Étiquette : victime

« Un ennemi du peuple » de Thibaut Wenger au Théâtre Châtillon-Clamart – démocratie en panne de dialogue

Au Théâtre Châtillon-Clamart a été créée la dernière mise en scène de Thibaut Wenger, qui après Une maison de poupée en 2016 revient à Ibsen avec Un ennemi du peuple. La pièce a plusieurs fois été montée ces dernières années – par Jean-François Sivadier en 2019 ou Thomas Ostermeier en 2012 –, et l’actualité que lui confère la crise écologique est encore accrue par la crise sanitaire engendrée par le covid. La tentation est grande, à notre époque, de faire du Dr Stockmann, qui découvre que les eaux de la ville thermale où il habite et exerce sont contaminées, une victime de la société qui refuse d’entendre la vérité qu’il brandit au nom d’intérêts publics et privés. De faire grâce à lui le procès des classes dirigeantes et des médias. La pièce d’Ibsen est cependant beaucoup moins manichéenne que cela. Thibaut Wenger le démontre en embrassant pleinement l’ambivalence de son personnage, afin de dire avec lui l’impossible dialogue des instances qui composent notre société et l’impasse dans laquelle se trouve notre démocratie.
Lire la suite

« Ils nous ont oubliés » de Séverine Chavrier aux Ateliers Berthier – hyperacousie assassine

Séverine Chavrier s’aventure sur un terrain déjà balisé par le Polonais Krystian Lupa. Après lui qui s’est constitué en spécialiste de Thomas Bernhard avec cinq spectacles créés ces vingt-cinq dernières années, elle entreprend la deuxième adaptation de l’une de ses œuvres, La Plâtrière, sous le titre Ils nous ont oubliés, après Nous sommes repus mais pas repentis d’après Déjeuner chez Wittgenstein en 2016. Les démarches de ces deux artistes sont profondément différentes comme le signale d’emblée les titres de leurs spectacles. Alors que Lupa, dans son adaptation de La Plâtrière comme dans ses autres adaptations, cherche à prolonger l’œuvre par la scène, à en suivre les ramifications souterraines pour « atteindre, par le langage théâtral, des zones où la narration littéraire n’est pas parvenue », Séverine Chavrier annonce un spectacle « basé sur le roman La Plâtrière ». L’adaptation est conçue comme une variation à partir de l’œuvre première, une impulsion pour la création d’une œuvre nouvelle, une œuvre avant tout scénique, qui multiplie les moyens de manière ambitieuse.
Lire la suite

« Contre-enquêtes » de Nicolas Stemann au Théâtre de la Ville – qui pour prendre en charge le récit des victimes ?

Après plusieurs rebondissements liés à la pandémie, le spectacle de Nicolas Stemann, Contre-enquêtes, vient enfin au Théâtre de la Ville, où l’attendent plusieurs groupes de lycéens qui chahutent un peu au moment de s’installer. Certains sont cependant venus avec L’Étranger de Camus et garderont le livre posé sur leurs genoux tout au long du spectacle. Tous ou presque pourront, grâce à leur professeur de français, répondre oui à la question de Mounir Margoum : qui a lu ce livre ? Et tous seront ainsi en capacité d’apprécier le dialogue mis en place par le metteur en scène entre l’œuvre de Camus et la Contre-enquête de Kamel Daoud, publiée en 2014, comme l’envers de L’Étranger, sa réponse à soixante-dix ans d’écart. La confrontation de ces deux œuvres, menée par deux acteurs au plateau, soulève une question délicate : qui peut légitimement prendre en charge le récit des victimes ?
Lire la suite

« La Trilogie de la vengeance » de Simon Stone – histoires de femmes en trois saisons

Après Les Trois Sœursen 2017, Simon Stone présente à l’Odéon où il est artiste associé son nouveau spectacle, La Trilogie de la vengeance. Auparavant, il avait été invité avec Ibsen huisau Festival d’Avignon. Dans cette œuvre déjà, librement inspirée d’Ibsen, Stone mêlait plusieurs pièces de l’auteur norvégien pour composer une grande fresque familiale sur plusieurs générations, et menait son public de révélation en révélation dans l’unique cadre d’une grande maison aux grandes baies vitrées. Le metteur en scène australien réitère l’expérience d’écriture pour sa Trilogie, annonçant cette fois un spectacle qui se nourrit de pièces de John Ford, Thomas Middleton, Shakespeare et Lope de Vega. Pour mettre en scène ce texte qu’il a composé en trois parties, il distingue trois espaces aux Ateliers Berthier. Mais l’originalité de l’œuvre qu’il a conçue réside surtout dans le fait qu’elle peut être découverte de trois manières différentes, suivant trois parcours désignés par les lettres A, B et C. Stone entraîne ainsi son public dans un labyrinthe sophistiqué qui suscite chez lui un plaisir d’enquêteur.
Lire la suite