« Paris est une fête » d’Hemingway – hymne à la ville

Près de quarante ans plus tard, Hemingway prend la plume et revient sur ses années de jeunesse à Paris, vers 1920, lorsqu’il y séjournait avec sa première femme, Hadley Richardson. De ses souvenirs, il compose des vignettes de la vie parisienne qui saisissent toute une époque, tout un univers de stimulation artistique, et tout un décor qui lui est resté cher : Paris. Quoiqu’inachevée, l’œuvre apparaît comme un hymne à la ville et à la vie qu’il menait alors.

Hemingway-Paris.inddAprès la guerre qu’Hemingway a voulu vivre aux premières loges en tant que volontaire de la Croix Rouge puis correspondant, le jeune homme déménage à Paris avec sa femme. Il n’écrit alors que des contes, mais c’est à cette époque qu’il délaisse le journalisme pour se consacrer pleinement à l’écriture, avec l’espoir d’achever un roman. Il est convaincu que cette ville-là est le meilleur endroit qu’il puisse trouver pour écrire.

Quoique relativement pauvre, il goûte aux plaisirs de la capitale, ses mets, ses courses de chevaux, et surtout sa société. Encore débutant, il n’en côtoie pas moins les personnalités de l’époque qui s’y trouvent en même temps que lui, telles que Gertrude Stein, chez qui il va presque chaque jour et dont il admire les collections, le poète Ezra Pound, ou le couple Fitzgerald et ses crises, dont il devient un témoin privilégié.

Hemingway parlait de ces souvenirs comme de « vignettes parisiennes ». Le terme implique une discontinuité et une certaine objectivité qui sont mises en jeu par l’écriture autobiographique qu’il adopte. D’un fragment à l’autre, des liens se tissent, des motifs et des formules reviennent qui donnent une cohérence à l’ensemble, sans pour autant que se dégage un projet, une structure. Ces notes oubliées dans une malle et publiées à titre posthume ne forment en effet qu’une œuvre en chantier, non lissée. Mais son caractère brut ne dévalorise pas pour autant ces arrêts sur image que dégage Hemingway de toute cette période de sa vie, au contraire. Chaque fragment apparaît comme un souvenir marquant, écrit avec le désir de signaler telle situation, telle habitude ou tel épisode pour la postérité, de l’extraire pour de bon de l’oubli.

Paris est une fête - folioMais plus encore que les événements précis, Hemingway tente de saisir l’atmosphère, l’état d’ensemble dans lequel il se trouvait alors. Le titre français de l’œuvre est inspiré par une phrase de l’auteur, incomplète dans sa restitution. Hemingway disait : « Paris est une fête mobile ». L’adjectif renvoie à une notion qui désigne les célébrations qui ont lieu chaque année mais à des dates changeantes selon le calendrier. De ces années parisiennes, l’auteur entend ainsi retenir une humeur impalpable, qu’il a pu retrouver par la suite dans d’autres lieux et d’autres contextes.

Pour en rendre compte, l’écrivain se met en scène en train d’écrire, dans les cafés ou dans sa chambre sous les toits, entre deux repas et deux réunions d’ami. A posteriori, il se donne à voir en train de réfléchir à la meilleure façon d’écrire, de rendre compte du réel pour mieux le réinvestir dans la fiction. C’est en effet à cette époque qu’il pose les bases de son art, la simplicité et l’épure vers laquelle il tend dans toutes ses œuvres, qui frôle parfois ici la sténographie.

De ses notes non encore retravaillées se dégage une poésie du quotidien, dont l’objet principal est Paris, ses lieux, ses cafés, ses rues, ses parcs, ses ambiances selon les heures de la journée et la saison. La ville est aussi appréciée et louée pour les repas et les alcools qu’elle offre, qui rythment joyeusement le quotidien. Un véritable sentiment amoureux pour la ville se dégage de ces pages, redoublé en arrière-plan par la relation tendre qu’il a avec sa première femme. Mais de la même façon que le souvenir de son premier mariage est intensifié par le menace qui plane de leur rupture prochaine, le caractère éphémère et fragile de cette vie parisienne lui donne une saveur bien particulière.

F.

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