« Laurel et Hardy vont au paradis » de Paul Auster par la Compagnie Vous Avez Dit Biz’Art

Laurel et Hardy vont au paradis est un très joli texte de Paul Auster, écrit lorsque l’écrivain américain en était encore à ses débuts. David Choquet et Olivier Ranger incarnent avec brio les deux héros de cette fable absurde, gorgée de poésie.

Avant même que n’entrent les comédiens, la régie lumière nous laisse entrevoir un plateau féérique, où les gros cartons entassés prennent la forme de riches caissons, et où la lune flotte au creux d’un ballon. Cet univers un peu trop onirique s’évanouit quand arrivent les deux compères, et souligne ainsi le contraste avec ce qui les attend.

C’est une journée entière que nous passons en compagnie des deux hommes, réglée comme toutes les autres par les ordres enregistrés dans le Grand Livre. Après quelques exercices physiques et spirituels, les voilà sommés de construire un mur, avec les pierres qui les entourent, soigneusement numérotées.

Oli suit ces instructions à la lettre, tandis que Stan, moins soucieux des ordres, remet en cause cet état des choses et pose des questions qui dérangent : et s’ils étaient morts ? Il faut dire qu’ils n’ont aucune souvenir, c’est peut-être ça, la mort… C’est donc lui qui fait germer des élans de mutineries et de révoltes, qui retombent aussitôt à plat.

Seuls dans ce désert, avec leurs pierres insoulevables, ils sont enfermés dans le présent de leur situation, voués à recommencer chaque jour les mêmes gestes. Cette sorte d’enfer n’est pas sans évoquer celui de Sartre, dans Huis clos, mais surtout celui de Vladimir et Estragon, dans En attendant Godot de Beckett. Ceux-ci sont certainement des cousins éloignés de ces deux-là.

Dans cette mise en scène, Laurel, ou Stan, n’est pas le grand mince, mais le naïf rondouillet, l’éternel enfant. Oliver Hardy est donc le grand maigre, celui qui commande et se soumet pleinement à l’autorité. Cette inversion des corps par rapport aux célèbres acteurs de cinéma des années trente renforce encore le contraste entre leurs caractères : Oli est sec, hiératique, alors que Stan est bonhomme.

Le propos s’illustre dans une esthétique burlesque, qui sied parfaitement à ces deux clowns. L’un a les coins de la bouche qui tendent vers le bas, l’autre est un gai luron. Le visage peinturluré et accoutrés de vêtements aux détails loufoques, ils sont  articulés comme des pantins. Ils gesticulent, s’échinent à porter des cartons vides insoulevables et dansent un flamenco endiablé qu’on applaudit en riant.

Lumière et musique contribuent largement à nous faire passer un très agréable moment avec eux. Le spectacle, attendrissant, ne s’en tient pas là et ouvre également des gouffres de réflexion. On peut poursuivre l’aventure en revenant le lendemain, ils seront certainement là, inchangés !

F. pour Le Bruit du Off

Pour en savoir plus sur « Laurel et Hardy vont au paradis », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.

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