« Les Souffrances de Job » d’Hanokh Levin aux Ateliers Berthier

Mise en scène d’une réécriture autour de la figure biblique de Job, Laurent Brethome revisite ce mythe d’après le texte d’Hanokh Levin, dans Les Souffrances de Job. Liberté prise, le spectacle propose une histoire en huit chapitres qui interroge la croyance, dans une discussion souple et réjouissante.

Alors que la foi intangible de Job est mise à l’épreuve dans le récit qui signe sa naissance, il est blâmable dans la pièce d’Hanokh Levin, et ses souffrances ne sont que juste châtiment. Riche propriétaire et homme d’affaires, il organise des réceptions fastes, durant lesquelles les invités suivent de près le processus de digestion tant ils sont repus.

Job a beau laisser les mendiants de première catégorie s’emparer des restes, ceux de deuxième catégorie des os, et ceux de la dernière des restes de restes d’os, il n’est pas exactement charitable. Sa foi est plus vigoureuse à l’égard de ses comptables et de ses avocats qu’envers Dieu. Celui qu’il remercie au début de chaque repas n’est autre que lui-même, propre pourvoyeur de ses biens et de sa richesse.

Ainsi, quand s’abat sur lui la faillite, la pauvreté, la mort de ses enfants et la maladie, il est face à un choix : se lamenter ou croire. Ses trois meilleurs amis sont là pour l’orienter vers la religion, mais toutes les méthodes ne sont pas efficaces. Quand enfin il a trouvé en Dieu un père, voilà que la religion juive est bannie et tous ceux qui ne renient pas leur foi publiquement sont empalés. C’est de cette façon qu’il meurt sur scène.

Les huit parties du spectacle retracent cette descente aux Enfers – ou cette montée vers la grâce divine, selon le point de vue – en mêlant les registres. Le texte, parfois précieux, extrait l’histoire de Job hors de toute époque et l’érige à un rang plus universel. Les soirées mondaines du XXIe siècle côtoient les pratiques de tortures des premiers siècles après Jésus-Christ, et une troupe de cirque atemporelle vient faire de la mort de Job un spectacle lucratif.

La performance réside toute entière dans l’esthétique. La prouesse est autant visuelle que sonore – comme l’indique la mention « paysage sonore : Antoine Herniotte » dans le programme. Les comédiens pratiquent avec autant de souplesse le chant que les bruitages, et l’ouverture du spectacle sur le festin de Job est un délice pour les sens. Le serveur aux lunettes, dépassé, se sert une aspirine dans une flûte de champagne avant de repartir maladroitement en faisant tomber les bouteilles en plastique qui encombrent le sol.

Une fois les murs en tissu de la maison de l’hôte abattus par les huissiers, c’est-à-dire tombés avec élégance, la scène est centrée autour de Philippe Sire. Baigné dans le sang de ses enfants morts, en bleu, rouge et jaune, il peint son corps nu et porte ainsi la marque visible de sa douleur. Ses cris de souffrance, loin d’être insupportables, résonnent avec puissance et humanité. Autour de lui, les huissiers, ses enfants, ses amis et ses bourreaux défilent dans leurs costumes loufoques.

Un tel sujet se doit d’être traité avec un grain de folie. Ici, il est bien présent et même protéiforme. Le rire est déclenché à plusieurs reprises, sans faire perdre de vue la réflexion qu’instillent les artistes sur les croyances et leur rapport aux souffrances humaines.

F. pour Inferno

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