« Automne et Hiver » de Lars Norén par la Compagnie de l’Arcade

Agnès Renaud met en scène Automne et Hiver au Collège de la Salle, une pièce du suédois Lars Norén qui met en crise le modèle bourgeois en décortiquant les relations d’une famille nucléaire. Ce puissant texte est porté par quatre comédiens qui s’éloignent habilement du cliché à mesure que progresse la soirée.

Dans un premier temps, tout semble aller correctement. La présence de ses deux filles réanime la fierté que Margareta éprouve à leur égard, en particulier concernant Eva, l’aînée. Femme mariée de 43 ans, celle-ci se voue au travail et est pour ainsi dire indispensable à la boîte. Pour ce qui est d’Ann, c’est un peu différent. Serveuse dans un bar, elle élève seule son fils et a du mal à joindre les deux bouts. Mais peu importe, aux yeux de leur mère, elles sont aussi belles l’une que l’autre.

Cette prétendue indistinction s’effrite quand cette dernière, la petite révoltée de la famille, hausse un peu trop le ton. Ann ne mâche pas ses mots et force chacun à révéler ce qu’il y a de plus enfoui en lui, derrière les apparences et les faux-semblants. Au cours de ces confrontations, l’homme de ces femmes est pris à parti de tous les côtés mais se contente d’être spectateur plutôt qu’arbitre.

Dans ce tableau, les alliances et affinités sont loin d’être stables. C’est la raison pour laquelle les personnages ne peuvent se contenter de fuir. Il serait parfois plus simple de claquer la porte, mais malgré les cris de rage poussés et les verres brisés, un lien indissoluble les unit et les maintient réunis. Les relations trop superficielles laissent progressivement la place à des portraits taillés en profondeur, où les plus malheureux ne sont pas forcément ceux qui crient le plus fort.

Un même mouvement peut être perçu dans le jeu des comédiens de la Compagnie de l’Arcade. Les contrastes caricaturaux du début entre les deux sœurs s’estompent, les remarques acides de la mère se font plus humaines, et même le père finit par se révéler. Dans leurs échanges, souvent semblables à des monologues quand le calme revient provisoirement, certaines phrases résonnent avec puissance et restent un moment suspendues dans l’air.

La table familiale qui trône est jonchée de verres et des breuvages qui rythment le repas : vin rouge, vin blanc, Cognac, Whisky et café. Toute en longueur, elle prend la forme d’une aiguille qui fait le tour d’un cadran à intervalle réguliers, formant ainsi la « demi-vie » qui s’est écoulée pendant cette soirée. Cette table aux pieds noueux est aussi le support principal des effets sonores du spectacle, discrets mais très soignés, tout comme les lumières.

Malgré la violence des propos, la justesse du jeu, en particulier celui de Patrick Larzville, convaincant d’un bout à l’autre, donnerait presque envie d’assister encore un peu plus longtemps au dévoilement de cette intimité familiale morcelée. Ce très beau texte est reçu comme un cadeau grâce au travail d’Agnès Renaud.

F. pour Le Bruit du Off

 

Pour en savoir plus sur « Automne et hiver », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.

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