« L’Echange » de Paul Claudel par la Compagnie Les Larrons

Xavier Lemaire s’attaque avec la Compagnie Les Larrons au chef d’œuvre de Paul Claudel, L’Echange. Le projet est d’envergure mais le metteur en scène réunit bon nombre d’ingrédients qui lui assurent une belle réussite.

Dès le moment de s’asseoir, le public est conquis par le décor face auquel il s’installe. A la fois structuré, moderne et réaliste, il est un espace de jeu, au sens propre. Sa balançoire et ses passerelles disjointes annoncent la vie des corps qui vont l’investir.

Dans cette scénographie, encore peu d’indices du drame qui va se jouer. La pièce de Claudel est une pièce de la destruction, du gaspillage. Entre quatre personnages vont se nouer des échanges de richesses, matérielles ou humaines, dont chacun résulte plus dépossédé qu’auparavant.

En Caroline du Sud, un couple modeste vit dans l’amour : Louis, assoiffé de liberté, a des projets fous à la mesure de son jeune âge, auxquels Marthe oppose sa raison et son bon sens. Il est gardien de la propriété d’un riche commerçant, Thomas Pollock Nageoire. Le dernier terme du quatuor est sa femme, Lechy, une actrice excentrique aux mœurs légères.

Tous incarnent une certaine conception de la vie et de la façon dont il faut la mener. L’équilibre se rompt quand les riches américains s’immiscent dans la vie des plus pauvres, et détruisent le couple. Marthe est réduite à une marchandise que Thomas Pollock souhaite acquérir en échange d’une liasse de billets, face à laquelle Louis cède.

Ce texte de Claudel est caractérisé par sa densité et la tension extrême de sa dramaturgie. C’est autour du personnage de Marthe qu’il se structure, suivant sa dérive de l’insouciance au désespoir. Même lorsque celui-ci est le plus fort et le plus profond, la jeune femme reste noble et digne de ses principes.

Les quatre comédiens portent cette œuvre à bout de bras et se l’approprient pour nous en livrer une très belle interprétation. Dans cette scénographie, ils nous offrent un théâtre physique et sensuel, qui engage les corps autant que les âmes. Contrairement aux notes de piano un peu kitsch qui viennent ponctuer les dialogues, les douces lumières accompagnent la multiplicité des sentiments qui traversent les personnages.

Xavier Lemaire ne redécouvre pas Claudel, n’en offre pas une lecture transcendante, mais simplement juste et émouvante.

F. pour Le Bruit du Off

Pour en savoir plus sur « L’Echange », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.

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