« Notre intellect a accompli de prodigieux exploits, tandis que notre demeure spirituelle tombe en ruine » – Lecture de Jung en étudiant Krystian Lupa

Article paru dans la revue Fabula-LhT, n°19,
Les Conditions du théâtre : le théâtralisable et le théâtralisé, dir. Romain Bionda, en ligne, 2017.
Dostoïevski est fait pour la scène. Non seulement il est fait pour la scène, mais Dostoïevski a toute sa vie voulu écrire pour la scène.…
La tentation est grande d’opposer au mouvement du monde nos principes inamovibles. Curieusement : c’est que ce demande aux intellectuels une société en plein changement : des doctrines stables, où les énigmes trouvent leur solution, les peines leur consolation. On connaît le succès des grands systèmes rassurants : le teilhardisme succède dans cet emploi au marxisme qui donne un moment à notre jeunesse la griserie de tout intégrer, de tout comprendre.…
Le 20 avril 1959, l’émission télévisée Gros Plan vient au Théâtre Antoine filmer les répétitions de Camus pour sa pièce Les Possédés, d’après Dostoïevski.
Plusieurs photographies ont été prises à l’occasion, tant du tournage de l’émission que du travail de Camus à l’avant-scène.…
L’acteur a trois heures pour être Iago ou Alceste, Phèdre ou Glocester. Dans ce court passage, il les fait naître et mourir sur cinquante mètres carrés de planches. Jamais l’absurde n’a été si bien ni si longtemps illustré. Ces vies merveilleuses, ces destins uniques et complets qui croissent et s’achèvent entre les murs, et pour quelques heures, quel raccourci souhaiter qui soit plus révélateur ?…
Le carnaval est un spectacle sans la rampe et sans la séparation en acteurs et spectateurs. Tous ses participants sont actifs, tous communient dans l’acte carnavalesque. On ne regarde pas le carnaval, pour être exact, on ne le joue même pas, on le vit, on se plie à ses lois aussi longtemps qu’elles ont cours, menant une existence de carnaval.…
Pour certains lecteurs, Dostoiewsky sera toujours un talent cruel, et rien autre que cruel.
C’est qu’en effet il place ses héros dans des situations sans issue et se plaît à les soumettre à toutes sortes d’épreuves. C’est à travers des abîmes de déchéance morale, et toutes les tortures de l’esprit, qu’il les mène au crime, au suicide, à l’idiotie, à la fièvre chaude et à la démence.…
Vous dites d’un comédien qu’il entre dans un rôle, qu’il se met dans la peau d’un personnage. Il me semble que cela n’est pas exact. C’est le personnage qui s’approche du comédien, qui lui demande tout ce dont il a besoin pour exister à ses dépens, et qui peu à peu le remplace dans sa peau.…
Il en était de sa figure comme des scènes capitales de ses romans : on ne pouvait plus l’oublier quand on l’avait vue une fois. Oh ! Que c’était bien l’homme d’une telle œuvre et l’homme d’une telle vie ! …