Dans le cadre du Festival d’Automne, le Collectif les Possédés présente au théâtre de la Bastille sa dernière création, Bullet Park. Adapté du roman de l’Américain John Cheever, ce spectacle explore après lui les failles des bonnes familles de banlieues américaines. Les comédiens offrent une satire réjouissante et non dénuée d’humour dans un décor acidulé.
Sur le grand plateau de la Bastille, un intérieur est reconstitué grâce aux objets les plus caractéristiques de la société de consommation : cinq frigos, une télé, une table et un lit. La fausse herbe vert pétard qui recouvre le sol figure également les pelouses très soignées des suburbs et fond les relations entre intérieur et extérieur.
Deux foyers se partagent ce lieu qui a la capacité de se dédoubler dans sa longueur par des effets de lumière. Plutôt que de les montrer comme voisins, habitant dans deux espaces distincts, les protagonistes l’occupent à tour de rôle, montrant l’extrême conformité de leur cadre de vie. Ce croisement sur le plateau annonce le point de jonction final de leurs histoires.
Le spectacle commence avec le monologue de Paul Hammer, enfant illégitime élevé par sa grand-mère. Sa dernière rencontre avec sa mère, une fervente socialiste en guerre contre l’American way of life, l’incite à mener à son terme son projet secret : « crucifier » un Américain de banlieue pour sortir ses pairs de leur léthargie consommatrice et « réveiller le monde ».
En parallèle de ce projet morbide qui nous est dévoilé peu à peu, la famille Nailles nous est présentée, saisie dans son quotidien dans la banlieue de Bullet Park. Le père travaille pour une société de bains de bouche, la mère au foyer est membre du comité de lecture de son quartier et leur fils Tony regarde un peu trop la télévision.
Derrière leurs costumes trop parfaits et leurs cheveux trop bien coiffés, l’alcool et la cigarette sont les premiers indices de leurs travers. A la moindre contrariété, les rapports s’enflamment jusqu’aux cris et à la destruction de leurs biens bravement acquis. Dans un accès d’hystérie chronique, la télé est balancée dehors, le contenu du frigo se déverse sur le sol et les pans de fausses herbes sont retournés.
Le bouleversement de cette scénographie réaliste et tirée à quatre épingles, à l’image des personnages, révèle les failles intérieures de ces foyers qui se battent pour préserver leur image. Mieux vaut dire aux voisins venus prendre l’apéro que Tony a eu la mononucléose plutôt que d’avouer qu’il a fait une dépression. Mieux vaut faire diversion rapidement et servir un Martini plutôt que de rester dans la gêne d’une scène intime prise en flagrant délit.
Avec une énergie démentielle et un rythme parfaitement soutenu entre rire et satire, le Collectif nous fait passer un excellent moment. Après Mad Men et Desperate Housewifes, séries américaines qui traitent du même sujet, on redemande encore quelques épisodes pour continuer découvrir cet univers burlesque aux personnages attachants.
F. pour Inferno
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