Étiquette : La Montagne magique

« Der Zauberberg » de Krystian Lupa au Salzburger Landestheater – Lupa sur la montagne magique, vertige au sommet

Après Les Émigrants créé en janvier dernier à l’Odéon, et Balkony - Pieśni Miłosne créé quelques semaines plus tard et programmé au Printemps des comédiens en juin dernier, Lupa, inlassable créateur, est invité au Festival de Salzbourg avec un nouveau spectacle en cette fin d’été. Il revient à cette occasion à l’une de ses passions les plus constantes depuis les années 1980 : l’adaptation d’un roman-fleuve d’apparence inadaptable, qui a déjà suscité le désir d’autres artistes sans parvenir à une réalisation concrète. Son dévolu se jette cette fois sur La Montagne magique de Thomas Mann, roman de quelques mille pages au départ conçu comme un contrepoint à Mort à Venise. L’œuvre relate la vie d’une frange de la haute société européenne retirée dans un sanatorium à la veille de la Première Guerre mondiale, société dont les membres se révèlent moins soucieux de tisser des relations entre eux que de scruter les moindres oscillations de leur température et des battements de leur cœur, alors que le monde dont ils se sont extraits est sur le point de sombrer. Le terrain offert par le roman paraît à de multiples égards propice au déploiement de l’art de Lupa, qui immerge intensément dans l’œuvre, démontre une nouvelle fois la virtuosité scénique fascinante qu’il a développée de spectacle en spectacle et mène les acteurs et actrices lituaniens du Jaunimo Teatras à des hauteurs vertigineuses.
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« Avant la terreur » de Vincent Macaigne à la MC93 – artiste d’une seule œuvre ?

Cette rentrée marque le retour au théâtre très attendu de Vincent Macaigne, après six ans – malgré l’impression mitigée qu’avait laissé Je suis un pays. L’hypothèse alors formulée était que manquait à ce spectacle une grande œuvre avec laquelle l’écriture du metteur en scène dialoguerait, comme dans ses premières créations. Notre prière semble avoir été entendue : après Au moins j’aurais laissé un beau cadavre, d’après Hamlet, Macaigne revient à Shakespeare, en choisissant cette fois Richard III. Comme à son habitude, il modifie le titre de l’œuvre qui l’inspire pour souligner le geste d’adaptation-appropriation qui est le sien, et nomme son spectacle « Avant la terreur ». Il réunit ses fidèles compagnons de route, en agrège de nouveaux et se voit accueilli dans une structure qui lui permet de voir grand : la MC93. Tout semblait favorable à une nouvelle gifle macaignienne. La déception est hélas à la hauteur des attentes, qui étaient immenses.
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« La Montagne magique » de Thomas Mann – une expérience du temps

Quelques mois après la publication de La Mort à Venise, nouvelle d’une centaine de pages que Luchino Visconti a rendu célèbre en l’adaptant au cinéma, Thomas Mann se lance dans un nouveau chantier qui l’occupera près de dix ans, La Montagne magique. Il commence l’écriture de cet ample roman de près de 1000 pages en 1913, à la veille du premier conflit mondial du début du XXe siècle. Mais s’il choisit pour arrière-plan de son œuvre le monde dans lequel il vit, il ne mentionne l’actualité brûlante dont il est le témoin que dans le tout dernier chapitre. Le récit qu’il déploie, qui relate la vie de pensionnaires retirés dans un sanatorium en haute montagne, se tient en effet à distance du « monde d’en bas » et des bouleversements qui s’y préparent. Plutôt que de s’efforcer de penser directement les événements de son époque, Thomas Mann mène dans cette œuvre une réflexion sur le temps, qui, de manière inattendue, finit par ramener à l’Histoire.
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« La Montagne magique » de Thomas Mann [extrait] – nouveauté, habitude et perceptions du temps

C’est au fond une aventure singulière que cette acclimatation à un lieu étranger, que cette adaptation et cette transformation parfois pénible que l’on subit en quelque sorte pour elle-même, et avec l’intention arrêtée d’y renoncer dès qu’elle sera achevée, et de revenir à notre état antérieur. On insère ces sortes d’expériences, comme une interruption, comme un intermède, dans le cours principal de la vie, et cela dans un but de « délassement », c’est-à-dire afin de changer et de renouveler le fonctionnement de l’organisme qui courait le risque et qui était déjà en train de se gâter, dans le train-train inarticulé de l’existence, de s’y fatiguer et de s’y énerver.
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