« Belle du Seigneur » d’après Albert Cohen par la Compagnie Jean-Claude Fall

Ariane d’Auble est dans son bain. Autour de sa baignoire il n’y a rien, sinon des draps blancs, aussi blancs que les draps de bain sur lesquels est assis le public à qui elle s’adresse. L’eau dans laquelle elle se plaît tant est sa compagne sur scène.

En effet, le reflet de l’eau illumine le plafond et lui donne la réplique par sa musique. Tout est encore calme, mais bien vite, la vitalité de l’épouse qui redevient enfant dans l’intimité se fait jour. Elle surgit, superbement voilée, et entame son monologue dans l’espace restreint de sa baignoire. L’eau déborde, les cheveux éclaboussent et le corps tente de trouver sa place et son confort dans cet espace si singulier.

La performance de la comédienne nous ramène à la forte oralité du texte de Cohen. Ariane s’adresse tantôt à elle-même, tantôt à une puissance supérieure quasi divine qui n’est parfois que le robinet d’eau chaude, tantôt à l’audience qu’elle s’imagine avoir et qui est cette fois bien présente.

Roxane Borgna a la voix qui tremble quand il le faut et ses intonations épousent parfaitement la palette des tons de la verve de Cohen. On voit ainsi se dessiner une nette progression de la femme mariée, livrée à elle seule et souffrant des ébats qui lui sont imposés par Didie, à l’amante amoureuse d’elle-même et de son amour dans l’attente de Solal.

C’est un pan savoureux du chef d’oeuvre de Cohen qui nous est donné à voir, avec puissance, légèreté et justesse.

F. pour Le Bruit du Off

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