Étiquette : rituel

« Un sacre » de Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix au TGP – monument au chagrin

Créé en septembre 2021 à la Comédie de Valence, Un sacre termine sa longue tournée au TGP, où le spectacle est déjà passé fin 2022 et où Lorraine de Sagazan est artiste associée. Pour ce spectacle, la metteuse en scène a une nouvelle fois collaboré avec Guillaume Poix, après L’Absence de père et La Vie invisible. Dans le mouvement initié par ce dernier spectacle, inspiré par la rencontre avec des non et malvoyants, le duo s’attèle cette fois à la question de la mort et du deuil dans notre société à partir de neuf témoignages choisis parmi près de 300 pendant le premier confinement, réécrits et travaillés au plateau avec les membres de la compagnie. Le résultat est une tentative pour bâtir un monument non pas aux morts, mais au chagrin.
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« Grief and Beauty » de Milo Rau au Théâtre de la Colline – TRIGGER WARNING: LIVE DEATH PROJECTION ON STAGE

Depuis Five Easy Pieces, spectacle dans lequel il revenait sur l’affaire Marc Dutroux avec des enfants sur scène, puis avec Familie, spectacle dans lequel il invitait une famille à reconstituer le suicide collectif d’une autre famille, le metteur en scène suisse Milo Rau emprunte des voies très border. La presse réactionnaire en fait d’ailleurs son miel et crie au scandale à la première occasion, et il faut soigneusement déconstruire puis reconstruire sa démarche pour en justifier la pertinence. Dans les deux spectacles cités, c’était encore possible car le théâtre était utilisé comme un outil d’enquête, pour apprivoiser l’horreur ou pour sonder l’incompréhensible. Mais le deuxième, Familie, était déjà plus difficile à défendre car le jeu tendait à disparaître, et amenait à parler de théâtre pornographique. L’étiquette est encore plus valable pour le deuxième volet de la Trilogie de la vie privée, Grief and Beauty, cette fois indéfendable car le théâtre s’évanouit face au spectacle obscène de la mort.
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« Rituel 4 : Le Grand Débat » d’Emilie Rousset et Louise Hémon au T2G – duel à blanc

Rituel 4 : Le Grand Débat, spectacle créé l’an dernier à la Cité internationale, était programmé ces jours-ci au T2G dans le cadre du Festival d’Automne. Malgré l’interdiction des théâtres d’ouvrir au public, les répétitions se sont déroulées comme prévu ces dernières semaines. Pour clore ce temps de répétition et faire vivre un peu le spectacle, dans la perspective de la tournée française qui l’attend, une générale a été organisée pour les programmateurs et critiques. A ce public d’avertis, il n’est pas donné de ticket au moment de son arrivée au théâtre. L’information de cette représentation, à 17h un jour de semaine, vaut comme sésame. Deux heures avant les annonces du Premier Ministre devant faire état de l’évolution de la situation sanitaire actuelle – prise de parole qui a pris la forme d’un rituel depuis un an – les spectateurs sont confrontés à un autre rituel caractéristique de notre vie citoyenne : celui du débat présidentiel d’entre-deux tours. La metteure en scène Emilie Rousset et la cinéaste Louise Hémon invitent en effet à porter un regard distancé sur cette pratique instaurée en 1974. Tout en suscitant le rire du public, elles révèlent la vanité de cette cérémonie, et amènent à l’envisager comme un symptôme de la crise dont souffre la démocratie à notre époque, alors que la veille, était improvisée au Capitole de Washington une fête déguisée avec de vraies armes à feu…
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« Le Théâtre et son double » de Gwenaël Morin aux Amandiers – Artaud est mort, vive Artaud !

Avec Le Théâtre et son double, présenté aux Amandiers de Nanterre, Gwenaël Morin paraît poursuivre son travail de recherche sur l’histoire du théâtre. Depuis plusieurs années, il s’attache en effet à recréer des œuvres marquantes de la deuxième moitié du XXe siècle, tels que les Molière de Vitez, ou la performance du Living Theatre Paradise. Cette fois, il se tourne vers Antonin Artaud, penseur révolutionnaire du théâtre des années 1930, qui a eu et a encore une influence considérable sur l’art théâtral. Les créations précédentes de Gwenaël Morin construisent l’attente d’une expérience aussi sensible qu’intellectuelle, qui noue enquête sur le passé et recherches pour la scène actuelle. La nuance est néanmoins que le metteur en scène ne cherche cette fois pas à rendre vie à un spectacle déjà créé. C’est à un texte qu’il se confronte, texte qui clame à chaque page avec ardeur la nécessité d’une refonte totale du théâtre, mais dont les propositions ne permettent pas d’en laisser entrevoir la réalisation. De la théorie à la pratique, le spectacle de Morin creuse un fossé latent. La puissance du texte d’Artaud est affaiblie et l’expérience proposée ramène finalement à la convention théâtrale qu’Artaud exécrait.
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