunes acteurs. Le spectacle recréé est une démonstration de vie et d’énergie qui célèbre le retour au théâtre après plusieurs mois et donne le coup d’envoi d’une saison qui s’annonce extrêmement riche.
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