« Je vole… et le reste je le dirai aux ombres » de Jean-Christophe Dollé – approcher le mystère d’un fait divers avec le théâtre
Dans Mangez-le si vous voulez déjà, Jean-Christophe Dollé se servait du théâtre pour questionner l’horreur, le moment à la fois précis et indéchiffrable de bascule où le quotidien vire au drame, où le bon sens s’éloigne et laisse place à la folie meurtrière. D’un village du Périgord au XIXe siècle, il passe dans Je vole... et le reste je le dirai aux ombres au Paris du XXIe siècle, de la folie d’un village tout entier à la détresse d’un seul homme, de toute une après-midi à une seule seconde – celle qui précède le moment où Richard choisit de se jeter par la fenêtre et de se servir de son pouvoir secret, celui de voler, pour quelques instants au moins.« Mangez-le si vous voulez » d’après Jean Teulé, mis en scène par Jean-Christophe Dollé – Théâtre cannibale
Le cannibalisme intrigue, et tout particulièrement le théâtre visiblement. En avril dernier, les Bâtards dorés présentaient Méduse au T2G, d’après le Naufrage de la médusequi a inspiré Géricault, un témoignage de rescapés qui relate comment les survivants d’un naufrage ont organisé leur survie à bord d’un radeau, les rapports de force qui se sont mis en place, les arrangements avec la faim et la soif, la folie qu’elles déclenchent et la gestion des morts qu’elles entraînent. La reconstitution de cette situation extrême inspirait au collectif une esthétique trash qui envahissait progressivement la cour d’assise reconstituée, où les derniers survivants étaient tenus de s’expliquer de leurs crimes barbares avant d’être jugés. Dans Mangez-le si vous voulez, Jean-Christophe Dollé raconte quant à lui une histoire de lynchage qui se termine là aussi en banquet cannibale. Il reconstitue le destin tragique d’Alain de Monéys, raconté par Jean Teulé dans le roman du même titre, qui lui-même s’inspire d’un fait divers survenu en 1870 dans un village du Périgord.« Fêlures. Le silence des hommes » de D’ de Kabal à la Colline – questions au masculin pluriel
L’artiste D’ de Kabal présente sa dernière œuvre, Fêlures. Le Silence des hommes au Théâtre de la Colline – théâtre qui depuis la nomination de Wajdi Mouawad prend pleinement en charge sa mission de faire découvrir de nouvelles écritures, et qui devient ainsi un lieu où sont mis en partage des questionnements profondément ancrés dans notre monde contemporain. Le sujet ici abordé est celui de la « crise de la masculinité ». D’ de Kabal l’aborde dans un très beau texte, qui loin de se réduire à une tribune se révèle le résultat d’une longue maturation. L’auteur, également rappeur et slameur, aspire encore à être metteur en scène, directeur d’acteurs et acteur pour cette œuvre. S’il est moins convaincant dans ces dernières fonctions, sa langue et son propos réussissent à compenser ses faiblesses au moment d’aborder la scène.L’artiste, un être à la sensibilité exacerbée selon Bergson
Quel est l’objet de l’art ? Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l’art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors continuellement à l’unisson de la nature.…