« L’Ange de l’histoire » de Benjamin & « L’Ange malchanceux » de Müller – tourner le dos à l’avenir ou attendre l’histoire
Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.« Le Narrateur » de Walter Benjamin [extrait] – information VS narration
Le premier signe avant-coureur d’un processus, qui devait aboutir au déclin de la narration, fut l’apparition du roman au début des Temps modernes. Ce qui distingue le roman du récit (et de l’épopée au sens étroit), c’est qu’il est inséparable du livre. Le roman n’a pu se développer qu’avec l’invention de l’imprimerie. La tradition orale – domaine de l’épopée – est d’une tout autre nature que ce qui fait l’étoffe même du roman.« Enfance berlinoise » de Walter Benjamin [extrait]
Armoires
La première armoire qui s’ouvrit lorsque je le désirais fut la commode. Je n’avais qu’à tirer sur le bouton, la porte s’ouvrait avec un déclic et venait vers moi. On gardait mon linge à l’intérieur. Mais au milieu de toutes mes chemises et mes culottes, mes gilets qui doivent avoir été empilés là et dont je ne sais plus rien, il y avait quelque chose qui ne s’est pas perdu et qui redonne toujours à l’accès de cette armoire un aspect aventureux et séduisant.…