Étiquette : empathie

« Beloved » de Toni Morrison – l’enfantôme, figuration de la hantise du passé esclavagiste des États-Unis

L’écrivaine afro-américaine Toni Morrison, décédée il y a trois ans, a acquis la pleine reconnaissance littéraire avec Beloved, roman publié en 1987 et récompensé l’année suivante par le Prix Pulitzer. Peu après, en 1993, Toni Morrison a reçu le Prix Nobel de littérature, pour « ses romans caractérisés par une force visionnaire et une portée poétique, qui donne vie à un aspect essentiel de la réalité américaine ». La réalité américaine que Beloved découvre, c’est celle l’Amérique esclave, de la veille de la guerre de Sécession à l’abolition de l’esclavage, saisie à partir d’une poignée de personnages noirs qui portent plusieurs vies en eux et sont hantés par le passé une fois affranchis. L’écriture imite le mouvement de la mémoire traumatique, qui tout à la fois refoule et ressasse, tourne autour des drames qu’elle laisse entrevoir, et tisse toute une poétique à partir de détails cristallisants qui prennent progressivement sens – jusqu’au moment de confronter pleinement à l’inconcevable.
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« Fraternité, conte fantastique » de Caroline Guiela Nguyen aux Ateliers Berthier – théâtre de larmes sans catharsis

Dans la continuité de Saïgon, qu’un des personnages introduisait comme une « histoire de larmes », le dernier spectacle de Caroline Guiela Nguyen, Fraternité, conte fantastique, propose à nouveau un théâtre de larmes. La metteuse en scène propose cette fois un conte dans lequel la moitié de l’humanité a disparu, et ceux qui ont survécu dépensent toute leur énergie à se consoler les uns les autres. La catastrophe imaginée fait écho aux temps que nous vivons, mais l’émotion ne naît pas de cette possible résonance avec le réel. Le décalage est encore plus net que dans Saïgon, entre un projet théâtral fort, lourd de convictions, et un spectacle qui n’en livre que des bribes.
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« Re-Paradise » de Gwenaël Morin aux Amandiers – re-living the theatre

Pour fêter les 50 ans des événements de mai 1968, Philippe Quesne a invité plusieurs artistes au Théâtre Nanterre-Amandiers pour « défricher des territoires utopiques », au cours d’un Festival éloquemment appelé « Mondes possibles ». Sa proposition vise moins à commémorer le passé – comme l’affirme Sanja Mitrovic dans son spectacle, My Revolution is better than yours, faisant écrire en grosses lettres par un acteur « We don’t commemorate, we keep on fighting » – qu’à penser le présent, à partir de cet héritage bien particulier. De nombreuses formes artistiques sont ainsi accueillies, pour un temps de réflexion collectif. C’est dans ce contexte que Gwenaël Morin recrée Paradise Now, spectacle emblématique du Living Theatre présenté en juillet de cette fameuse année à Avignon.
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