« Premier amour » de Beckett par la Compagnie le Sourire au Pied de l’Echelle

Le texte de Samuel Beckett, « Premier amour », est une nouvelle fois portée à la scène, cette fois-ci par Manon Allouch. A partir de cette nouvelle dure et crue, elle réussit à créer un spectacle tendre et poétique. Une prouesse qui apporte un nouvel éclairage sur ce célèbre récit.

Le titre de la nouvelle de Beckett est peu annonciateur de ce qui nous attend. Pour qui espère un récit épris et romantique, le décalage est violent. Le « je » qui s’exprime, être marginal à la vie vagabonde depuis la mort de son père, se souvient en effet de la première fois que lui est venu ce mot d’ « amour ».

Il lui est inspiré par une prostituée, qui chaque jour vient s’asseoir à côté de lui sur un même banc. Il s’attache à elle malgré lui et ne réussit à libérer son esprit de sa pensée qu’à ses côtés. Totalement désinvesti de cette histoire, le personnage s’attache davantage à la façon dont il la raconte. Il réfléchit aux mots qu’il choisit, aux associations qu’il crée spontanément et laisse des questions en suspens.

D’emblée, Jérôme Garnier établit un discret contact avec le public. Il s’agit moins d’un soliloque que d’une confession, mais dénuée de tout sentiment de culpabilité. Le parti-pris est en effet celui du détachement, ce qui enraye la crudité et la violence du propos.

La franchise de ses émotions est telle que le récit ne lui fait pas revivre le passé, il le partage au contraire avec surprise et cette posture est convaincante. Semblable à un singe, accroupi sur sa chaise décapitée, à se gaver de cacahuète, il a un air attendrissant d’innocence enfantine.

Parmi la forêt clairsemée d’ampoules, le comédien se déplace sur le plateau avec simplicité et efficacité. Cette mise en scène fait tout particulièrement bien résonner le texte et en révèle la poésie derrière ses apparences licencieuses.

F. pour Le Bruit du Off

Pour en savoir plus sur « Premier amour », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.

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