Étiquette : Servane Ducorps

« Hamlet » de Christiane Jatahy au Théâtre de l’Odéon – relecture tubesque de la pièce de Shakespeare

Le Théâtre de l’Odéon affiche en ce moment un Hamlet de Shakespeare, signé par Christiane Jatahy. L’artiste brésilienne ne reprend pas pour ce spectacle la mention « d’après » qui fait florès depuis de nombreuses années maintenant et qu’elle a elle-même pratiqué pour Julia d’après Mademoiselle Julie de Strindberg, What if they went to Moscow d’après Les Trois Sœurs de Tchekhov, La Règle du jeu, d’après le scénario du film de Renoir, Le Présent qui déborde d’après Homère, Entre chien et loup d’après Dogville de Lars von Trier, ou Depois do silencio d’après un roman d’Itamar Vieira Júnior… Depuis ses débuts, Jatahy ne fait que ça, adapter des œuvres du répertoire théâtral, des scénarios de film ou des textes de type narratif. Ici, croit-on un instant, elle s’en tiendrait simplement au Hamlet de Shakespeare. Et pourtant, elle signe la mise en scène, l’adaptation et la scénographie de ce spectacle, et le geste d’adaptation évoqué en passant se révèle en réalité central : elle transpose la pièce dans un contexte contemporain – au point de faire même référence à la date même du jour de représentation – et propose en outre une relecture féministe de l’œuvre. Mais le plus intéressant dans sa démarche réside dans ce qui peut ne paraître qu’une composante de cette entreprise d’adaptation : l’usage de quantité de tubes tout au long du spectacle, qui esquissent les contours d’une dramaturgie par ailleurs flottante.
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Distributions de rêve – « L’Idiot »

Au terme de six années à travailler sur les adaptations des romans de Dostoïevski au théâtre, se prendre à rêver la distribution idéale de L'Idiot à partir de celles qu’ont inspiré cette œuvre depuis le début du XXe siècle, celle de Vincent Macaigne au premier chef, mais pas uniquement – avec l’espoir que de nouvelles adaptations viennent combler les manques.
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« Les Frères Karamazov » de Sylvain Creuzevault au Théâtre de l’Odéon – l’allégresse de Dostoïevski sur scène

Tandis que Guy Cassiers présente en ce moment son adaptation des Démons avec la troupe de la Comédie-Française, Sylvain Creuzevault adapte Les Frères Karamazov, un an après la date de sa programmation initiale. L’automne théâtral 2021 aura donc été dostoïevskien, alors que s’achève l’année du bicentenaire de la naissance de l’auteur. Le metteur en scène flamand et le français, tous deux grands adaptateurs de romans à la scène, ont cependant opté pour des principes très différents pour se mesurer à ces œuvres. La première chose qui distingue leurs démarches est même avant cela que c’est sur invitation que Cassiers en est enfin venu à s’intéresser à Dostoïevski, alors que Creuzevault poursuit avec ce spectacle un compagnonnage initié en 2018 avec Les Démons, et poursuivi en 2019 par L’Adolescent et en 2020 par Le Grand Inquisiteur. Comme l’Allemand Frank Castorf, le metteur en scène français revient de manière obsessionnelle à Dostoïevski, mais il se déplace avec lui, d’une œuvre à l’autre – à moins que ce soient les confinements et couvre-feux successifs qui aient fait mûrir son spectacle, qui lui aient donné un air beaucoup plus sage que son Grand Inquisiteur, aussi foutraque que pointu philosophiquement (et dans cette mesure peut-être un peu plus dostoïevskien). Toujours est-il que Creuzevault atteint ici un point d’équilibre extraordinaire entre une lisibilité alliée à une immédiateté théâtrale séduisantes, et une densité, une profondeur, une exigence intellectuelle, une finesse de lecture proprement jubilatoires.
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« La Trilogie de la vengeance » de Simon Stone – histoires de femmes en trois saisons

Après Les Trois Sœursen 2017, Simon Stone présente à l’Odéon où il est artiste associé son nouveau spectacle, La Trilogie de la vengeance. Auparavant, il avait été invité avec Ibsen huisau Festival d’Avignon. Dans cette œuvre déjà, librement inspirée d’Ibsen, Stone mêlait plusieurs pièces de l’auteur norvégien pour composer une grande fresque familiale sur plusieurs générations, et menait son public de révélation en révélation dans l’unique cadre d’une grande maison aux grandes baies vitrées. Le metteur en scène australien réitère l’expérience d’écriture pour sa Trilogie, annonçant cette fois un spectacle qui se nourrit de pièces de John Ford, Thomas Middleton, Shakespeare et Lope de Vega. Pour mettre en scène ce texte qu’il a composé en trois parties, il distingue trois espaces aux Ateliers Berthier. Mais l’originalité de l’œuvre qu’il a conçue réside surtout dans le fait qu’elle peut être découverte de trois manières différentes, suivant trois parcours désignés par les lettres A, B et C. Stone entraîne ainsi son public dans un labyrinthe sophistiqué qui suscite chez lui un plaisir d’enquêteur.
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