Étiquette : Bergman

« Le Nouvel Homme » du collectif De HOE à la Bastille – vingt ans après la répétition

Le Théâtre de la Bastille accueille un spectacle du collectif flamand De HOE, né de la fusion de De KOE – dont le travail était découvert au même endroit il y a quelques années – et de Hof van Eede. Le titre énigmatique, « Le Nouvel Homme », n’annonce pas grand-chose. Mais les origines anversoises des artistes et leur mode d’organisation horizontal garantissent un théâtre qui accorde la première place au jeu. Le terrain choisi pour en déployer les possibles est celui du couple : deux personnes qui se sont aimées se retrouvent à l’aéroport de Rome, vingt ans plus tard. On croirait du Bergman, agrémenté d’un ancrage politique que le réalisateur suédois avait exclu de son champ artistique après son expérience d’enrôlement dans les jeunesses hitlériennes.
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« Hedda » d’Aurore Fattier aux Ateliers Berthier – pendant les répétitions

Le Théâtre de l’Odéon offre en cette fin de saison l’occasion de découvrir le travail d’Aurore Fattier – actrice dans Le Firmament de Chloé Dabert en ce moment en tournée – en tant que metteuse en scène. L’artiste française dont les spectacles sont surtout présentés en Belgique est ici programmée avec une adaptation d’Hedda Gabler d’Ibsen, ou plutôt, une « variation contemporaine » signée par son dramaturge, Sébastien Monfè, et par Mira Goldwicht. À l’origine de ce projet, il y a sans doute la question : comment monter ce texte classique aujourd’hui ? La réponse est apportée sous forme de mise en abyme : le spectacle donne à voir une metteuse en scène et sa compagnie au travail, à quelques jours de la première. La dramaturgie d’Ibsen se trouve ainsi décalée, décentrée, mais aussi dédoublée. La mise à distance n’est pas des plus fines, mais le dispositif exerce un certain pouvoir de fascination.
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Sous le masque : déconstruire le mythe Marilyn Monroe par le rêve du théâtre

Cet article propose une analyse dramaturgique du spectacle Persona. Marilyn créé par Krystian Lupa en avril 2009, et s’attache à montrer que pour sonder la personnalité scindée de la star, le metteur en scène polonais accorde une place déterminante à un projet de théâtre qu’avait authentiquement Marilyn Monroe : interpréter le rôle de Grouchenka dans une adaptation des Frères Karamazov qu’avait envisagée son dernier mari, Arthur Miller. Le vertige du dialogue dramaturgique établi entre l’icône de la culture américaine des années 1960 et l’un des personnages emblématiques de la littérature russe est décuplé par le souvenir de l’adaptation que Lupa a lui-même faite du roman de Dostoïevski en 1990, par le personnage de Paula Strasberg dans la pièce, double déformé voire dégradé du metteur en scène, et par le travail d’appropriation de Marilyn par l’actrice Sandra Korzeniak.
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« Exit » de Fausto Paravidino mis en scène par Anne-Sophie Pauchet à la Comédie de Caen – autopsie ludique d’un couple

Anne-Sophie Pauchet s’est attelée à la création française d’Exit, texte du dramaturge italien contemporain Fausto Paravidino – nom qui paraît contenir la promesse de récits fondateurs par ses sonorités, qui convoque une tradition littéraire mêlant de manière facétieuse Goethe et Dante. Ce texte offre l’autopsie d’un couple, comparable à celle qu’a pu offrir Bergman dans ses Scènes de la vie conjugale. Par rapport à l’auteur suédois, Parvidino ne décortique pas la fin de l’amour de manière chronologique, par percées successives, mais grâce à un carrousel temporel qui déplie le passé dans le désordre avant de faire coexister le présent et son commentaire. S’il choisit pour toile de fond une géopolitique contemporaine elle aussi en crise, l’humour dompte l’émotion en la mettant souvent à distance. Grâce à ses acteurs dirigés avec beaucoup de finesse, la metteuse en scène réussit à faire percevoir les infinies modulations de ce texte qui conjugue plusieurs registres et plusieurs modalités de parole.
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« La Vie invisible » de Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix à l’Espace Cardin – Ibsen x Rambert

La vie théâtrale reprend progressivement après la trêve hivernale, et 2022 s’ouvre avec un court spectacle programmé par le Théâtre de la Ville : La Vie invisible de Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix. Un spectacle créé l’an dernier à la Comédie de Valence, à partir de témoignages de personnes non et malvoyantes, à l’esthétique dépouillée, « pour permettre aux personnes déficientes visuelles […] d’assister aux représentations » : des rideaux blancs qui ondulent cernent un plateau quasiment vide – rideaux semblables à celui des premières scènes de Go down, Moses de Castellucci, avec qui Lorraine de Sagazan a collaboré il y a quelques années. La Vie invisible raconte la vie d’un homme, une vie presque ordinaire en apparence, mais qui se révèle d’une profondeur dramatique saisissante. Le spectacle produit l’effet d’un coup de poing asséné au creux du ventre.
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